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Bernard Yannou : être utile grâce aux méthodes de conception

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 15 janvier 2024 , mis à jour le 19 janvier 2024

Bernard Yannou est directeur du Laboratoire génie industriel (LGI – Univ. Paris-Saclay, CentraleSupélec), professeur des universités de classe exceptionnelle en science de la conception et génie industriel, et adjoint au directeur de la recherche, en charge de la valorisation des projets deeptech des chercheurs et chercheuses. Spécialiste de l’ingénierie de la conception et du management des projets d’innovation en entreprise, il travaille depuis deux ans à appliquer les sciences de la conception à l’économie circulaire et s’engage en parallèle au service de l’entrepreneuriat deeptech.

À l’âge où les enfants jouent aux LEGO®, Bernard Yannou rêve déjà d’en concevoir les plans de construction. « Si l’on m’avait demandé à l’époque ce que je voulais faire, j’aurais certainement répondu "inventeur de mondes" », se souvient ce dernier. Fasciné plus tard par ce qu’il appelle de grands « concepteurs – entrepreneurs » tels que Gustave Eiffel, il décide de poursuivre son rêve d’enfant et de se tourner vers les sciences de la conception.

C’est à l’ENS Cachan (aujourd’hui ENS Paris-Saclay) que Bernard Yannou commence à étudier la conception mécanique. Reçu à l’agrégation de mécanique en 1988, il obtient l’année suivante un DEA (aujourd’hui l’équivalent d’un master 2 recherche) d’informatique, CAO, algorithmique graphique à l’Écoles des Mines de Paris. « Curieux d’approfondir les possibilités de conception automatique, je décide à ce moment-là de me consacrer à une thèse sur les prémices de la conception automatique par les systèmes experts et du dimensionnement automatique par des techniques de programmation par contraintes », indique Bernard Yannou. L’occasion pour le jeune chercheur de travailler sous la direction de Jean-Claude Bocquet, alors en train de créer le Laboratoire génie industriel (LGI), qu’il rejoint à l’issue de sa thèse – et dont il prend la direction en 2015 – tout en devenant chef de travaux puis maître de conférences à l’École Centrale Paris (aujourd’hui CentraleSupélec).

Prendre en compte la complexité dans les méthodes de conception

Lorsqu’il débute sa carrière d’enseignant-chercheur, Bernard Yannou constate très vite que, lorsque l’on parle de « génie industriel », bien souvent l’on pense « chaîne de production ». « Or ce qui m’intéressait personnellement c’était vraiment la conception de systèmes complexes. Non pas seulement un produit mais une famille de produits. Non pas seulement le design, l’optimisation dimensionnelle et les processus industriels à mettre en place, mais bien le travail autour de la compréhension des besoins des usagers, de l’idéation donnant naissance à une diversité d’architectures – ou concepts de solutions – et de la réflexion sur les impacts d’une alternative de conception », explique Bernard Yannou. C’est donc à l’intégration de cette complexité dans les méthodes de conception que l’enseignant-chercheur consacre près de 30 ans de sa carrière. « De la conception sur le plan technique, j’ai ainsi évolué vers la conception d’offre de valeur – produit, service, organisation –, puis vers l’innovation utile pour les usagers et profitable pour l’entreprise, et enfin vers l’entrepreneuriat. »

Ce pas de côté par rapport à l’approche classique du « génie industriel », Bernard Yannou l’assume également côté enseignement. À côté des cours de conception et d’innovation qu’il donne aux élèves-ingénieurs de 2e et 3e année de CentraleSupélec, il s’engage en 1995 dans le DEA Génie industriel de l’école, le transforme en master Ingénierie des systèmes complexes (ISC) de l’Université Paris-Saclay en partenariat avec l’ENS Paris-Saclay et l’Université d’Évry, et contribue dès 2009 à la création de la filière métier de 3e année préparant aux métiers de responsables produit, innovation et R&D des entreprises. « Créer cette filière a vraiment été pour moi une aventure passionnante dans la mesure où c’était à l’époque une manière de renouer avec les métiers traditionnels de l’ingénieur centralien, concepteur de systèmes complexes et innovateur au service de l’industrie, qu’à titre personnel j’admirais tant. »

