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Interview d'Elisabeth CLEME

Alumni Article publié le 15 mars 2021 , mis à jour le 28 avril 2021

Elisabeth CLEME, une diplômée engagée contre les violences domestiques

Elisabeth CLEME a obtenu un Master 2 en droit processuel de la Faculté Jean Monnet. Elle a démarré sa carrière au Tribunal de Grande Instance d’Evry et travaille aujourd’hui au Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF). Elle revient sur son parcours de formation, sa carrière et l’enjeu des violences domestiques.

Quel est votre parcours de formation ?

Je suis diplômée de la Faculté Jean Monnet. Je m’y suis inscrite pour ma Licence 1 et j’y suis restée jusqu’à l’obtention de mon diplôme en droit processuel. J’y ’ai été étudiante mais aussi chargée d’enseignement. J’ai d’abord obtenu une Licence en droit privé puis un Master 1 en droit privé, ensuite j’ai été reçue dans le Master 2 recherche en droit processuel. J’ai consacré mon mémoire aux « Problématiques contemporaines de la mise en état du procès civil », un sujet stratégique tant la justice est aujourd’hui devenue technique. J’ai eu d’excellents enseignements et d’excellents professeurs. Je pense notamment Matias Guyaumar, Monsieur Pelerin ou encore Monsieur Serinet.

J’ai aussi suivi en parallèle de ma formation les cours de l’Institut des Etudes Juridiques (IEJ) proposés par la Faculté Jean Monnet avec Monsieur Dussert. J’avais, et j’ai toujours d’ailleurs, un vrai intérêt pour la magistrature. J’ai le souvenir heureux d’une sortie « IEJ » où nous nous étions déplacés à Bordeaux pour assister aux grands oraux de l’Ecole Normale de Magistrature (ENM).

Quel souvenir gardez-vous de l’Université Paris-Saclay ?

Mes années à la Faculté Jean Monnet sont de belles années qui réunissent une ambiance studieuse, une qualité professorale et une vraie vie étudiante. J’insiste sur l’ambiance studieuse car j’avais démarré mes études supérieures ailleurs en redoublant ma Licence 1 car j’étais encore trop dilettante et le changement avait était un peu trop brusque avec le lycée. A la Faculté Jean Monnet, les structures offrent à l’étudiant beaucoup de sérénité et l’ambiance est source de motivation. Rien que la bibliothèque permet de se poser pour travailler de longues heures. Les professeurs sont de très bons professeurs mais restent accessibles en participant notamment à la vie étudiante qui était toujours animée entre les associations sportives, le bureau étudiant et tous les moments festifs.

Quelle a été votre première expérience professionnelle ?

Avec mon Master de recherche, je n’ai pas eu de stage de fin d’études à réaliser. J’ai fait un stage en licence dans un cabinet de recrutement juridique à Paris où j’ai été appréciée. J’y ai signé un contrat de 3 mois et il voulait le prolonger. Mais j’ai privilégié un job étudiant mieux rémunéré comme surveillante dans un collège où je m’étais investie en étant élue au conseil d’administration et membre du conseil de discipline. Ce qui touche à l’enfant, la femme et la famille m’a toujours interpellé.

D’ailleurs ma première « vraie » expérience professionnelle en sortant du master consistait à travailler dans un cabinet de recouvrement de créance. L’occasion de me rendre compte que j’aime travailler en justice « pour » les gens et pas « contre ».

Vous avez travaillé au tribunal de grande instance (TGI) d’Evry en tant qu’assistante juridique. En quoi consistaient vos missions ?

C’est une expérience « couteau-suisse » qui m’a permis de faire le lien entre la théorie et la pratique. Concrètement, j’assistais les magistrats au pôle des affaires familiales dans leurs différentes taches. Par exemple : préparer une audience, faire une proposition rédigée de jugement que le magistrat relit et corrige ensuite mais qui permet d’avancer le travail, accompagner la médiation familiale, ou encore accueillir des élèves venus visiter le tribunal avec un professeur pour découvrir le fonctionnement de la justice.

La magistrature est un domaine qui vous passionne. Avez-vous déjà envisagé de poursuivre votre formation ?

