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Nicolas Sabouret : démystifier l’interaction humain-machine

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 17 décembre 2021 , mis à jour le 07 janvier 2022

Nicolas Sabouret est professeur en informatique à l’Université Paris-Saclay, enseignant à CentraleSupélec, directeur de la Graduate School Informatique et sciences du numérique de l’Université Paris-Saclay, et chercheur au Laboratoire interdisciplinaire des sciences du numérique (LISN - Univ. Paris-Saclay, CNRS, CentraleSupélec, Inria). Spécialisé dans le domaine de l’intelligence artificielle et de l’interaction humain-machine, il s’intéresse notamment à l’informatique affective et contribue depuis des années à éclairer le débat sur sa discipline. Convaincu que c’est en jouant collectif que l’on peut faire avancer la science, il a à cœur, au sein de la Graduate School qu’il dirige, de favoriser les rencontres et les échanges au service de l’informatique de demain.

Il s’en est fallu de peu pour que Nicolas Sabouret ne croise jamais la route de l’informatique. Et pour cause, passionné de pilotage, c’est le concours national de l’aviation civil qu’il vise en entrant en classe préparatoire. C’est sur les bancs de l’université Pierre et Marie Curie (UPMC, aujourd’hui Sorbonne Université) qu’il trouve finalement sa voie. « Lors d’un cours sur le typage des langages de programmation, j’ai compris que l’informatique était véritablement une science et que c’est le métier d’enseignant-chercheur en informatique que je voulais exercer », se souvient le chercheur. Tout s’enchaîne alors très vite pour Nicolas Sabouret qui, à l’issue d’un magistère d’informatique à l’UPMC et à l’École normale supérieure de Cachan (aujourd’hui École normale supérieure Paris-Saclay), décide de s’orienter vers la recherche en s’engageant dans un DEA (équivalent d’un master 2) à l’Université Paris-Sud (désormais Université Paris-Saclay), puis dans une thèse au Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur (LIMSI), devenu depuis le Laboratoire interdisciplinaire des sciences du numérique (LISN - Univ. Paris-Saclay, CNRS, CentraleSupélec, Inria). Recruté comme maître de conférence à l’UPMC en 2003, c’est en 2012 qu’il devient professeur des universités et rejoint l’Université Paris-Sud et CentraleSupélec où il enseigne encore aujourd’hui. 

 

Intelligence artificielle : reproduire des mécanismes cognitifs

Côté recherche, Nicolas Sabouret s’intéresse très tôt à deux domaines de l’informatique - la programmation par objet et l’intelligence artificielle – qu’il tente, dès le début de sa carrière, de mettre en relation. « Lorsque j’ai découvert le monde de l’intelligence artificielle, j’ai été fasciné par le fait de pouvoir reproduire à l’aide de machines des processus de raisonnement rationnel. J’ai donc consacré ma thèse au domaine des systèmes multiagents. L’idée était de créer des algorithmes pour raisonner sur du code en train de s’exécuter, autrement dit de demander à un processus de nous expliquer ce qu’il était en train de faire », explique le chercheur. C’est tout naturellement qu’à l’issue de sa thèse, Nicolas Sabouret émet le souhait de rejoindre l’équipe « Systèmes multiagents » de l’Université Pierre et Marie Curie. « Avec cette équipe, j’ai non seulement pu approfondir les travaux engagés dans le cadre de ma thèse en continuant de marier programmation objet et intelligence artificielle, mais aussi découvrir un autre domaine de recherche, proche du mien, auquel j’allais par la suite me consacrer. »

 

