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Les espèces insulaires menacées par les invasions biologiques : des victimes toutes désignées

Recherche Article publié le 17 novembre 2021 , mis à jour le 18 novembre 2021

Une équipe de recherche du laboratoire Écologie, systématique et évolution (ESE – Univ. Paris-Saclay, CNRS, AgroParisTech) dresse le portrait des espèces de vertébrés terrestres insulaires menacés par les invasions biologiques et apporte des éléments expliquant leur grande vulnérabilité face à ce fléau.

Les espèces exotiques envahissantes représentent une menace croissante pour la biodiversité et constituent la première cause d’extinction des vertébrés terrestres insulaires. Depuis plusieurs décennies, les recherches s’attachent à définir les éléments qui expliquent leur succès, mais très peu de travaux s’intéressent aux profils des espèces qu’elles menacent. Forte de ce constat, une équipe de chercheuses du laboratoire Écologie, systématique et évolution (ESE – Univ. Paris-Saclay, CNRS, AgroParisTech) a étudié les caractéristiques de ces espèces insulaires, afin de comprendre ce qui les rend particulièrement vulnérables aux invasions biologiques. 

 

Une surprenante diversité de fonctions en péril

Les caractéristiques (taille, régime alimentaire, lieu de vie, etc.) rendent compte des fonctions qu’occupent ces animaux vertébrés terrestres au sein des communautés et du rôle qu’ils jouent dans les écosystèmes. Par exemple, un oiseau qui se nourrit de fruits remplit une fonction de dispersion des graines, un processus essentiel au maintien d’une forêt diversifiée. En analysant les profils de 6 000 espèces de mammifères, oiseaux, amphibiens et lézards vivant sur les îles, l’équipe a montré que les espèces menacées par les invasions biologiques réalisent des fonctions spécifiques au sein des écosystèmes et qu’une grande part de cette diversité risque de disparaître. « Nous étions conscientes que les invasions biologiques constituent une forte menace sur la biodiversité insulaire, et notre étude le confirme. Cependant, nous sommes également surprises parce que non seulement le nombre d’espèces menacées par les invasions est grand, mais la variété des caractéristiques et des fonctions que ces espèces représentent au sein de toutes les espèces insulaires endémiques l’est tout autant », explique Céline Bellard, du laboratoire ESE. 

 

Des menaces élargies

S’il est établi que les espèces menacées d’extinction comportent des caractéristiques qui les rendent vulnérables aux pressions anthropiques - celles restreintes à un seul type d’habitat, comme la forêt ou les mares, sont par exemple en danger si ces habitats disparaissent -, les résultats de cette étude confirment le fait que les espèces envahissantes menacent aussi les espèces spécialistes (en termes d’habitat et de régime alimentaire) et les espèces de grande taille en général. « Mais le portrait des espèces victimes des invasions biologiques ne s’arrête pas là. Pour comprendre ce qui rend ces espèces sensibles aux invasions, il faut regarder quelles sont leurs différences avec celles menacées par d’autres facteurs anthropiques, comme la fragmentation des sols ou la pollution », ajoute Clara Marino, doctorante au laboratoire ESE. En comparant les espèces menacées par les invasions biologiques avec celles menacées par d’autres pressions, l’équipe a mis en évidence des spécificités liées à la menace des invasions. Pour les oiseaux, lézards et mammifères vulnérables aux invasions, cela se traduit notamment par un mode de vie préférentiellement au sol.

 

Amphibiens et lézards : attention danger

L’étude souligne également qu’une extinction des amphibiens et des lézards, deux groupes jusqu’alors peu étudiés à grande échelle sur ce type de problématique, conduirait à la perte de certaines fonctionnalités dans les écosystèmes. « Travailler à l’échelle mondiale sur les amphibiens et les lézards a été un vrai challenge car il manque beaucoup de données sur ces espèces, moins étudiées que les oiseaux ou les mammifères. Pourtant, la diversité de profils menacés par les invasions dans ces deux groupes est particulièrement élevée », souligne Camille Leclerc, également du laboratoire ESE. Cette étude est la première à mettre en évidence la fragilité des amphibiens ayant un stade larvaire face aux invasions biologiques. 

En définitive, outre leur nombre, il s’avère également important de prendre en compte les caractéristiques des espèces vulnérables aux invasions biologiques, afin de mettre en œuvre des politiques de conservation plus éclairées et d’endiguer cette menace croissante sur la biodiversité mondiale.

 

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