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Fabrice Gatuingt : Prévoir la résistance des constructions

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 14 octobre 2022 , mis à jour le 21 octobre 2022

Fabrice Gatuingt est professeur des universités, enseignant-chercheur au Laboratoire de mécanique Paris-Saclay (LMPS – Univ. Paris-Saclay, CentraleSupélec, ENS Paris-Saclay, CNRS) et directeur-adjoint Formation de la Graduate School Sciences de l’ingénierie et des systèmes de l’Université Paris-Saclay. Ce normalien en génie civil, spécialiste du béton, prévoit le comportement des bâtiments en cas de chargements extrêmes, qu’ils soient naturels ou accidentels, et issus de la main de l’être humain ou non.

Membre du Laboratoire de mécanique Paris-Saclay (LMPS), Fabrice Gatuingt appartient à l’équipe Ouvrages, matériaux, environnement : interactions et risques (OMEIR), une des quatre équipes de ce nouveau  laboratoire de l’Université Paris-Saclay né au début de l’année 2022. Regroupant plus de 200 personnes, le LMPS est le fruit de la fusion du Laboratoire de mécanique et technologie (LMT) et du laboratoire de Mécanique des sols, structures et matériaux (MSSMat). « Au sein de notre équipe, nous étudions le comportement des constructions au sens large et leurs interactions avec leur environnement, par exemple lors de séismes », détaille Fabrice Gatuingt. Les trois autres équipes s’intéressent, quant à elles, à la simulation numérique et à d’autres types matériaux, comme ceux utilisés dans les secteurs de l’aéronautique ou de l’automobile et les matériaux architecturés, liés à la biomécanique ou en nid d’abeille par exemple.

Très tôt, le parcours de Fabrice Gatuingt s’inscrit dans le périmètre saclaisien : attiré par la technologie, il effectue ses classes préparatoires à Versailles. Il est reçu au concours dans la section génie civil à l’ENS Cachan (aujourd’hui ENS Paris-Saclay) en 1991, « un peu par hasard » de son propre aveu. Le hasard faisant bien les choses, il prend goût à la discipline « pour son côté industriel et les objets étudiés ». Il passe l’agrégation en 1994 et son DEA un an plus tard. En 1999, il soutient sa thèse sur la prévision de la rupture des ouvrages en béton sollicités en dynamique rapide, réalisée au LMT, qu’il ne quitte plus. 

 

Après le 11 septembre 2001

Financée par un industriel, cette thèse a pour but de prévoir la résistance des structures en béton armé. « Plus précisément, j’ai mis au point des outils d’évaluation de résistance des dalles des pistes d’aéroport soumises à l’impact potentiel d’armes. À l’époque, il y en avait deux types : les munitions françaises qui faisaient un gros trou et les armes américaines qui en faisaient de plus petits », se souvient l’enseignant-chercheur.

Ces recherches prennent un sens plus aigu après le 11 septembre 2001 et les attentats terroristes perpétrés sur les tours jumelles du World Trade Center et le Pentagone aux États-Unis. « Auparavant, les impacts potentiels sur les ouvrages en béton relevaient du registre accidentel, à l’instar des séismes ou des tsunamis. Après ces attentats, les sollicitations comme celle d’un avion de ligne projeté à toute vitesse sur ces structures sont devenues probables. » Se pose alors la question de la résistance de toutes les installations industrielles sensibles. « Le CEA et EDF nous ont contactés. Ils souhaitaient vérifier que leurs installations étaient bien dimensionnées pour résister à des impacts similaires à ceux subis par les tours du World Trade Center. »

L’année 2001 est aussi l’année où Fabrice Gatuingt devient maître de conférences. Il est habilité à diriger les recherches (HDR) en 2009 et devient professeur des universités deux ans plus tard.

 

Une centrale de béton à Paris-Saclay

Les recherches de Fabrice Gatuingt consistent à prédire le comportement en cas de sollicitations extrêmes du matériau béton, dont il est un spécialiste. Il est d’ailleurs membre du conseil scientifique de l’École française du béton depuis 2017 et représente (en tant que suppléant) la France au sein de la Fédération internationale du béton depuis 2016. « Le béton étant un matériau assez difficile à maîtriser, nous préférons le fabriquer nous-mêmes pour être sûr de ce que nous étudions. Nous réalisons ainsi nous-mêmes nos éprouvettes », dévoile Fabrice Gatuingt. Destinée à l’enseignement et à la recherche, l’ENS Paris-Saclay possède sa propre centrale de béton. « Une des particularités du génie civil est que nous ne sommes évidemment pas en mesure de réaliser des expérimentations sur des constructions à l’échelle 1. Nous résolvons cette problématique en simulant numériquement des structures à cette échelle à partir de données à échelle réduite. Nous utilisons également de plus en plus des essais hybrides dans lesquels la structure complète est simulée numériquement, tout en n’en testant physiquement qu’une partie à l’échelle 1. »

Le laboratoire développe sa partie expérimentale en complémentarité de celle du CEA Paris-Saclay, avec lequel il collabore depuis longtemps sur la simulation de sollicitations extrêmes. « Le CEA possède une plateforme d’expérimentation (la table Azalée) sur laquelle on teste les maquettes d’une structure. Sur notre plateforme, nous étudions plutôt des bouts de structures à l’échelle 1, tout en mettant autour d’eux un environnement correspondant à ce que pourrait être la vraie structure », détaille le spécialiste, qui associe, en fonction des thématiques, ses collègues de l’équipe numérique du LMPS pour la mise au point de simulations numériques. « Nous prenons en compte l’état de l’ouvrage étudié (son état de dégradation) à différents âges : dix, vingt ou trente ans au moment du calcul, ce qui n’était pas le cas auparavant. » Car les caractéristiques du béton évoluent dans le temps. La question est donc de savoir comment intégrer ce paramètre pour prédire le comportement du béton au moment où celui-ci est soumis à des sollicitations exceptionnelles.

 

Créer la communauté des sciences de l’ingénieur

Côté formation, Fabrice Gatuingt pilote le montage de la mention de master Génie civil de l’Université Paris-Saclay, où il enseigne également. « La proximité des étudiantes et étudiants, âgés de 20 à 25 ans, nous empêche de nous voir vieillir », sourit-il. Très impliqué dans la préfiguration de la Graduate School (GS) des Sciences de l’ingénierie et des systèmes de l’Université Paris-Saclay, Fabrice Gatuingt en devient naturellement le directeur-adjoint chargé de la formation. Sa mission la plus importante est de structurer et de coordonner l’offre de formation de la GS, soit dix mentions de master qui font intervenir différentes entités de l’Université Paris-Saclay et représentent environ 1 500 étudiantes et étudiants.

Pour l’heure, Fabrice Gatuingt fait feu de tout bois afin de créer un sentiment d’appartenance à la communauté de l’ingénierie de l’Université. L’équipe de la GS participe aux réunions de rentrée des établissements pour mieux la faire connaître et communiquer ses messages aux étudiantes et étudiants répartis sur les différents campus. La GS multiplie également ses interventions aux événements de l’Université : journées portes ouvertes, séminaires, colloques, journées des doctorantes et doctorants, sans oublier de préparer la deuxième cérémonie de remise de diplômes en 2023. « J’aimerais que tous les acteurs et toutes les actrices de la GS se reconnaissent en elle au fur à mesure de leur participation à ces initiatives », conclut Fabrice Gatuingt.