Deux chercheurs liés à communauté de l’Université Paris-Saclay lauréats d’une bourse ERC Advanced
Le 17 juin, le Conseil européen de la recherche a publié la liste des projets lauréats des bourses Advanced 2024. Deux d’entre eux, portés par des membres de la communauté de l’Université Paris-Saclay, vont ainsi bénéficier de ce financement européen.
Patrice Betret - ONESPIN
Physicien CEA, spécialiste des circuits quantiques supraconducteurs, au Service de physique de l’état condensé (DFR/Iramis - Spec – Univ. Paris-Saclay/CEA/CNRS), Patrice Betret est lauréat d’une bourse ERC Advanced pour son projet ONESPIN.
La spectroscopie par résonance magnétique étudie la matière en sondant les fréquences de résonance et les couplages des noyaux paramagnétiques et des électrons non appariés. Elle est un pilier de la science moderne et trouve de nombreuses applications dans la physique de la matière condensée, la science des matériaux, la chimie, la biologie et l'imagerie médicale. Son inconvénient est sa faible sensibilité. Les spectromètres conventionnels ont besoin d'un grand nombre d'objets identiques pour détecter un signal. Cela pose problème pour les systèmes aux propriétés hétérogènes, car leur largeur de raie d'ensemble est souvent beaucoup plus grande que la largeur de raie des objets individuels, ce qui limite la résolution spectrale. Le projet ONESPIN a ainsi pour objectif d’effectuer une spectroscopie par résonance magnétique sur des objets individuels, en s'appuyant sur une nouvelle méthode récemment mise au point dans notre laboratoire, le groupe Quantronique du Service de Physique de l’Etat Condensé au CEA Saclay. La détection de spins électroniques individuels à très basse température (10 mK) se fait en comptant les photons micro-ondes émis lors de leur relaxation. Un détecteur de photons micro-ondes unique, basé sur un qubit supraconducteur, permet cette mesure. L’efficacité de la relaxation radiative est augmentée grâce à l’effet Purcell, provoqué par un résonateur supraconducteur doté d’une constriction submicronique. Le projet vise d'abord à montrer que la détection par comptage de photons micro-ondes peut s’appliquer à divers centres paramagnétiques individuels, comme des molécules, radicaux organiques ou enzymes, pour obtenir leurs spectres précis. Il cherchera également à réaliser une spectroscopie fine des spins nucléaires autour de ces centres en combinant spectroscopie hyperfine et détection par fluorescence micro-onde, permettant de localiser précisément ces spins au sein d’une molécule, un objectif majeur en résonance magnétique. Enfin, la dernière ambition de ONESPIN est d’imager ces centres paramagnétiques à l’échelle nanométrique dans des échantillons microscopiques, en utilisant des gradients magnétiques associés à la détection par fluorescence micro-onde. Le projet ONESPIN est, par nature, interdisciplinaire en s’appuyant sur les technologies quantiques supraconductrices pour un impact espéré allant jusqu’à la chimie et la biologie.
Mathieu Kociak - FreeQCC
Directeur de recherche CNRS au Laboratoire de physique des solides (LPS – Univ. Paris-Saclay/CNRS), Mathieu Kociak est coordinateur des activités du groupe STEM (Scanning Transmission Electron Microscopes), dont les activités tournent autour de la microscopie électronique de premier plan. Ses recherches portent sur la nano-optique avec des électrons rapides, qu’il aborde par une combinaison de développements instrumentaux, d’expériences en spectromicroscopie électronique et de travaux théoriques sur l’interaction électron/matière/photon. Déjà lauréat du prix Guinier de la Société Française de Physique (2002), du prix quadriennal FEI-EM (2012) de la Société Européenne de Microscopie et de la médaille Agar de la Royal Society of Microscopy (2015), Mathieu Kociak voit aujourd’hui son projet FreeQCC financé par le Conseil européen de la recherche.
Depuis peu, un nouveau champ de recherche émerge à l’intersection entre la physique des faisceaux d’électrons rapides et celle de la cohérence quantique : l’optique quantique d’électrons rapide. Le projet FreeQCC vise à explorer deux problèmes fondamentaux : peut-on intriquer un électron rapide et un photon ? Peut-on observer des superpositions quantiques d’états d’un atome à l’aide d’un électron rapide ? Pour y répondre, le projet s’appuie sur les récentes avancées en microscopie électronique et en nano-optique, afin de concevoir des expériences inédites à très haute résolution spatiale, temporelle et énergétique. Il s’agira ainsi de manipuler finement l’état quantique d’électrons libres interagissant de façon quantiquement cohérente avec des systèmes quantiques nanométriques, comme des qubits solides. En combinant théorie et innovation technologique, FreeQCC ambitionne ainsi de franchir une étape majeure dans la compréhension de l’interaction entre électrons rapides et systèmes quantiquement cohérents
Les bourses Advanced du Conseil européen de la recherche (ERC) figurent parmi les programmes de financement les plus prestigieux de l’Union européenne. Ils donnent à la communauté scientifique l’opportunité de mener des projets de recherche ambitieux et innovants qui peuvent conduire à des percées scientifiques majeures. Leur montant peut atteindre 2,5 millions d’euros sur une période de cinq ans.