Marianne Canonico : l'influence des hormones sur la santé

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 04 septembre 2025 , mis à jour le 04 septembre 2025

Marianne Canonico est chercheuse épidémiologiste au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP – Univ. Paris-Saclay/Inserm/UVSQ). Ses travaux se caractérisent par une exploration de l'influence des hormones sur la santé, en particulier celle des femmes. Professeure attachée à l’Université Paris Saclay, elle est également directrice de l’École doctorale Santé publique (Université Paris-Saclay, Université Paris-Est Créteil), témoignant d'un engagement profond envers la transmission du savoir et l'épanouissement des jeunes générations.

Originaire de Nice, Marianne Canonico s'oriente vers un cursus de biologie à l’Université Côte d’Azur après son baccalauréat scientifique. En master 1, son intérêt pour l'endocrinologie se révèle grâce au cours d’un enseignant-chercheur passionné. Elle part pour Paris en 1999 où elle poursuit ses études en master 2 de signalisation cellulaire et endocrinologie à la Faculté de médecine de l’Université Paris-Sud (aujourd’hui Université Paris-Saclay). Elle effectue son stage dans le laboratoire de neuro-endocrinologie et y poursuit en thèse de doctorat dont le sujet porte sur l'implication du système mélatoninergique dans la carcinogenèse mammaire. « L'idée était d’étudier les tumeurs mammaires qui sont souvent liées à l'imprégnation hormonale, précise-t-elle. Le cerveau possède une glande qui sécrète une hormone, la mélatonine. Très connue dans le cycle veille/sommeil, elle possède également des actions anti-œstrogéniques et si on perturbe ce cycle, on favorise la progression de la tumeur. »
 

Vers l’épidémiologie et la santé publique

La jeune doctorante, déjà maman, soutient sa thèse en 2003 alors qu’elle attend son deuxième enfant, « un choix complètement assumé, assure-t-elle. Deux autres enfants viendront ensuite compléter la fratrie durant sa carrière, pour laquelle il a toujours été très important de maintenir un équilibre vie professionnelle/vie personnelle. Après sa thèse, elle s’oriente vers la recherche en épidémiologie et santé publique au sein de l’unité Épidémiologie cardiovasculaire de l’Inserm à Villejuif. « J’ai adoré faire de la recherche expérimentale pendant ma thèse, mais j’avais aussi envie de voir son application plus concrètement », se souvient Marianne Canonico. En 2006, elle complète sa formation avec un diplôme d’université (DU) de biostatistique et en 2008, dans le but de répondre aux exigences du recrutement à l’Inserm, elle décide de partir une année en post-doctorat à l’Université d’Oxford avec ses deux premiers enfants, encore jeunes.

De retour en France, la chercheuse rejoint l’unité qui deviendra le Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP). « Mon bagage en endocrinologie est venu enrichir les travaux de l’équipe qui se consacrait aux maladies cardiovasculaires et ont permis d'étudier le rôle des hormones dans les embolies pulmonaires ou les thromboses veineuses. Par la suite, j’ai étendu mes recherches aux maladies artérielles, comme les AVC et les infarctus. » En 2009, elle passe avec succès le concours de chargée de recherche Inserm et obtient son habilitation à diriger des recherches (HDR) en 2015.
 

Exposition hormonale et vieillissement

L'imprégnation hormonale constitue une différence biologique majeure entre la femme et l’homme. « On observe que beaucoup de pathologies présentent des incidences très différentes entre les deux, notamment au moment de la ménopause. Cela nous amène à penser que l'imprégnation hormonale chez la femme a un véritable rôle dans de nombreuses pathologies », explique Marianne Canonico. « C’est précisément le fil conducteur de mes projets de recherche. Ils s’articulent tous autour de l’exposition hormonale, qu’elle soit endogène, c'est-à-dire relève des caractéristiques de la vie reproductive (l'âge des premières règles, de la ménopause, le nombre de grossesses, l'allaitement...) ou bien que cette exposition soit exogène, par exemple liée à la prise d'hormones (contraceptifs, traitements de la fertilité, autres traitements hormonaux, notamment au moment de la ménopause, etc.). »

