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Élodie Béthoux : Le travail sous toutes ses facettes

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 29 septembre 2021 , mis à jour le 07 octobre 2021

Élodie Béthoux est sociologue du travail et des relations professionnelles, directrice-adjointe formation de la Graduate School Sociologie et science politique de l’Université Paris-Saclay. Elle analyse depuis une quinzaine d’années l’évolution et l’impact des dispositifs publics qui encadrent les relations professionnelles au sein des entreprises, nationales et internationales. Jusqu’à peu maîtresse de conférences à l’ENS Paris-Saclay et membre du laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l'économie et de la société (IDHES - Univ. Paris-Saclay, Univ. d’Évry, ENS Paris-Saclay, CNRS Univ. Vincennes-Saint-Denis, Univ. Paris-Nanterre, Univ. Panthéon Sorbonne), elle a rejoint le laboratoire Professions, Institutions, Temporalités (PRINTEMPS – Univ. Paris-Saclay, UVSQ, CNRS) à la rentrée universitaire 2021/2022. 

Les relations professionnelles présentent l’intérêt de se situer au croisement de l’économie, de la sociologie et du droit. Élodie Béthoux s’intéresse ainsi à la production des règles qui régissent le travail et l’emploi, dans lesquelles les institutions - État, organisations syndicales et patronales - et leurs acteurs - salariés, syndicats, patrons - sont impliqués. « Mes recherches se font dans une perspective institutionnaliste, déclare-t-elle. C’est un champ de recherche caractéristique des travaux menés à l’IDHES, qui fédère des sociologues, historiens, économistes et gestionnaires autour de ces questions. Ils apportent des regards aussi complémentaires qu’utiles pour saisir cet objet de recherche. »

 

De Cachan à Saclay, en passant par Nanterre, Johannesburg et Calcutta

Élève du département de sciences sociales de l’ENS Paris-Saclay, Élodie Béthoux suit un double cursus en sociologie et en économie à l’Université de Nanterre. L’année de son master de sociologie, elle effectue un séjour d’études de six mois à l’Université du Witwatersrand, à Johannesburg. Elle y étudie, dans le cadre d’un projet pour le Bureau international du travail, la réforme du système de négociations collectives sud-africain dans la période post-apartheid, à laquelle elle consacre son mémoire. « C’était à la fin des années 90, se souvient-elle, quelques années après l’élection de Nelson Mandela, dans un contexte historique très fort. »

De retour en France, la jeune chercheuse obtient l’agrégation de sciences économiques et sociales à l’ENS Paris-Saclay et décide de s’offrir une année sabbatique pour voyager. Elle part notamment en Inde, où elle effectue un stage de cinq mois à l’Alliance française du Bengale, à Calcutta, puis revient à l’ENS Paris-Saclay. Élodie Béthoux s’investit alors dans un projet de recherche du laboratoire IDHE (aujourd’hui IDHES) sur le développement de l’Europe sociale et y consacre son mémoire de master 2 de sciences sociales, puis une thèse, sur les comités d’entreprises européens, soutenue en 2006 à l’Université de Nanterre. Elle est recrutée l’année d’après comme maîtresse de conférences à l’ENS Paris-Saclay. En 2018, elle effectue un séjour de quatorze semaines en tant que visiting scholar (professeure invitée) à l’Université Cornell, à Ithaca (États-Unis). À l’automne 2020, elle obtient son habilitation à diriger des recherches (HDR), consacrée au concept controversé de dialogue social, puis est nommée professeure à l’UVSQ.

« Après ma thèse, où je m’intéressais à l’appropriation progressive, par les salariés européens, d’une nouvelle instance de représentation du personnel établie par une directive européenne du début des années 1990, j’ai continué à travailler sur les dispositifs d’information et de consultation des salariés, et sur les processus de négociation collective en entreprise », explique Élodie Béthoux. Aujourd’hui, la chercheuse participe aux travaux d’évaluation des ordonnances dites « Macron » de 2017 menés pour France Stratégie. « Ces ordonnances ont notamment instauré les comités sociaux et économiques (CSE) qui ont remplacé les anciens comités d’entreprise, comités hygiène et sécurité, et délégués du personnel. Une refonte en profondeur du système de représentation des salariés dans les entreprises s’est opérée. » La sociologue collabore également depuis mai 2021 au projet ANR ProVirCap sur « les professionnels de la vertu du capitalisme ». L’objectif est d’étudier les cadres des grandes entreprises chargés des questions de responsabilité sociale des entreprises (RSE), avec une approche qui croise sociologie politique, du travail, des professions, des organisations et du genre.

