RENCONTRE AVEC DANIEL KALONJI, ANCIEN DU MASTER MISP : l’humanitaire au centre de sa carrière.

De pilote à médecin

Le rêve de Daniel était de devenir pilote, mais sur les conseils de sa sœur, il change de voie et se lance dans des études de médecine. Après une formation de médecin généraliste en République Démocratique du Congo, il exerce pendant trois ans dans ce pays. 

Lors d'une visite chez sa grande sœur, dans le sud du Tchad, il entre en contact avec des religieuses qui lui proposent de visiter un hôpital. Après cette visite, elles lui offrent un poste dans cet établissement. Daniel devient alors responsable d’un centre spécialisé dans la prise en charge des patients vivant avec le VIH et la tuberculose. Ce centre traite 5000 patients, un nombre considérable. 

C’est au cours de cette expérience qu'il rencontre d'autres médecins venus aider les populations en difficulté, ce qui éveille en lui une vocation pour l’humanitaire. Daniel décide alors de se rendre dans la région du lac Tchad, une zone particulièrement fragile en raison de l’activité du groupe islamiste Boko Haram, qui provoque de nombreux déplacements internes. Il y travaille en tant que médecin d’urgence tout en gérant des projets humanitaires. À la tête d’une clinique mobile composée de deux sage-femmes et de quatre infirmiers, il se rend dans les camps de réfugiés, vivant l'une de ses missions les plus périlleuses. 

Il poursuit ensuite sa mission dans l'extrême nord du Cameroun, dans le même contexte politique instable. Là, il occupe le poste de coordinateur de projet pour accompagner les structures sanitaires qui mettent en place des centres gratuits destinés aux enfants de 0 à 5 ans, ainsi qu’aux femmes enceintes et allaitantes. Il apprend sur le terrain à gérer des projets, rechercher des financements et rédiger des appels à projets.

Au fil de ses missions, Daniel se rend compte que l’aide humanitaire est souvent ponctuelle. Les projets apportent une aide immédiate, mais une fois le financement épuisé, les besoins restent sans réponse. Les projets dépendent en grande partie des financements institutionnels, qui ne sont ni pérennes ni continus, ce qui impacte négativement les populations vulnérables et les professionnels impliqués, dont les contrats sont souvent temporaires ou redéployés dans d’autres zones géographiques. 

Renforcer ses compétences et se former à la santé publique

Désireux de progresser dans sa carrière, Daniel réalise qu'il lui faut une formation en santé publique et gestion de projet pour évoluer. Les recruteurs recherchent en effet des profils qualifiés dans ces domaines. Il s'inscrit donc au Master 1 de santé publique à l’Université Paris-Saclay, un programme qu’il apprécie particulièrement pour la qualité des enseignements et la diversité des profils étudiants, favorisant des échanges enrichissants. 

Après le M1, Daniel hésite encore sur la voie à suivre. Après avoir postulé à plusieurs Master 2, il choisit finalement le Master MISP, dont les objectifs correspondent à ses ambitions : analyser les besoins des populations vulnérables et proposer des actions concrètes pour lutter contre les inégalités en santé.  

Il se souvient de son année de M2 et de l'excellente ambiance de la promotion. En effet, la petite taille de la promotion a facilité la création de liens, notamment avec des camarades rencontrés durant le M1. 

Son stage de M2

C’est en entendant parler des collines du Crac, à la Porte de la Chapelle, que Daniel décide de réaliser son stage à l’ARS de la Seine-Saint-Denis. Il veut comprendre comment sont prises en charge les personnes en errance, comme celles des collines du Crac. Durant son stage, il collabore avec des professionnels travaillant sur des projets liés à l'addiction et à l'accompagnement des populations vulnérables, ce qui lui permet de répondre à certaines de ses interrogations. Sa mission principale est d’analyser les contrats locaux de santé (CLS), qui permettent de décliner les orientations du Projet régional de santé en fonction des spécificités locales. Ces contrats sont signés entre l'ARS, la CPAM, la préfecture et les hôpitaux. L'objectif est de réduire les inégalités sociales de santé au niveau local. Daniel se rend ainsi compte que l’humanitaire ne se limite pas aux zones de guerre ou de crise. 

Son insertion professionnelle après le M2

Après une courte mission au nord du Mali avec la Croix-Rouge, Daniel revient en France et exerce en tant que médecin de santé publique et coordinateur des contrats locaux de santé (CLS) à la mairie d’Aubervilliers. Ce poste ne comportant pas de soins cliniques, Daniel n’a pas eu besoin de passer les Épreuves Validantes de Compétences (EVC) pour obtenir le titre de médecin de santé publique, décision qui relève de la liberté des collectivités sur certains postes. 

La santé, explique Daniel, englobe non seulement la santé physique, mais aussi l’environnement dans lequel on vit, un facteur déterminant pour la santé. Les CLS sont un dispositif transversal qui permet de travailler avec différents services de la ville, comme l'habitat ou le logement, afin de s'attaquer aux déterminants sociaux de la santé. Les partenaires du CLS s'engagent à mettre en place des actions concrètes pour répondre aux défis sanitaires locaux. Daniel pilote ce dispositif au niveau d’Aubervilliers.

Ses missions sont variées. Il mène des diagnostics territoriaux de santé, en utilisant les méthodes quantitatives et qualitatives apprises durant son M2. À l'issue de ces diagnostics, des problématiques prioritaires sont identifiées, et la politique de santé de la ville pour les cinq années à venir est ajustée en conséquence. 

Daniel travaille également sur des projets spécifiques en tant que référent sur la thématique sport-santé, Daniel pilote le programme « sport sur ordonnance » destiné aux personnes en Affection Longue Durée (ALD) ou souffrant de pathologies chroniques. Lorsqu’ils vont voir leur médecin, il leur est prescrit une activité physique pendant 1 an renouvelable une fois. Cette ordonnance incite la personne à faire une activité physique régulière et donc bénéfique pour son état de santé. 

Un autre exemple d’action concrète découlant du CLS sur le volet de l’addiction sont la mise en place de cellules d’écoute, des campagnes de sensibilisation auprès des habitants et des consultations appropriées pour les personnes dépendantes aux substances psychoactives.

Daniel accompagne également ses collègues dans la rédaction et conception de projet et dans l’analyse de leur impact.

Il participe aussi à la veille et la surveillance sanitaire dans le cadre de l’observatoire local de la santé d’Aubervilliers. Il surveille, avec son équipe, les données à leur disposition au niveau des deux centres municipaux de santé, afin de voir quels sont les pathologies les plus récurrentes et essayer de comprendre les liens entre l’environnement des patients et la pathologie. Car en effet, il y a de nombreuses inégalités au sein même d’une ville. Actuellement, une étude est en cours sur l’obésité et le surpoids des élèves de CE2.

Enfin, Daniel rassure les étudiants sans formation médicale : pour devenir coordinateur de CLS, il n’est pas nécessaire d’être médecin de santé publique. De nombreux postes dans la santé publique, comme chargé de mission ou chef de projet, sont accessibles sans diplôme médical. 
 

Projets futurs

Par la suite, Daniel envisage de revenir en Afrique, car les besoins sont énormes là-bas, que ce soit au travers d’une association pour l’accès au soin qui accompagnerait les patients avec des pathologies chroniques, mais cela prend du temps et nécessite des moyens.  
 

 

Témoignage recueillit en décembre 2024.