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Nicolas Viovy : Comment la biodiversité aide à mieux résister aux changements climatiques

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 01 octobre 2020 , mis à jour le 16 octobre 2020

Nicolas Viovy est chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE – Université Paris-Saclay, CNRS, CEA, UVSQ). Il modélise le cycle du carbone dans la biosphère terrestre et s’est spécialisé en écophysiologie, contribuant au fil des années à de nombreux programmes de recherche européens et mondiaux, dont le Global Carbon Project.

Initié par son père, professeur à l’ENS de Saint-Cloud, Nicolas Viovy baigne d’emblée dans un environnement familial très propice à sa décision de faire de la recherche. « Tel Obélix, je suis tombé dedans dès l’enfance, car nous habitions un logement de fonction qui jouxtait le laboratoire de mon père. » Passionné de biologie, il est très attiré par l’informatique, qu’il choisit finalement. Après une maîtrise à l’Université Pierre et Marie Curie, il entre sur titre à l'ENSEEIHT, à Toulouse. Il effectue son stage de dernière année d’ingénieur au Centre d’études spatiales de la biosphère (CESBIO – CNRS, Université Toulouse Paul Sabatier, IRD) dans la même ville. Il y fait de la télédétection spatiale sur la végétation, qui lui permet de réconcilier ses deux passions. Le jeune ingénieur enchaîne alors avec une thèse - la caractérisation de l'évolution de la végétation par satellite - puis un post-doc dans le même laboratoire, avant d’être recruté au LSCE en 1993.

 

ORCHIDEE, un modèle d’étude de la végétation

La végétation va-t-elle continuer à être un puits de carbone, ou au contraire, ce puits de carbone va-t-il progressivement s’épuiser ? Les réponses sont au cœur des recherches de Nicolas Viovy. Au sein de l’équipe pluridisciplinaire qui travaille sur les surfaces continentales au LSCE, il étudie les aspects des cycles du carbone de la végétation en contribuant au développement du modèle ORCHIDEE (Organising Carbon and Hydrology In Dynamic EcosystEms). « Il s’agit d’un modèle dynamique (DGVM en anglais), qui permet de simuler la réponse de la végétation au climat. À partir des paramètres climatiques, de la concentration en CO2 atmosphérique, et des données sur les sols et la végétation, le modèle simule la productivité, les sources et les puits de carbone à travers les processus ayant lieu dans la végétation. En particulier, nous étudions la façon dont la plante va allouer la photosynthèse à ses différents organes, jusqu’à sa décomposition dans le sol par les micro-organismes. »

ORCHIDEE se complexifie au fil du temps et dépasse la question de la végétation naturelle. En étroite collaboration avec l’Inrae, le modèle simule également les principaux agrosystèmes en prenant en compte leur gestion. Grandes cultures, rôle des ruminants dans la prairie et gestion forestière : tous les paramètres doivent être pris en compte. « Cela nous a par exemple aidé à mieux simuler le puits de carbone des forêts européennes, car il est, en réalité, lié à la jeunesse de ces forêts, développe le chercheur. Cela nous a aussi autorisé à nous attaquer, de façon assez complémentaire à l’Inrae, à des problèmes concernant l’agriculture. »

S’adapter aux changements climatiques

« 2018, 2019, 2020 : depuis que nous mesurons les températures, nous n’avons jamais connu une telle succession de sécheresses en Europe, déclare Nicolas Viovy. Bien que les arbres aient une grande résilience, due à leur capacité à puiser l’eau profondément et à leurs réserves de carbone, nous observons chez eux, grâce aux données satellites, une assez forte mortalité. Nous savons que l’embolie du xylème en est une cause importante. Les plantes font transiter l’eau à travers de très fins canaux présents dans le xylème. Or, à cause de la sécheresse, des bulles d’air se créent (embolie), qui rendent les canaux inopérants et conduisent à la mort de l’arbre. Nous cherchons à représenter du mieux possible ce phénomène. »

Une autre limite du modèle est qu’il ne reflète pas assez le rôle de la biodiversité. Elle est pourtant très importante pour les écosystèmes et détermine leur capacité à optimiser les ressources à leur disposition, que ce soit pour une espèce de plante donnée ou entre des espèces différentes. « Nous cherchons à comprendre si les écosystèmes peuvent s’adapter mieux qu’on ne pense, ou, à l’inverse, si les phénomènes de rupture de seuil observés sont irréversibles. La réponse des écosystèmes au changement climatique reste une question de recherche fondamentale », déclare le chercheur.

Un thème porteur

« Je n’imaginais pas une seule seconde faire partie des HiCiSci ! », s’exclame Nicolas Viovy, admettant volontiers que ses thèmes de recherche facilitent grandement leur visibilité. Il en apprécie particulièrement leur pluridisciplinarité - « C’est à la frontière des disciplines que nous innovons » - et l’intérêt manifesté par le grand public. Très sollicité par les médias, Nicolas Viovy y répond volontiers, estimant que cela fait partie de sa mission de chercheur.