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Seed In Tech : améliorer la production agricole et minimiser l’impact environnemental

Innovation Article publié le 29 septembre 2021 , mis à jour le 29 septembre 2021

Issu de recherches réalisées à l’Institut Jean-Pierre Bourgin (Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech),  le projet BOSS (Booster Of Seeds and Seedlings) utilise la technologie d’amorçage des semences (seed priming) pour optimiser leur germination et l’adaptation des jeunes plantules sans recourir à des pesticides. Grâce au soutien de la SATT Paris-Saclay et au vif intérêt du milieu industriel, la start-up Seed In Tech (SIT), tout juste créée, nourrit déjà de grandes ambitions. 

Porté par Loïc Rajjou, professeur à AgroParisTech et chercheur à l’Institut Jean-Pierre Bourgin (Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech) à Versailles, le projet BOSS s’inscrit dans la politique agricole européenne. Celle-ci encourage la diversification des cultures et des pratiques afin de réduire l’impact environnemental des productions et de favoriser une agriculture à bas intrants et à faible coût en carbone, comme l’agriculture biologique. Alors que les acteurs de la filière semences et plants, soumis à de nombreuses contraintes, recourent encore trop souvent à des traitements de semences post-récolte par enrobage de graines avec des produits phytopharmaceutiques de synthèse (principalement des fongicides et insecticides), BOSS propose un vrai changement. « Nous proposons de remplacer ces pratiques par des graines à haut potentiel de germination et de résistance aux contraintes environnementales », signale Loïc Rajjou. 

La technologie de priming ou d’amorçage de la germination des semences

L’objet de BOSS porte sur tout type de graine à semer et est compatible avec les normes en vigueur en agriculture biologique. Il s’agit de garantir une germination rapide, en plein champs ou sous serre, pour donner naissance à des jeunes plantes résistantes aux contraintes biotiques (c’est-à-dire des risques pathogènes), climatiques et soumises à une pression économique. Après quinze ans de recherches dans le domaine de la biologie de la graine et des mécanismes métaboliques et cellulaires qui régissent son potentiel de germination et de croissance, Loïc Rajjou identifie avec précision les besoins des jeunes plantes. « Cette meilleure compréhension m’a mené à développer une solution pour améliorer la vigueur et la vitesse germinative. » Grâce à la technologie de seed priming, c’est-à-dire d’amorçage de la germination, il parvient, avec son équipe, à identifier et à supplémenter les molécules déjà présentes dans la graine (et non des molécules de synthèse), pour stimuler les potentialités de croissance et de résistance au stress des embryons et des jeunes plantules. Ces traitements consistent en des apports de molécules biosourcées tels que des nutriments. « Tout est métabolisé par les cellules de l’embryon. C’est un peu comme une cure pour booster votre forme lorsque vous êtes affaiblis ou souhaitez prévenir l’apparition de pathologies. »

 

L’accompagnement de l’Université Paris-Saclay

Les travaux de recherche de Loïc Rajjou font appel à une plante modèle, Arabidopsis thaliana, qui n’a pas vocation à être une production agricole : « c’est un peu notre rat de laboratoire pour les plantes ». En 2015/2016, un financement de prématuration Poc in labs de l’Université Paris-Saclay lui donne la possibilité de transposer ce travail vers des plantes cultivées, à savoir la tomate et la laitue. Grâce aux résultats obtenus et à des manifestations d’intérêt de la part d’acteurs de la filière, il devient lauréat d’un programme de maturation à la fin de 2018, financé et accompagné par la SATT Paris-Saclay. Ce qui lui donne la possibilité de développer et d’affiner les formules de traitement, et de dimensionner la technologie à une échelle préindustrielle. « Pour la tomate, nous sommes parvenus à traiter deux kilos de semences, contre quelques grammes en laboratoire. Cela équivaut à 600 000 graines/plants. » Il recrute deux jeunes scientifiques, Frédéric Chauffour pour la partie stratégie scientifique et Omaé Pozza pour les aspects de développement méthodologique. Hugues Dumas, ancien chef de produit chez un semencier de premier plan, rejoint l’équipe en 2020 et apporte son expertise de la mise sur le marché. Loïc Rajjou endosse la casquette de consultant scientifique.