De l’analyse fonctionnelle du besoin au Radical Innovation Design® (RID)

Après quinze ans de recherche et d’enseignement sur les méthodes de conception, Bernard Yannou constate la difficulté persistante des organisations à se poser les bonnes questions, notamment en termes de spécification du besoin et d’exploration des opportunités d’innovation pour leurs clients. C’est pourquoi il décide en 2010 de développer le Radical Innovation Design® (RID), une nouvelle méthodologie informatisée mettant en œuvre des processus d'innovation guidés par l'usage et la recherche d’utilité. « Avec RID, l’idée était de s’éloigner de la spécification par cahier des charges et de donner la priorité à l'amélioration de la compréhension de l'expérience utilisateur dans un domaine d'activité. L’objectif final étant de guider les innovateurs dans l’exploration systématique des problèmes et des besoins non exprimés des utilisateurs, et dans l’apport de solutions innovantes pour ceux qui sont les plus pressants et sur lesquels les solutions existantes de la concurrence sont peu effectives. » L’objectif est atteint comme en témoignent la validation de cette nouvelle méthodologie RID par nombre de secteurs industriels et commerciaux et la création en 2018 par Bernard Yannou de la start-up HyB'RID pour valoriser cette méthodologie.

Intégrer l’impact grâce à l’écoconception et l’économie circulaire

Convaincu du devoir d’utilité des sciences de la conception et de la responsabilité des designers quant à l’impact des produits et services qu’ils conçoivent sur les modes de vie de demain, Bernard Yannou introduit dès le début des années 2000, à l’École Centrale Paris, des cours d’écoconception et crée quelques années plus tard une équipe de chercheurs et chercheuses en écoconception.

En 2020, il franchit un nouveau cap en prenant la décision d’investir l’intégralité de ses encadrements de thèse à appliquer les sciences de la conception au développement durable. « Outre l’écoconception des produits et services, je me suis intéressé à l’économie circulaire des organisations, c’est-à-dire à la manière de les aider à prendre des décisions allant dans le sens d’une plus grande circularité », précise-t-il. Dans cette perspective, il lance en février 2023 la chaire de recherche Alliance Circular-IT pour permettre aux entreprises industrielles et aux collectivités territoriales de mesurer et piloter leurs performances d’économie circulaire. « Avec Circular-IT, notre ambition est de mettre au point une méthodologie allant du diagnostic des activités clés d’une entreprise industrielle ou d’un territoire jusqu’à la mise en œuvre d’une plateforme numérique pour le pilotage et l’amélioration de la circularité par tous les acteurs et actrices de l’organisation concernée. »

Un engagement pour l’entrepreneuriat deeptech, entre autres…

Si dans le cadre de ses recherches Bernard Yannou met son expertise au service des grandes organisations, il n’hésite pas, par ailleurs, à mettre son expérience de créateur de start-up au service des porteurs et porteuses de projets deeptech. Il y a deux ans, il créé ainsi une cellule Prématuration à CentraleSupélec pour développer un écosystème deeptech de sensibilisation et d'accompagnement des projets de valorisation des chercheurs, chercheuses, doctorants et doctorantes, au plus près des personnes. « Je me suis par ailleurs engagé auprès de la Maison du doctorat de l’Université Paris-Saclay pour développer un parcours entrepreneuriat deeptech, dont la première brique est la formation Docteur.e en startup créée il y a un an et visant à sensibiliser 20 % des nouvelles promotions de doctorantes et de doctorants à toutes les dimensions entrepreneuriales d'un projet deeptech », ajoute l’enseignant-chercheur. Un engagement qui est loin d’être le seul pour lui puisque ce dernier est également président du CEESAR, le Centre européen d’études de sécurité et d’analyse des risques, un acteur majeur de la sécurité routière en France depuis 30 ans. Il est également administrateur de SILVER VALLEY, un regroupement d’acteurs de la Silver Économie qui répond aux besoins et usages des seniors et de leur entourage.

Bernard Yannou