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Thibaut Fleury Graff : le droit international au service des réfugiés et des migrants

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 25 novembre 2021 , mis à jour le 03 décembre 2021

Thibaut Fleury Graff est professeur des universités en droit public et chercheur au Centre de recherche Versailles Saint-Quentin Institutions publiques (VIP – Univ. Paris-Saclay, UVSQ). Il a à cœur la garantie des droits fondamentaux, dont le droit d’asile, et s’y investit de multiples manières.

Thibaut Fleury Graff étudie le droit à l’Université de Strasbourg de 2000 à 2004. Initialement, il hésite entre une formation en organisation culturelle et un cursus juridique. « Puis, j’ai rapidement entrevu ce qu’une carrière académique en droit offrait de liberté intellectuelle et d’indépendance, dans un cadre stable, ce qui correspondait exactement à ce que je recherchais. » Dès lors, il s’intéresse aux aspects fondamentaux et historiques de la chose juridique et effectue un DEA (Diplôme d'études approfondies, équivalent aujourd’hui à un master 2) en philosophie du droit et droit politique à l’Université Paris 2 Panthéon – Assas. « La philosophie m’a appris que le droit n’est pas seulement un ensemble de règles qu’appliquent différents acteurs, mais aussi un ensemble de considérations politiques et morales que l’on ne peut ignorer pour le comprendre. »

En 2005, il obtient un contrat doctoral dans la même université, assure des travaux dirigés à l’Université de Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), et entame la rédaction d’une thèse : « La question du territoire aux États Unis de 1789 à 1914, apport pour la construction du droit international ». Il y étudie la manière dont le pays s’est construit en tant qu’État fédéral au moyen du droit international, via notamment la problématique de la répartition des compétences sur le territoire. Ce qui l’amène à passer un an aux États-Unis, à la New York University, entre 2008 et 2009. À son retour, il devient attaché temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Paris 2 Panthéon – Assas, et soutient sa thèse en juin 2011. Il travaille ensuite durant presque un an en tant que consultant pour un cabinet d’avocats aux conseils et pour le Conseil de l’Europe. « Ce fut une expérience marquante car je sortais d’une période d’études très théoriques. Je me suis retrouvé plongé dans des considérations très concrètes, avec des délais de réalisation très resserrés. J’ai aussi découvert dans quelles mesures la pratique servait l’enseignement, et inversement. »

 

Relier le monde professionnel et académique

En 2012, il obtient un poste à l’UVSQ en tant que maître de conférences. Désireux de tisser des liens entre le monde professionnel et universitaire, il noue un partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’université, grâce auquel les étudiants rédigent des rapports de synthèse. Ils portent sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et sur les activités des différents comités par lesquels le Conseil surveille la bonne application des traités. Diffusés dans l’ensemble des États membres, ces rapports offrent aux étudiants l’opportunité de travailler, en anglais, sur des cas concrets et pour le compte d’une grande organisation internationale, ce qui favorise leur insertion professionnelle. 

 

Recherches et pratique en droit d’asile  

En 2014, le chercheur passe l’agrégation avec succès et obtient un poste de professeur à l’Université de Rennes 1. « Je suis attaché à conserver un profil généraliste pour traiter une palette variée de questions, tout en étant spécialisé sur celles des territoires et des frontières. Ces sujets sont par ailleurs proches de ceux de l’immigration ou du statut de l’étranger. » C’est sur ce thème que Thibaut Fleury Graff travaille au sein du Haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés (HCR), qui le recrute cette même année en tant que consultant spécialiste des problématiques d’asile et de migration. « À ce titre, je siège notamment comme juge assesseur à la Cour nationale du droit d’asile. Cela m’amène à retrouver cet aspect pratique très formateur. » Régulièrement, il statue sur les dossiers de personnes dont la demande d’asile a été rejetée et qui contestent cette décision. « Les problématiques juridiques que cela soulève nécessitent de se forger une certaine culture historique et géopolitique, ce qui est passionnant. » 

 

De nombreuses publications

Thibaut Fleury-Graff publie de nombreux articles, mais aussi des livres. En 2016, paraît le Manuel de droit international public, qui aborde le sujet de manière générale, et dont la deuxième édition est prévue pour 2022. Avec son collègue Alexis Marie, il publie en 2019 Droit de l’asile. Puisque le sujet ne fait pas l’objet d’ouvrages récents actualisés, que les lois évoluent beaucoup et qu’elles relèvent d’un droit assez technique, ce manuel constitue aujourd’hui une référence. Il expose les règles internationales, européennes et nationales du droit d’asile, qui encadrent l’octroi d’une protection internationale à celles et ceux qui sont persécutés dans leur pays d’origine.

 

La création du projet RefWar

En parallèle, le binôme monte avec leur collègue Julian Fernandez le projet RefWar, qui obtient un financement de l’Agence nationale de la recherche. Il porte sur la protection en France des exilés de guerre et vise, entre autres, à mieux comprendre l’origine de ces migrations, les traumatismes subis et les droits auxquels ils peuvent prétendre. Dans ce cadre, ils créent un diplôme universitaire sur le droit d’asile à Paris 2 Panthéon - Assas et une clinique juridique à l’UVSQ, une structure qui soumet des cas pratiques aux étudiants. Le projet comprend aussi de nombreuses manifestations scientifiques. « Début novembre 2021, nous avons organisé  le colloque "Migrations et droit international" au Musée national de l’histoire de l’immigration, en partenariat avec la Société française pour le droit international. »

 

Participation à l’International law association

Les questions sur l'asile s'inscrivent dans le contexte beaucoup plus général des migrations internationales, qui ne cessent d'augmenter ces dernières années. « Le HCR estime que la décennie qui vient de s'écouler est celle qui a connu le plus grand nombre de migrations internationales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. » Cela conduit Thibaut Fleury Graff à s’intéresser au sujet, et il co-crée en 2021 un comité sur les migrations internationales au sein de l’International law association, une organisation scientifique à but non lucratif qui promeut le respect et le développement du droit international. Car pour ce qui concerne les migrants internationaux, c’est-à-dire toutes les personnes qui quittent, pour une raison ou pour une autre, leur pays d’origine pour s’installer dans un autre pays, ce droit est encore assez peu développé. « Les champs de recherche émergent depuis les années 2010 seulement, lorsque les situations dramatiques se sont multipliées et que leur médiatisation a sensibilisé la communauté internationale. » 

 

La direction de la Graduate School Droit de l’Université Paris-Saclay

Thibaut Fleury Graff, qui depuis 2019 poursuit ses recherches en droit international à l’UVSQ, prend récemment de nouvelles responsabilités : la codirection du master 2 de droit international et européen des droits fondamentaux, mais aussi la direction de la Graduate School Droit de l’Université Paris-Saclay. Mise en place au printemps 2021, cette entité est chargée de piloter la formation et la recherche au niveau master et doctorat. Elle comprend neuf mentions de masters, plus de 40 masters 2, de nombreux laboratoires et programmes de recherche et d’écoles doctorales. « C’est un projet important et un beau défi, en raison de sa dimension, des différentes logiques d’établissements à articuler et de notre ambition de construire une institution leader sur le thème du droit au sein d’une Université, surtout connue pour ses sciences dites "dures". » Au printemps prochain, une grande cérémonie de remise des diplômes au Palais des congrès de Versailles, faisant aussi office de lancement officiel de la Graduate School, compte réunir environ 800 personnes.