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Laurent Mugnier : Des images des exoplanètes à celles de la rétine

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 16 mars 2020 , mis à jour le 20 septembre 2022

Laurent Mugnier est ingénieur-chercheur au département optique et techniques associées (DOTA) de l’ONERA. Il travaille dans le domaine de l'imagerie optique à haute résolution angulaire, à la frontière entre la physique (optique) et les mathématiques appliquées (traitement du signal). L’objectif est d’obtenir des images de très haute résolution, tant pour l’astronomie que pour l’ophtalmologie, pour laquelle il vient de réaliser une première mondiale. Ses travaux lui valent d’être distingué par l’Académie des sciences.

Spécialisée dans l’imagerie et la propagation en milieu turbulent, l’équipe Haute résolution angulaire (HRA) de l’ONERA Châtillon, où travaille Laurent Mugnier, se focalise sur l’optique adaptative pour différentes applications militaires (imagerie de satellites, focalisation laser) ou civiles (astronomie, ophtalmologie, télécoms optiques). « Il s’agit d’obtenir en temps réel des images nettes, en corrigeant les défauts dus à la turbulence de l’atmosphère ou à celle des tissus biologiques qui les rend floues », explique le chercheur.

Détecter les exoplanètes

À l’initiative de la première optique adaptative astronomique au monde (Come-On) en 1990, l’équipe de Laurent Mugnier s’est ensuite occupée de l’optique adaptative du VLT (Very Large Telescope) en 2000, puis de l’optique adaptative de Sphère, le chasseur d’exoplanètes européen situé au Chili. Aujourd’hui, elle participe à l’élaboration de plusieurs instruments d’observation de l’ELT (European Extremely Large Telescope). Pour nombre de ces systèmes, Laurent Mugnier travaille sur les problématiques de design, d’étalonnage et de traitement des images a posteriori. « J’ai inventé pour Sphère une méthode qui permet de mesurer et de corriger les défauts optiques, et d’éviter ainsi les fuites de lumière qui masquent la planète. J’ai également développé une technique pour détecter les planètes de manière automatique, "non supervisée". Toutes ces méthodes sont fondées sur une méthodologie dite bayésienne et commencent par bien modéliser la formation des images, puis elles en extraient les informations recherchées », explique le chercheur.

Une première en imagerie rétinienne in vivo

Ces mêmes algorithmes servent aussi à l’imagerie de la rétine. Une diversification qui date d’une quinzaine d’années, lorsque Laurent Mugnier apporte son expertise à l’équipe de l’Observatoire de Paris-Meudon et à l’hôpital des Quinze-Vingts à Paris. « Il faut aussi corriger des défauts similaires à la turbulence, en l’occurrence celle des tissus cellulaires, pour obtenir une image de la rétine « fiable » et faciliter le diagnostic et le suivi des pathologies », expose le chercheur. Avec ses collaborateurs, il vient de réaliser la première imagerie de rétine in vivo par illumination structurée en transposant cette technique de microscopie, qui « consiste à éclairer la rétine de manière à réaliser une coupe optique de la rétine en haute résolution, in vivo, et aider les médecins à mieux visualiser ce qu’ils doivent analyser. »

Une circulation d’idées et d’innovations

Cette technique pourrait d’ailleurs à son tour s’appliquer à l’imagerie satellite. « Nous avons grand intérêt à conserver ces fertilisations croisées, qui font la richesse de notre équipe : une même personne peut travailler pour les secteurs de l’astronomie, de la défense et de l’ophtalmologie, ses travaux se nourrissent mutuellement, se réjouit Laurent Mugnier. J’apprécie beaucoup le travail en équipe car il fait appel à une grande diversité de compétences : mécanique, optique, modélisation physique, traitement du signal, etc. » Autre aspect enthousiasmant : une grande partie de la recherche de l’ONERA est financée par des contrats, ce qui oblige ses équipes à répondre à divers appels à projets (ANR, CNES, Ministère de la Défense, ESA, ESO, industriels) et favorise le travail en mode projet. « Et pour anticiper les besoins et les problématiques d‘avenir, nous faisons aussi de la recherche fondamentale, via les thèses que nous encadrons. »

La passion de l’optique

Laurent Mugnier a reçu, en octobre dernier, le Prix Lazare Carnot 2019 de l’Académie des sciences, qui distingue des recherches aux applications civiles et militaires, comme « un très bel encouragement » à poursuivre sa voie. Une voie toute tracée depuis l’âge de 10 ans, lorsqu’il est sorti fasciné par les hologrammes lors d’une exposition au Palais de la Découverte. Diplômé de l’École polytechnique en 1988, , il soutient une thèse en 1992 sur l’holographie en lumière incohérente à Télécom Paris. Après un post-doc à la Northwestern University (Chicago), il revient en France en 1994 et est directement embauché à l’ONERA, dans son équipe actuelle. L’Université Paris-Saclay permet au chercheur, ayant à cœur « de transmettre le goût des sciences aux étudiants », de se rapprocher d’eux. « Il faut se laisser guider par ce qu’on a envie de faire. On passe trop de temps à travailler dans sa vie pour faire quelque chose qui ne nous plaît pas ! »

 

Photo : ©Hugo Noulin