Informatique affective : simuler la condition humaine

Ce domaine, c’est celui de l’informatique affective qui commence à se développer au début des années 2000. « Regroupant l’ensemble des techniques permettant de simuler, d’interpréter ou de reproduire des comportements affectifs et sociaux à l’aide d’ordinateurs, cette approche me semblait complémentaire de mes travaux antérieurs en ce qu’elle me permettait d’explorer la part irrationnelle de l’humain, à savoir sa personnalité, ses émotions, etc. », explique Nicolas Sabouret. Dès 2006, le chercheur travaille sur de nombreux projets en informatique affective jusqu’à piloter, de 2010 à 2013 le projet européen TARDIS, une plateforme de simulation d’entretien d’embauche avec un agent virtuel. C’est d’ailleurs au cours de cette période qu’il rejoint l’équipe Cognition, perception et usages dirigée par Jean-Claude Martin au LISN. « Cela a été un cap très important pour moi : non seulement je retrouvais le laboratoire où j’avais fait ma thèse, mais en plus j’étais plongé dans un environnement pluridisciplinaire faisant dialoguer psychologie et informatique, ce qui est extrêmement précieux dans mon domaine », explique le chercheur. Avec cette équipe, Nicolas Sabouret s’investit dans de nombreux projets parmi lesquels figurent le projet SMACH, avec EDF, dont l’objectif est de simuler l’activité quotidienne de ménages en rapport avec la consommation énergétique ou bien encore le projet en collaboration avec l’entreprise DAVI The Humanizers, éditrice de logiciels, visant à améliorer la relation client et l’expérience en ligne. Autant de travaux qui, au fil des ans, contribuent à ce que son équipe devienne visible et reconnue dans le domaine de la simulation de la cognition humaine.

 

Enseigner, le meilleur moyen pour interroger sa discipline 

Autre casquette très importante pour Nicolas Sabouret : celle d’enseignant. « Enseigner des disciplines aussi variées que l’algorithmique, la programmation, les bases de données, l’intelligence artificielle à des étudiants et élèves ingénieurs de tous niveaux est une véritable chance. Je suis convaincu que cette largeur de spectre est essentielle à mon métier, en ce sens qu’elle me permet d’interroger la compréhension de ma discipline et d’engager un dialogue. » Ce goût pour le dialogue, Nicolas Sabouret le développe dès le début de sa carrière à l’UPMC, en œuvrant pour la participation du département informatique à la Fête de la science, de manière à aller à la rencontre du grand public et donner aux jeunes envie de faire de la science. Rien d’étonnant à ce que, quelques années plus tard, lorsque l’intelligence artificielle se trouve propulsée sur le devant de la scène médiatique, il n’hésite pas à s’engager dans le débat en publiant un ouvrage de vulgarisation intitulé Comprendre l’intelligence artificielle. Une publication qui lui vaut d’être invité à intervenir dans de nombreux colloques et événements. « On s’étonne parfois qu’une machine puisse battre un humain au jeu de go alors que cela n’étonne personne qu’une 4L gagne contre Carl Lewis au 100 mètres ! J’aime donc à rappeler que les machines fonctionnent grâce à l’humain et pour l’humain. C’est ainsi me semble-t-il, en expliquant précisément ce que peut faire l’intelligence artificielle, que l’on parviendra à démystifier ce domaine et apaiser le débat », précise Nicolas Sabouret. 

 

Avec la Graduate School, construire l’informatique de demain

En parallèle de ses activités de recherche et d’enseignement, Nicolas Sabouret s’implique depuis toujours dans les instances administratives des établissements où il exerce ses fonctions. Au fil des années, il accepte le rôle de responsable d’un master en intelligence artificielle à l’UPMC, de vice-président du département Informatique de cette université, ou encore de directeur du pôle d’informatique pédagogique à l’Université Paris-Sud. C’est donc tout naturellement qu’il accepte de prendre la direction de la Graduate School Informatique et sciences du numérique de l’Université Paris-Saclay qui regroupe les formations de master et les 22 laboratoires du domaine. « Outre la chance qui m’est donnée de redécouvrir toute la richesse de ma discipline, je suis heureux, en favorisant le dialogue et les échanges entre les équipes, de contribuer à structurer mon domaine au service de l’informatique de demain, explique Nicolas Sabouret. Et au-delà de ma propre discipline, je trouve particulièrement enthousiasmant de participer à la transformation du modèle de l’enseignement supérieur et de la recherche que nous sommes nombreux à appeler de nos vœux », conclut-il.