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Un nanomédicament efficace contre les inflammations paradoxales : un espoir dans la lutte contre le Covid-19 ?

Recherche Article publié le 03 juin 2020 , mis à jour le 03 juin 2020

L'infection par le SARS-CoV-2, le virus responsable du Covid-19, peut conduire à un syndrome de détresse respiratoire aiguë accompagné d'une puissante inflammation des cellules pulmonaires. Une équipe de l’Institut Galien (Université Paris-Saclay, CNRS) travaille depuis plusieurs années sur un nanomédicament qui combine plusieurs principes actifs afin de traiter les réactions inflammatoires non maîtrisées, secondaires aux infections bactériennes. Comme la récente épidémie de SARS-CoV-2 se caractérise elle aussi par une réaction inflammatoire paradoxale, ce nanomédicament multi-fonctionnel pourrait présenter un intérêt thérapeutique dans le contexte d’une infection virale.

 

Les infections par un agent pathogène - un virus ou une bactérie – causent parfois une inflammation qui déclenche la fameuse « tempête cytokinique » évoquée dans le cas du Covid-19. Il s'agit d’une libération de molécules qui, pour certaines, encouragent l'inflammation, alors que d'autres la réduisent. À cette inflammation s’ajoute également la production, dans le corps, de molécules très réactives - les Reactive Oxygen Species (ROS) - qui causent des dégâts tissulaires. « Ce type de réaction inflammatoire est un cercle vicieux, explique le professeur Patrick Couvreur, de l’Institut Galien (Université Paris-Saclay, CNRS). La réaction inflammatoire entraîne la formation de ROS, qui eux-mêmes entraînent des dommages qui activent la réaction inflammatoire, etc. »

 

Enrober les principes actifs pour mieux cibler les cellules

En 2017, Patrick Couvreur et son équipe démarrent des travaux sur un modèle de choc septique qui cause ces inflammations paradoxales. Les chercheurs injectent alors des lipopolysaccharides à des souris de laboratoire afin de tester un nouveau nanomédicament. Ces molécules originaires de la paroi de bactéries sont responsables du déclenchement de l’inflammation et de l’orage cytokinique qui s’en suit.

Le nanomédicament testé se compose d'une molécule anti-inflammatoire, l'adénosine, habituellement non utilisée comme médicament car trop rapidement métabolisée dans l’organisme pour produire un effet. Pour la stabiliser, les chercheurs la couplent chimiquement au squalène, un lipide présent naturellement dans le corps humain. En raison de la structure moléculaire extrêmement compacte du squalène, le bio-conjugué adénosine-squalène s’auto-organise spontanément sous la forme de nanoparticules. Les chercheurs ajoutent alors de l’alpha-tocophérol, un type de vitamine E, dont le pouvoir antioxydant contrecarre la production des ROS. Grâce à sa nature lipophile, l’alpha-tocophérol s’insère au sein des nanoparticules d’adénosine-squalène pour former un nanomédicament multifonctionnel d’environ 70 nanomètres de diamètre.

Après de multiples tests sur des cellules et sur des modèles animaux, l'équipe caractérise l'activité antioxydante et anti-inflammatoire des nanoparticules produites. « Nous avons montré l’efficacité du nanomédicament sur des cultures de cellules, qu'on a soumis à des phénomènes oxydatifs ou à des chocs inflammatoires. Nous avons aussi observé son efficacité chez des souris qui ont subi un choc septique : celles ayant reçu le nanomédicament y ont survécu, contrairement à celles traitées avec de l’adénosine et de la vitamine E sous une forme classique. Et nous avons constaté une diminution de la production de cytokines pro-inflammatoires après injection des nanoparticules », indique Patrick Couvreur.

 

Un nanomédicament prometteur... mais la patience est requise

Par leur aspect hyper-inflammatoire, les symptômes du choc septique ressemblent à ceux constatés dans les cas les plus sévères du Covid-19, et le nanomédicament développé par l’équipe de Patrick Couvreur pourrait s’y révéler utile. Mais sa mise sur le marché n’est pas attendue de sitôt. « Il faut d’abord pouvoir reproduire l’efficacité de ces nanoparticules sur un modèle de réaction inflammatoire consécutive au Covid-19, et fabriquer le nanomédicament en grande quantité pour l’adapter à un essai clinique chez l’Homme. Il faut aussi passer d’autres étapes précliniques, notamment tester sa toxicité chez un non-rongeur, avant d’envisager son évaluation chez l’être humain », déclare Patrick Couvreur. Ces résultats restent néanmoins porteurs d’espoir pour l’avenir du traitement des réactions inflammatoires incontrôlées.

 

Référence :

Flavio Dormont et al., Squalene-based multidrug nanoparticles for improved mitigation of uncontrolled inflammation. Science Advances, 27 Apr 2020.