
Unveil : mieux voir pour mieux soigner
Afin de mieux voir les particules nanométriques qui transportent certains médicaments dans le corps humain, la start-up Unveil, issue du Laboratoire Charles Fabry (LCF — Univ. Paris- Saclay/Institut d’Optique Graduate School/CNRS), a mis au point un instrument de mesure ultraprécis basé sur l’optique. Il permettra de quantifier et qualifier ces vecteurs et d’accélérer le développement de traitements efficaces contre les cancers et les maladies auto-immunes.
L’aventure Unveil démarre dans le Laboratoire Charles Fabry (LCF — Univ. Paris- Saclay/Institut d’Optique Graduate School/CNRS), dans le groupe Nanophotonique. Jean-Jacques Greffet y travaille sur la microscopie en champ proche qui permet d’obtenir de meilleures résolutions que la demi-longueur d’onde, considérée comme une limite fondamentale. Il y a un peu plus de trois ans, lui et son équipe se concentrent sur le développement d'un instrument d’optique au service de la biologie et de la pharmacie pour les biomédicaments, fabriqués par des cellules vivantes. Installées dans des bioréacteurs, ces cellules y produisent des principes actifs. « C’est un domaine en pleine expansion, qui représente 60 % de l’effort de recherche actuellement. C’est là où l’on a les meilleurs espoirs de trouver des solutions pour les cancers difficiles ou les maladies auto-immunes », explique Jean-Jacques Greffet.
« Mais pour y arriver, il faut de nouveaux outils de diagnostic », précise le chercheur, qui a depuis pris sa retraite. L’aventure ne fait alors que commencer puisqu’il joint ses forces à celles de son fils, Matthieu Greffet. Depuis 2018, celui-ci travaille dans une start-up développant des techniques pour l’observation des virus. « La technologie de l’entreprise ne permettait pas de voir des particules plus petites que 70 nm, ce qui est pourtant très demandé par le marché. Nous avons discuté et j’ai proposé une technique innovante pour être capable de pallier ce manque », explique Jean-Jacques Greffet, qui dépose une déclaration d’invention au LCF et rédige un brevet, validé en septembre 2023.
De multiples soutiens pour démarrer
Après ces premières étapes, le duo part à la recherche de fonds. Il reçoit le soutien du Laboratoire d’excellence (LabEx) PALM et bénéficie de Poc in labs, un programme porté par l’Université Paris-Saclay qui finance des projets destinés à entrer en phase de prématuration, et du programme de prématuration du CNRS. « Avec ces soutiens, nous avons financé deux post-doctorants et acheté de l'équipement, ce qui nous a permis de faire une preuve de concept », explique Jean-Jacques Greffet. Le duo père-fils bénéficie aussi de l'accompagnement de l’incubateur IncubAlliance et du programme RISE du CNRS afin de se préparer à la création d’entreprise. Il reçoit également des aides de la French Tech.
Alexis Auchère, qui possède des compétences industrielles, commerciales et financières rejoint l'équipe de cofondateurs début 2024 comme futur CEO. En novembre 2024, la start-up est officiellement créée sous le nom d’Unveil, en français « dévoiler », et est présidée par Matthieu. L’entreprise est actuellement hébergée à l’Institut d’Optique Graduate School sur le plateau de Saclay. Elle regroupe quatre personnes, auxquelles s’ajoute un stagiaire qui va poursuivre son parcours par une thèse Cifre.
Voir les nanoparticules
Unveil développe un instrument qui dévoile en quelques minutes les particules allant d’un micromètre à 30 nanomètres. Cela sert à observer des virus, des vésicules ou des phages, des objets utilisés pour transporter des principes actifs. « Par exemple, l’ARN, dans les vaccins contre le Covid-19, est très fragile. Pour le transporter, il est placé dans des poches qui sont des nanoparticules lipidiques. Il est important de pouvoir caractériser ces vecteurs : est-ce qu’ils sont pleins ou vides ? Jusqu’alors il n’y avait pas d’instrument capable de répondre à cette question de manière simple et rapide », ajoute Jean-Jacques Greffet. Les méthodes actuelles se basent sur des moyennes portant sur l’ensemble des objets.
Avec la technologie proposée par Unveil, il est possible de voir les particules une à une et ainsi d'effectuer des mesures de concentration, de diamètre et de vérifier si elles sont pleines ou non. « Notre procédé repose sur la photométrie de masse et plus précisément sur la microscopie interférométrique pour être sensible aux plus petites particules. Un laser éclaire des nanoparticules en suspension dans une goutte de solution déposée sur une lame de microscope. Nous collectons alors la lumière diffusée grâce à un objectif. C’est comme observer des poussières dans un rayon de soleil », commente le cofondateur de la start-up. Un logiciel vient ensuite appliquer de nombreux traitements du signal. La technique holographique développée par l’entreprise suit les particules de manière individuelle afin de mesurer leur trajectoire, d’en déduire leur taille et leur indice en quelques minutes.
Une commercialisation en 2027
La technologie proposée par la start-up est actuellement à un niveau de maturité technologique (Technology Readiness Level ou TRL) de 7 à 8. La première vente de service a eu lieu cette année. La machine va être installée à l’Institut des sciences moléculaires d’Orsay (ISMO – Univ. Paris-Saclay/CNRS) afin de réaliser des essais sur des échantillons et la mettre à disposition des chercheurs et chercheuses. La prochaine étape sera l’industrialisation. « Des premiers prototypes seront fabriqués en quelques exemplaires et implantés dans des plateformes ou vendus à des premiers clients. Pendant un an, nous allons récupérer des retours et passer à la réalisation du produit final », explique Jean-Jacques Greffet.
Unveil finalise actuellement une levée de fonds qui vise à récolter un million d’euros auprès de différents investisseurs et business angels dans le cadre d’un pré-seed. Elle attend aussi les résultats du concours I-Lab. Avec ces fonds, elle embauchera un ou une informaticienne et des personnes pour le support ainsi que des ingénieurs d’application. Le modèle économique est de vendre les instruments et les consommables qui vont avec eux.
La start-up a déposé un deuxième brevet afin de se réorienter sur le marché et se positionner sur un segment sur lequel elle aura un avantage compétitif par rapport à la concurrence.
Unveil vient également de commencer un projet financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) en partenariat avec l’Institut Curie. « L’objectif est de caractériser des vésicules, ces petites poches qui sont des morceaux de membrane. Elles sont produites par les cellules et ont un rôle dans la transmission de l’information. Les chercheurs et les chercheuses les utilisent comme vecteurs pour transporter du matériel génétique. C’est un enjeu important dans le domaine de la biologie », conclut le cofondateur d’Unveil.