J’aime beaucoup les challenges, celui-ci en est un et je me suis dit que j’oserai avant mes 40 ans ! J’ai eu mon premier enfant avant mon Master 2, et je suis désormais maman d’un deuxième enfant, j’ai voulu un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle. Je me suis penchée sur l’offre de Formation Continue et Validations des Acquis et de l’Expérience (FC & VAE) de Paris-Saclay, j’y ai mes repères, ce serait une belle occasion de revenir sur les bancs de la Faculté Jean Monnet. J’hésite entre une formation type M2 spécialisée en droit ou par le concours de la magistrature.

Peut-on revenir sur votre arrivée au Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) ?

J’ai d’abord démarré en tant que juriste d’accès au droit avec une réception et un accueil du justiciable. Comme son nom l’indique cette fonction consiste à informer les gens non seulement sur le droit, mais aussi sur leur accès au droit qui demeure pas assez connu.

Je suis ensuite passée sur un autre poste en devenant juriste chargée de suivi des victimes de violences conjugales. Concrètement, je tiens une série de permanences dans plusieurs commissariats et gendarmeries et je prends en charge les femmes victimes de violences domestiques. J’assure un accueil, mais aussi un suivi afin d’accompagner et d’orienter les femmes via des rendez-vous personnels : trouver un bon avocat en sachant qu’il y en a finalement peu spécialisés dans les affaires de violences conjugales, connaitre les aides sociales ou encore l’offre d’hébergement et de protection. J’explique la procédure, ses étapes. L’enjeu est de s’arranger pour être toujours au plus près des victimes avec souvent une notion d’urgence. Il faut aussi savoir être patiente et compréhensive car ce sont des affaires avec des allers-retours de la victime qui peut facilement déposer plainte puis la retirer tant elle est prise dans des engrenages nocifs qui mènent à une forte confusion psychologique.

Quels sont les enjeux de la prise en charge des victimes de violences domestiques ?

Ma mission est de ne pas ajouter à la violence domestique de la violence institutionnelle. Dans le cadre du CIDFF, je suis aussi formatrice et je propose des ateliers de sensibilisation pour que les victimes puissent bénéficier d’une prise en charge adaptée malgré le manque de moyen que police et gendarmerie peuvent connaitre en France. Il est souvent difficile de se mettre à la place de ces femmes et on pourrait avoir la fâcheuse tendance à les responsabiliser. La violence dans « l’espace public » est une chose, la violence dans « l’espace privé » de plus « familial » en est une autre. On a finalement à faire avec des victimes qui sont en insécurité permanente. Comme souvent les victimes font des allers retours dans leur démarche, la plainte n’est pas prise au sérieux, pire il peut y avoir des réticences à l’enregistrer.

Le phénomène des violences faites aux hommes est-il une réalité ?

Oui bien sûr ! Les violences conjugales à l’encontre des hommes existent bien. Elles sont moins nombreuses que celles faites aux femmes mais elles sont plus taboues. Si on regarde le pire du pire de la violence conjugale c’est-à-dire le meurtre, il y a moins d’hommes tués que de femmes mais cela ne veut pas dire que c’est un non-sujet car lorsque les hommes sont victimes de violence, ils ne le disent pas ce qui est très problématique.

La pornographie a-t-elle un rôle dans les violences conjugales ?

Ce n’est pas la seule raison pour expliquer les violences conjugales mais clairement cette industrie contribue à la détérioration des rapports hommes – femmes avec de nombreuses vidéos basées sur la violence. D’ailleurs on vient de voir que suite à une enquête menée par le New York Times qui pointait du doigt des contenus violents, Pornhub une des principales plateformes de vidéos pornographiques a supprimé plus de la moitié de son catalogue !
Si vous aviez une baguette magique pour changer quelque chose dans la prise en charge des violences domestiques, que feriez-vous ?
Pleins de choses ! Mais je prioriserais l’amélioration de la communication avec la victime. Il y a un problème d’ordre sociologique qui fait que les personnes qui n’ont pas connu de violence ont du mal à comprendre celles qui l’ont connue et il y a une trop forte culpabilisation des victimes.  Les femmes ne doivent pas avoir l’impression d’aller porter plainte « pour rien ».

Pour toute information sur le réseau des diplômés de l’Université Paris-Saclay, vous pouvez contacter Sabine Ferrier, chargée des relations diplômés à la Direction de la Formation et de la Réussite :

alumni.upsaclay@universite-paris-saclay.fr
01 69 15 33 29
Bâtiment 330, Campus d’Orsay.