 

Les effets du télétravail

Lorsqu’Élodie Béthoux pose son regard de sociologue du travail sur les effets de la crise sanitaire, elle retient deux éléments. « En premier, le recours massif au télétravail qui a perturbé la façon de se positionner dans les espaces et dans les temporalités du travail. Mais un second effet, qui concerne les relations entre directions et représentants des salariés, m’intéresse particulièrement, pour deux raisons, analyse la chercheuse. D’une part, de nouveaux sujets de négociations collectives apparaissent pour encadrer ces nouvelles pratiques. Un accord national interprofessionnel sur le télétravail, directement lié à la crise sanitaire, a ainsi été entériné en novembre dernier. D’autre part, le télétravail joue sur les pratiques des représentants des salariés qui ont moins de relations directes et quotidiennes avec les salariés. »

 

État, patrons et syndicats

Les commanditaires des recherches d’Élodie Béthoux sont d’abord des administrations publiques. Elle répond à leurs appels à projets, avec d’autres chercheurs de différentes disciplines et laboratoires. « Il y a quelques années, j’ai par exemple co-dirigé une post-enquête qualitative, à la suite de l’enquête statistique REPONSE que le ministère du Travail  - la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, Dares - réalise tous les quatre ans pour approfondir le tableau des relations sociales nationales. » La chercheuse a également travaillé en lien avec des organisations syndicales, comme il y a dix ans avec la CFDT, au sujet des négociations sur l’emploi dans les entreprises en restructuration, ou la CFE-CGC (syndicat des cadres et de l’encadrement), à laquelle elle a consacré la rédaction d’un ouvrage avec trois collègues. « Depuis, j’interviens régulièrement dans des formations syndicales pour faire un retour sur nos travaux de recherche », note Élodie Béthoux. 

La sociologue a également approché le secteur public. Il y a quelques années, elle a par exemple étudié les frontières public/privé au synchrotron SOLEIL, lorsque la structure a adopté un statut privé réunissant des chercheurs (CNRS, CEA) et des salariés de droit privé. Une problématique qui se retrouve au cœur de sa contribution à un projet international récent sur négociation d’entreprise et inégalités au travail

 

La place des sciences sociales à l’Université Paris-Saclay

En tant qu’enseignante à l’ENS Paris-Saclay, Élodie Béthoux forme les étudiants et les étudiantes de master 1 et 2 à la recherche, par exemple dans le cadre du séminaire « Publier en sciences sociales », grandement apprécié. « Je les encourage à se confronter très tôt aux différents aspects des métiers de la recherche, notamment à rédiger et publier des articles à partir de leurs travaux. Je leur fais partager ma propre expérience éditoriale, puisque j’appartiens à trois comités de rédaction (terrains & travaux, hébergée par la MSH-Paris-Saclay, L’Année sociologique et la Revue française de sociologie). Il est important de leur donner les clefs pour cartographier les très nombreuses revues existantes, distinguer les revues généralistes de celles spécialisées, identifier les exigences de chacune. »

Responsable pendant plusieurs années de la mention de master de sociologie de l’Université Paris-Saclay, Élodie Béthoux s’attache aujourd’hui, en tant que directrice-adjointe formation de la Graduate School Sociologie et science politique qui réunit un millier d’étudiants et d’étudiantes, à « construire les dynamiques transversales et collectives ». « Nous avons un projet de séminaire interdisciplinaire, et nous portons notre attention sur des objets de réflexion communs, comme la science ouverte ou les Big data, pour lesquels le regard et les apports des sciences humaines et sociales sont essentiels. C’est très stimulant », conclut la chercheuse.