Aller au contenu principal

NOVATREAT : un complément alimentaire pour la prévention du diabète de type II

Innovation Article publié le 28 avril 2023 , mis à jour le 28 avril 2023

Issu de l’institut de Microbiologie de l'alimentation au service de la santé humaine (MICALIS – Univ. Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech), l’équipe du projet NOVATREAT met au point un composé inédit pour renverser le prédiabète et envisage de valoriser cette découverte pour diminuer le risque d’évolution du prédiabète en diabète de type II.

Le diabète de type II (DT2) est une maladie chronique, considérée comme une pandémie mondiale et un problème majeur de santé publique. Représentant 90 % de cas de diabète, il est dû à un excès durable de la concentration de glucose dans le sang (hyperglycémie). Cette dernière résulte d’une perturbation du métabolisme glucidique, liée notamment à une alimentation déséquilibrée riche en énergie et à une sédentarité importante. Alors qu’il rencontre un taux de développement inquiétant en Amérique du Sud ou en Asie (Chine, Japon, etc.), le DT2 fait l’objet d’intenses campagnes de prévention dans certains pays comme les États-Unis. Mais « nous n’avons pas encore la même culture de la prévention en Europe sur ce sujet, qui devrait pourtant être mis au premier plan », se désole Christine Delorme, chercheuse en microbiologie au sein de l’unité MICALIS et porteuse du projet NOVATREAT.

Un moment décisif : la phase de prédiabète

En 2021, on estime à 537 millions le nombre de personnes diabétiques dans le monde. Le diagnostic de la maladie intervient souvent tardivement, notamment parce que le DT2 ne provoque pas de manifestation douloureuse. Or, il est alors très difficile d’obtenir une rémission du DT2. S’il était identifié à un stade précoce - en phase de prédiabète -, lorsqu’il n’est pas encore une maladie mais un facteur de risque, il serait possible de stopper sa progression.

Mais la phase de prédiabète est, elle aussi, assez méconnue. Chaque année, 5 à 10 % de la population prédiabétique développe un DT2, avec une forte augmentation des cas diagnostiqués ayant moins de 50 ans. Et seuls 5 à 10 % par an parviennent à « réverter », c’est-à-dire à retrouver un état glycémique normal, grâce à l’adoption d’une bonne hygiène alimentaire et d’une activité physique régulière. « Mais cette discipline doit être appliquée sur le long terme et on observe qu’elle est souvent difficile à tenir », commente Christine Delorme.

Une découverte fortuite

Pour remédier à cette difficulté, Christine Delorme et sa collègue Véronique Douard, chercheuse en physiologie de l’intestin à l’Institut MICALIS, développent le projet NOVATREAT. À l’origine, en 2017, elles collaborent sur un projet destiné à étudier les propriétés anti-inflammatoires des bactéries commensales de l'intestin. Outre les maladies inflammatoires de l’intestin, l’obésité et les maladies métaboliques telles que le DT2 sont aussi associées à une inflammation des tissus. Afin de tester l’effet anti-inflammatoire de ces bactéries dans un tel contexte, les deux chercheuses utilisent un modèle expérimental d’obésité et de prédiabète induits par l'alimentation chez le rongeur. « Cette expérience a été l’occasion, fortuite, d’identifier un métabolite bactérien capable de réduire l'hyperglycémie induite par régime alimentaire. » Il s’agit d’un dérivé d’acides aminés.

Une prématuration et un brevet

Suite à cette découverte, en 2018, les deux chercheuses lancent le projet d’innovation thérapeutique TreatDiab grâce au programme de prématuration IdEx (Initiatives d’excellence) de l’Université Paris-Saclay. Ce qui les mène à déposer, en 2019, un brevet pour utiliser le métabolite bactérien dans la prévention et le traitement de l'intolérance au glucose, aussi nommée prédiabète. Ce projet est également l’occasion de compléter les premiers résultats et d’amorcer l’étude du mode d’action du métabolite. Les résultats préliminaires confirment que le métabolite contribue à réguler la glycémie dans des modèles animaux de prédiabète.

Le lancement de NOVATREAT

Christine Delorme et Véronique Douard poursuivent sur leur lancée et conçoivent une technologie intégrant le métabolite bactérien à action anti-hyperglycémiante pour diminuer, chez des personnes prédiabétiques, le risque de développer un DT2. Puisque le prédiabète n’est pas une maladie, cette solution ne peut être développée comme un médicament. Les chercheuses misent alors sur un complément alimentaire ayant un fort bénéfice préventif, c’est-à-dire un niveau de preuve scientifique établi. « De nombreux compléments alimentaires ne renseignent pas précisément leurs modes action, nous voulons éviter cet écueil », prévient Christine Delorme.

En septembre 2020, elles soumettent donc un projet de prématuration à l’appel à projets Poc In Labs de l'Université Paris Saclay et POC’UP de la SATT Paris-Saclay, qui les oriente directement vers un projet de maturation. « Nos premiers résultats étaient suffisamment avancés et prometteurs pour passer directement à cette étape de l’accompagnement », note Christine Delorme. Durant quatre mois, avec Vincent Juillard, microbiologiste à l’Institut MICALIS, elles co-construisent le projet NOVATREAT dans le cadre du Tech Transfer Program. Une équipe d’une dizaine de personnes est formée pour les accompagner. Elle comprend des chercheurs INRAE/AgroParisTech, des juristes, des ingénieurs brevet et projets marketing de la SATT Paris-Saclay et d’INRAE transfert, des experts en règlementation et en développement de produits. Le projet, validé par le comité d’investissement, démarre en octobre 2021 pour se poursuivre jusqu’à la fin de septembre 2023. « Cet accompagnement a été décisif pour développer NOVATREAT, mais aussi effectuer une étude de marché et traiter les aspects règlementaires en lien avec le développement d’un principe actif. »

La validation scientifique de l’effet anti-hyperglycémiant

En 2022, les travaux de l’équipe confirment l’efficacité du métabolite sur la régulation de la glycémie. Il est efficace sur des animaux sous régime alimentaire riche en graisses, dès quinze minutes après une prise orale. « Après cette absorption du métabolite lors d’un test oral de tolérance au glucose, la glycémie sur deux heures du groupe qui a reçu le métabolite est 14 % plus faible que celui qui n’en a pas bénéficié », s’enthousiasme Christine Delorme. Le métabolite étant retrouvé dans le plasma des animaux, cela démontre par ailleurs qu’il passe bien la barrière intestinale et se propage aux tissus périphériques via le système sanguin. Grâce à des approches multiples, l’équipe identifie également le mécanisme d’action du métabolite.

Prochaine étape : la conformité règlementaire et des partenariats industriels

Forte de ce succès, l’équipe se concentre aujourd’hui sur une démarche réglementaire. Car le parcours pour les compléments alimentaires est différent suivant l’origine du produit et sa consommation (ancienneté et quantité). « Notre nouveau composé est synthétisé naturellement par les bactéries et les plantes, mais pas par l’être humain. Il est néanmoins retrouvé dans le plasma humain via une production par le microbiote intestinal, et via l’alimentation. Nous sommes en train d’investiguer ce point, en retraçant un historique de la consommation humaine basé sur la présence de ce métabolite dans les aliments courants de l’alimentation », précise Christine Delorme. Le dossier réglementaire devrait être constitué d’ici la fin de l’année 2023.

En parallèle, pour développer la commercialisation du complément alimentaire et poursuivre le projet jusqu'à une allégation santé, le brevet sera sous licencié soit dans le cadre de la création d'une "jeune pousse", soit à un industriel déjà en place dans le domaine. Des actions sont en cours.