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Pluie de lauriers pour l’interaction humain-machine

Recherche Article publié le 10 mars 2020 , mis à jour le 10 mars 2020

Les recherches réalisées au centre Inria Saclay - Île-de-France dans le champ de l’interaction humain-machine se sont récemment vues distinguées par ACM SIGCHI, le pôle scientifique appartenant à la grosse société savante d’informatique, l’Association for Computing Machinery (ACM). Le chercheur Jean-Daniel Fekete et la chercheuse Catherine Plaisant, de l’équipe AVIZ (Analysis and Visualization), ont été récompensés pour leur contribution majeure à ce champ d’étude, en pointe à l’Université Paris-Saclay.

Faire défiler ses emails sur sa tablette tactile d’un glissement de doigt, y répondre en utilisant son clavier d’ordinateur, les envoyer d’un simple clic de souris… Autant d’objets, d’interfaces et d’expériences utilisateurs désormais ancrés dans le quotidien de l’être humain et qui médiatisent ses interactions avec un système informatisé. Le champ d’étude qui les recouvre - l’interaction humain-machine (IHM) –, s’intéresse à la conception, la mise en place et l’évaluation de systèmes informatiques interactifs et d’interfaces. Fortement indexée à l’informatique et au développement de nouvelles technologies, l’IHM n’a de cesse de rendre cette expérience interactive toujours plus efficace et agréable pour l’utilisateur. Qui ne connaît pas les microphones couplés à la reconnaissance vocale, caractéristiques des assistants personnels, et qui sont récemment venus changer les habitudes des utilisateurs et leur manière d’interagir avec les machines ?

Mais l’IHM ne se limite pas à l’informatique et l’électronique, elle fait également intervenir les sciences cognitives, la linguistique ou la psychologie. Car il faut prendre en compte à la fois les capacités humaines et celles de la machine, et notamment leurs limites. « Les machines ont une certaine capacité à calculer et les humains une certaine capacité à raisonner. Le point essentiel de l’IHM, c’est d’augmenter la bande passante entre eux », explique Jean-Daniel Fekete, directeur de recherche au centre Inria Saclay - Île-de-France et responsable de l’équipe AVIZ (Analysis and Visualization). Sa collègue Catherine Plaisant, chercheuse à l’Université du Maryland, titulaire d’une chaire internationale chez Inria pour 2018 - 2022, et intégrée à ce titre à l’équipe AVIZ, favorise une autre définition : « Ce sont des techniques qui augmentent les capacités humaines et transforment l’expérience qu’ont les gens avec la technologie ».

Mieux représenter pour mieux comprendre

Début 2020, ces deux chercheurs ont été distingués par le SIGCHI, Special Interest Group on Computer-Human Interaction. Ce pôle majeur de l’Association for Computing Machinery (ACM), la plus grosse société savante d’informatique, se focalise sur l’IHM et en récompense chaque année plusieurs acteurs majeurs. À ce titre, Jean-Daniel Fekete s’est vu intronisé au sein de la CHI Academy et Catherine Plaisant a reçu le SIGCHI Lifetime Service Award.

Avec son équipe, Jean-Daniel Fekete travaille notamment sur la visualisation de données et de réseaux. Son intronisation récompense tout particulièrement ces travaux. Leur objectif est de trouver des méthodes capables de percevoir des jeux de données trop grands pour être rapidement compris, ou potentiellement bruités. « Alors qu’avec dix chiffres, il est possible de créer un tableau facilement lisible avec dix ou cent lignes, avec dix mille voire plus, cela ne l’est plus, explique Jean-Daniel Fekete. Mais en utilisant correctement des représentations graphiques des données, on perçoit alors très rapidement et efficacement un certain nombre de structures dans les données. Une grande partie de notre travail, en collaboration avec des psychologues de la perception et de la cognition, consiste à trouver les méthodes de visualisation offrant la meilleure perception sans trop de distorsion. »

Les applications de ses recherches sont très variées. Ces méthodes ont par exemple permis d’en savoir plus sur les parcours thérapeutiques de millions de patients grâce aux données issues de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), ou de visualiser les résultats du Grand débat national de 2019 avec l’outil Cartolabe.

Redécouvrir et diffuser : le projet Historical CHI Video

Reconnue internationalement pour son travail sur le développement des écrans tactiles, le design d’interfaces humain-machine, la visualisation de données, ou l’informatique médicale, Catherine Plaisant est titulaire, pour la période 2018-2022, d’une chaire internationale chez Inria. Au sein de l’équipe AVIZ, elle travaille aussi sur la visualisation de données.

Honorée une première fois par le SIGCHI en 2015, qui l’a alors admise au sein de la CHI Academy, elle se voit cette année récompensée pour son investissement au sein de la communauté de l’IHM, via son projet Historical CHI Video. Son objectif est de numériser et de rendre accessibles en ligne les vidéos enregistrées à l’occasion des conférences CHI du SIGCHI. Réalisées entre 1983 et 2002, ces vidéos n’existent pour l’heure qu’en format VHS. « J’ai toujours pensé que les vidéos étaient très importantes pour expliquer les mécanismes d'interaction sur lesquels nous travaillons. Il est difficile de comprendre un système d'interaction humain-machine sans une démonstration, commente la chercheuse. Or de nombreuses vidéos, présentées en conférence ou accompagnant un article, n'ont jamais été numérisées. Ce travail n'est donc pas accessible. »

Le principal défi est de retrouver les auteurs des vidéos, afin d’obtenir l’autorisation de publication en ligne. Le projet a commencé en mars 2019 et à l’heure actuelle, 84% d’entre eux ont déjà donné leur feu vert. « Même si la résolution des vidéos reste faible, les explications données aident à la compréhension du système montré. La vidéo garde la mémoire du travail », se réjouit Catherine Plaisant. « Ces vidéos montrent que la plupart des innovations qui arrivent aujourd’hui sur les téléphones ou les tablettes existaient déjà dans les années 80. Il a fallu attendre entre vingt à trente ans pour que ce soit digéré et que l'on retrouve ces technologies dans notre quotidien. Ces vidéos sont une forte source d’inspiration et elles continueront à l’être. Je pense que les regarder permettra de retrouver l’inspiration des pionniers des systèmes interactifs », ajoute Jean-Daniel Fekete.

L’Université Paris-Saclay, acteur majeur de l’IHM en France et à l’international

Par le passé, trois autres membres de l’Université Paris-Saclay ont déjà été distingués par le SIGCHI : Wendy Mackay, chercheuse au Laboratoire de recherche en informatique (LRI - Université Paris-Saclay, Inria), Michel Beaudoin-Lafon, du même laboratoire, qui ont reçu le SIGCHI Lifetime Service Award respectivement en 2014 et 2015, et Yves Guiard, également membre du LRI, admis au sein de la CHI Academy en 2016. « Cela montre que l’Université Paris-Saclay est certainement l’université en France la plus récompensée dans le domaine de l'IHM, estime le lauréat du jour, Jean-Daniel Fekete. Elle va continuer à se développer comme un pôle central de l’IHM : c’est une opportunité à la fois pour les chercheurs, les étudiants et pour l’université. »

« Ces deux dernières distinctions montrent une fois de plus que les forces de l’Université Paris-Saclay sont reconnues à l’international », complète Catherine Plaisant. Un gage d’épanouissement important pour les futures recherches en interaction humain-machine au sein de l’Université.

Jean-Daniel Fekete
Catherine Plaisant