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Comment l’Université Paris-Saclay contribue avec Incuballiance à transformer des chercheurs en entrepreneurs

Innovation Article publié le 17 novembre 2020 , mis à jour le 17 novembre 2020

L’Université Paris-Saclay soutient l’émergence de projets innovants à dimension entrepreneuriale. Il y a deux ans, elle crée, au sein de l’incubateur Incuballiance et dans le cadre du programme d’appel à projets Poc in Labs, le “Genesis Light”, un nouvel outil au service du transfert technologique. Deux chercheuses partagent leur expérience de ce nouveau programme et de la manière dont il s’inscrit dans leur parcours d'entrepreneuses.

« Incuballiance » est l’incubateur mutualisé du cluster Paris-Saclay, créé en 2005 par les établissements d’enseignement supérieur et de recherche et des industriels du territoire, et dont l’Université Paris-Saclay en est un membre fondateur. En 2019, dans le cadre de l’appel à projets Poc in Labs de l’Université, il lance le programme « Genesis Light ». Une formule allégée du « Genesis Lab » - un programme de formations étalé sur deux mois et demi à temps plein et réalisé au sein d’Incuballiance - qui consiste à faciliter les transferts technologiques des laboratoires de recherche vers le monde socio-économique. Il est piloté par François Many, directeur général adjoint en charge de la mise en œuvre des opérations de l’incubateur depuis 2013. Un « serial entrepreneur », qui a lui-même créé un certain nombre de start-up dans le domaine des technologies de l’information (IT).

« Nous permettons aux chercheurs de comprendre comment on passe de l’invention à l’innovation. »

François Many, Incuballiance

Genesis Light vise à sensibiliser les chercheurs à la création d’entreprise. « Nous permettons aux chercheurs de comprendre comment on passe de l’invention à l’innovation. » Car si Poc in Labs est un outil de détection de projets en phase de prématuration, « Genesis Light » est celui qui, le cas échéant, révèle aux chercheurs une réalité économique. « C’est un révélateur de la capacité du projet à rencontrer un marché. Le métier de chercheur est très différent de celui de chef d’entreprise. Le premier est dédié à la technologie, et le deuxième aux besoins des clients. Ce qui représente un changement de paradigme. » Une minorité de chercheurs opèrent ce revirement de perspective et deviennent le CEO lorsqu’ils entrent en phase de création de leur start-up, et les autres préfèrent s’entourer d’associés pour leur apporter les compétences complémentaires dont ils ont besoin.

Au cours de sept jours de formation étalés sur deux mois, quatre intervenants ont formé huit chercheurs et chercheuses en 2019, en accueillent neuf en 2020, et dix sont prévus pour 2021. Les ateliers portent principalement sur la compréhension et l’identification des marchés. « Nous les initions à l’élaboration de propositions de valeur, au business model canvas, à la segmentation de marché, ou encore à la composition d’équipes. » Lorsqu’un marché est identifié, certains rejoignent le « Genesis Lab ». Puis, « à l’issue de cette formation, quelques-uns décident de créer leur start-up, et nous proposons alors de les accompagner en incubation pendant 24 mois. » C’est le cas de « Compa », projet porté par Sébastien Floquet, chercheur à l’Institut Lavoisier de Versailles (ILV - Université Paris-Saclay, UVSQ, CNRS), et transformé en start-up, dont la mission est d'aider les apiculteurs à diminuer la mortalité des abeilles et à augmenter les productions de miel. Mais aussi de « Fermentis », projet porté par Muriel Thomas, chercheuse de l’Institut MICALIS.

Le témoignage de Muriel Thomas, chercheuse de l’Institut MICALIS

Muriel Thomas, directrice de recherche au sein de l’Institut de microbiologie de l’alimentation au service de la santé humaine (MICALIS - Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech) travaille sur les microbiotes, intestinaux ou respiratoires, et leurs effets sur la santé. La chercheuse est parvenue à isoler une bactérie qui peut aider des personnes en dénutrition. Il s’agit, à l’aide de collations enrichies de cette bactérie, d’aider des patients à reprendre du poids suite à des traitements lourds de type chimiothérapie, ou des personnes âgées. Cette bactérie d’intérêt a été isolée dans le cadre d’un financement « Qualiment » labellisé Carnot, avec des collaborateurs d’Aurillac et de l’INRAE de Clermont-Ferrand.

Pour ce projet nommé « Fermentis », la chercheuse participe à la session de mai et juin 2019 de Genesis Light. Elle souhaite s’initier au monde de la création de start-up. « J’ai déposé plusieurs brevets ces dernières années afin de faire des transferts technologiques vers l’industrie, mais beaucoup de choses m’échappaient pour évaluer la possibilité de créer une start-up », commente Muriel Thomas. « Business model », « segmentation de marché » ou encore « incubation » font désormais partie de son vocabulaire. La formation lui permet d’affiner son projet, de se poser les bonnes questions afin de faire des choix stratégiques. Elle a également répondu à un appel à projets de maturation de la SATT Paris-Saclay pour réaliser les premiers développements nécessaires au transfert technologique. « J’ai aussi découvert que le monde entrepreneurial n’était pas aussi éloigné de celui de la recherche, comme je le pensais initialement, car il nécessite certaines qualités similaires : l’opiniâtreté ou encore la force de persuasion. Après tout, au laboratoire aussi nous émettons des hypothèses, nous les validons ou non, nous recommençons le cas échéant, nous sollicitons des financements, etc. » D’ailleurs Muriel Thomas utilise désormais certaines méthodes de travail apprises au Genesis Light dans le cadre de ses travaux de recherche. Comme la définition des valeurs, de la vision, et des objectifs d’un projet avant sa mise en œuvre.