 

Stress biotiques

Certains pathogènes du sol, de type champignons ou bactéries, peuvent parfois attaquer les cultures et provoquer jusqu’à 70 % de pertes sur les rendements en raison de fontes de semis (une maladie transmise à la semence par la plante mère ou par le sol). Cela concerne surtout les cultures potagères, comme les salades, tomates, aubergines, concombres, les florales, mais également les grandes cultures de colza ou de maïs. Pour contourner ce stress biotique, l’approche de smart priming développée au sein de BOSS offre une plus grande latitude pour les dates de semis, grâce à la désynchronisation du cycle de la plante avec celui des pathogènes ou des ravageurs. Ce traitement, qui combine la biostimulation et le biocontrôle, favorise aussi la dynamisation de la croissance des jeunes pousses. Ce qui génère des mécanismes de défense contre les pathogènes lors de l’implantation des cultures.

 

Vitesse et homogénéité de germination pour contourner le réchauffement climatique

La stimulation par amorçage compense aussi les effets du changement climatique rapide auxquels les plantes ne sont pas encore adaptées. Par exemple, la laitue germe bien à des températures printanières plutôt fraîches, c’est-à-dire en mars ou avril. « Pour certaines variétés, les agriculteurs et producteurs de laitue souhaitent semer le plus tardivement possible pour avoir une période de production plus longue, allant jusqu’à la fin de l’été. » Mais avec le réchauffement climatique, le thermomètre grimpe en mai et juin. À partir d’un certain seuil, une thermo-dormance s’installe et les graines perdent leur capacité à germer. Le traitement de smart priming conduit à restaurer ce potentiel de germination pour atteindre des taux d’émergence supérieurs à 95 % même au-delà de 30°C. 

 

Une longue conservation des lots traités favorable aux circuits de distribution

Une fois le traitement réalisé, les graines sont séchées de manière contrôlée, ce qui rend leur conservation possible pendant au moins dix-huit mois. « Alors qu’avec les traitements traditionnels d’amorçage utilisés aujourd’hui dans l’industrie, les graines doivent être semées dans les six mois », constate Loïc Rajjou. En termes de logistique, cela avantage grandement le marché de la semence, dont l’échelle est internationale et qui fonctionne à flux tendus. En cas de fluctuation de la demande, les semenciers et distributeurs peuvent ainsi reporter la commercialisation de lots sur une année ou vers d’autres marchés. 

 

Création de la start-up Seed In Tech (SIT)

Cette technologie, qui intéresse de nombreux semenciers internationaux, est en cours de transfert dans le domaine industriel, via la start-up Seed In Tech tout juste créée. L’équipe a par ailleurs déposé un brevet sur les formules, c’est-à-dire les ingrédients et matières actives d’origine biologique utilisés dans les traitements d’amorçage par smart priming. Elle adopte une stratégie de secret industriel pour le procédé d’application car il utilise des molécules endogènes à la graine. Il est alors impossible de tracer les copies et de les justifier juridiquement.

Seed In Tech propose aux acteurs de la filière (semenciers, producteurs, etc.) une prestation de services de traitement de semences ainsi que des développements de traitements à façon, c’est-à-dire personnalisés, pour des variétés ou espèces particulières. « Nous envisageons de faire du co-développement avec les semenciers pour industrialiser le traitement au sein même de leurs usines. »

 

Des ambitions internationales

Seed In Tech a déjà une feuille de route pour les cinq ans à venir. La start-up prévoit de recruter environ huit collaborateurs pour prendre en charge des projets commerciaux, scientifiques et techniques. L’équipe est en contact avec une quinzaine de semenciers implantés en Europe, dont les besoins de production concernent le monde entier. « Nous apportons ainsi notre pierre à l’édifice d’une agriculture plus saine et adaptée aux besoins alimentaires à venir, avec une double démarche qui est de produire mieux avec moins de pollution environnementale », conclut Loïc Rajjou.