Aujourd’hui, la chercheuse étudie le lien entre l'exposition hormonale et les maladies liées au vieillissement. Soutenue par l'Agence nationale de la recherche (ANR), Marianne Canonico mène, conjointement avec Alexis Elbaz, le directeur-adjoint de l’équipe Exposome, hérédité, cancer et santé du CESP dans laquelle elle travaille, un projet sur les facteurs de risque de la maladie de Parkinson chez les femmes en s’appuyant sur la cohorte E3N. « Il s’agit de la plus grande étude de cohorte sur cette maladie chez les femmes. Nous étudions le risque de développer cette maladie neurodégénérative en lien avec les caractéristiques hormonales. Cela nous aide à mieux comprendre son étiologie et à identifier des sous-groupes à risque afin d’orienter la prévention. »

Dans le cadre de la thèse d’une doctorante qu’elle a encadrée, la chercheuse s'attèle aussi à la finalisation de publications sur l'influence des hormones sur la performance physique. En parallèle, elle accompagne actuellement un doctorant dans ses recherches sur le rôle de l'exposition hormonale dans le développement du cancer du poumon, une étude spécifiquement centrée sur les femmes. Ce projet revêt une importance particulière pour la chercheuse. Il a été initié par Isabelle Stücker, ancienne directrice de recherche Inserm au CESP et disparue en 2020, et Marianne Canonico a été responsable du questionnaire « femmes » retraçant l’histoire hormonale de ces femmes.  Enfin, la chercheuse envisage aujourd’hui de relancer un projet de recherche sur les hormones et la thrombose veineuse, un sujet qu'elle a déjà exploré dans le passé.
 

Accompagner les étudiantes et étudiants

À l’occasion des modules d’enseignement qu’elle donne dans le cadre de l’école d’été d'épidémiologie de l’hôpital Bicêtre depuis 2009 et qui a lieu tous les ans, Marianne Canonico prend goût à l’enseignement. Cet attrait ne cesse de grandir et à partir de 2015, elle prend en charge un module du master 2 Recherche en santé publique qu’elle codirige avec Xavier Paoletti depuis la rentrée universitaire 2024/2025.

En 2019, elle prend la tête, avec deux collègues de même génération, Florence Menegaux et Raphaëlle Varraso, de l’École doctorale (ED) de santé publique de l’Université Paris-Saclay et l’Université Paris Est Créteil. « Nous avons hérité d’une école doctorale bienveillante et exigeante. De 2019 à 2024, nous avons poursuivi la construction d’un univers professionnel et relationnel très porteur. Notre formation en santé publique possède aujourd’hui une réputation d’excellence. Nous savons qu’un ou une docteure, qui a été capable de se remettre en question pendant trois ans puis de produire un manuscrit de thèse, possède toutes les qualités pour réaliser ce qu’il a envie de faire, dans le secteur académique ou industriel. »
 

Le doctorat, une aventure humaine et scientifique

Directrice de l’École doctorale depuis septembre 2024, Marianne Canonico poursuit ses engagements.  « J'aime profondément le contact humain, transmettre, échanger, essayer de faire comprendre les choses. La formation des doctorantes et doctorants est une activité qui me tient beaucoup à cœur. » Elle-même lauréate de plusieurs prix récompensant ses travaux, la chercheuse ne ménage pas ses efforts pour encourager et mener ses doctorantes et doctorants au plus haut niveau à leur tour. « Le ou la doctorante et son directeur ou sa directrice de thèse surmontent les défis et partagent les succès ensemble pendant trois ans. Pour moi, l’aventure humaine est indissociable de l'aventure scientifique », conclut-elle.