Quelques mois après cette formation, avec l’aval de sa hiérarchie et les encouragements de son équipe, elle décide d’aller plus loin dans son initiation à la création de start-up en participant au Genesis Lab. « Les chercheurs parlent rarement d’un article avant de l’avoir publié. La formation m’a appris au contraire à ne pas avoir peur de l’échec, et à communiquer sur le projet quoiqu’il arrive par la suite. » Quant à devenir CEO de cette potentielle start-up, Muriel Thomas n’y tient pas pour le moment : « je m’investis à hauteur de 30 à 40 % de mon temps dans ce projet en tant que conseillère scientifique, mais je ne suis pas suffisamment rassasiée de mes travaux de laboratoire au sein de mon institut pour les quitter ! Je souhaite poursuivre en parallèle sur ces deux voies, car elles me passionnent avec la même intensité. »

Le témoignage de Sylvia Cohen-Kaminsky, du laboratoire Hypertension pulmonaire : physiopathologie et nouvelles thérapies

Sylvia Cohen-Kaminsky, chercheuse au sein de l’unité Hypertension pulmonaire : physiopathologie et nouvelles thérapies (HPPIT - Université Paris-Saclay, Inserm), adossée au centre de référence de l’hypertension pulmonaire PulmoTension, participe aux ateliers de Genesis Light en mai et juin 2019. Son intérêt pour l’entrepreneuriat s’inscrit dans ce qu’elle qualifie son « projet de vie » : le projet d’innovation thérapeutique « NMDA receptors, Unexpected TargetS in pulmonary arterial hypertension », maintenant en phase de maturation technologique (« NUTS-MAT »). Il consiste à identifier et à valider une nouvelle cible thérapeutique, et à développer un candidat médicament transformant pour le traitement curatif de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Par ailleurs, ce futur médicament est une molécule « intelligente » qui ne passe pas la barrière hémato-encéphalique, afin de minimiser les effets secondaires. Ce traitement, utilisé seul ou en complément des thérapies actuelles, vise à assurer une survie à long terme des patients. Car aujourd’hui, l’HTAP reste une maladie rare et incurable, avec une survie de trois à cinq ans après le diagnostic.

Ce projet pluridisciplinaire, à l’interface des domaines de la biologie, de la chimie et de la médecine, est réalisé en partenariat avec Mouad Alami, du laboratoire Biomolécules : conception, isolement, synthèse (BIOCIS - Université Paris-Saclay, CNRS), impliqué dans la conception et la synthèse de la molécule, et Alain Pruvost, du laboratoire d'études sur le métabolisme des médicaments (LEMM) au sein du Service de pharmacologie et immunoanalyse (SPI - Université Paris-Saclay, INRAE, CEA), en charge des études de distribution, pharmacocinétique et stabilité métabolique de la molécule. Après avoir bénéficié d’un financement du Laboratoire d’excellence en recherche sur le médicament et l’innovation thérapeutique (LabEx LERMIT), de l’agence nationale pour la recherche (ANR), et de l’appel à projets de prématuration Poc in Labs, le projet perçoit, depuis 2017, un financement de la SATT Paris-Saclay pour sa phase de maturation et de transfert technologique, et qui l’accompagne dans cette étape.

En 2019, Sylvia Cohen-Kaminsky s’interroge sur la meilleure voie à suivre pour conduire la suite du projet, protégé par trois brevets. « Pour ce type d’innovation thérapeutique, il y a deux options : transférer la technologie à l’industrie pharmaceutique, ou créer une start-up pour conduire le développement clinique. » Elle choisit alors de suivre la formation « Genesis Light » en mai et juin 2019, opérée par Incuballiance, pour trouver des éléments de réponse. « Grâce à Genesis Light, j’ai réalisé que mon projet avait un fort potentiel pour la création de start-up. J’y ai appris beaucoup de nouveaux termes, tels que « business plan », « business model », ou encore « pitch ». Ça a été un vrai déclic, cette connaissance m’a donné confiance pour me lancer dans l’entrepreneuriat. » L’équipe-projet participe en janvier 2020 à “Team-up for Start-up”, une opportunité de pitch soutenue par la Banque publique d’investissement (BPI), où elle sera remarquée par un “venture builder”, un fond d’investissement qui construit des entreprises et les finance. Ce dernier réalise actuellement une évaluation approfondie du potentiel et des risques du projet et prendra la décision finale de l’intégrer ou non à son portefeuille au cours du premier trimestre 2021. En parallèle, Sylvia Cohen-Kaminsky poursuit sur la voie de l’entreprenariat et suit, depuis octobre 2019, la formation Life science leadership school (LS-Lead) dédiée à l’entrepreneuriat en sciences de la vie et en santé. « J’ai bien conscience que mon profil n’est pas celui d’une dirigeante d’entreprise, ce que j’avais d’ailleurs déjà anticipé et validé au cours des ateliers de Genesis Light. Mais ce MBA me permet d’accompagner la création de notre start-up et d’être à même de conseiller son futur « chief executive officer » (CEO) sur toutes les décisions stratégiques et scientifiques, pour favoriser jusqu’au bout le développement de mon projet d’innovation thérapeutique, c’est-à-dire jusqu’au lit du patient. » Elle est également en attente d’un accord de son employeur, le CNRS, pour consacrer, dans le cadre de la loi Pacte pour l’innovation, 50 % de son temps à cette start-up.