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Alexei Chepelianskii : Sonder l’insolite de la matière

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 21 décembre 2018 , mis à jour le 07 mai 2021

Alexei Chepelianskii vient d’être distingué par l’Académie des sciences qui lui a remis le Grand prix Jacques Herbrand. Ce prix récompense tour à tour un mathématicien ou à un physicien de moins de 35 ans dont les travaux ont fait progresser la recherche en sciences mathématiques ou physiques et leurs applications pacifiques. Depuis quatre ans, au sein du Laboratoire de physique des solides (LPS-CNRS/Université Paris-Sud), le jeune chercheur étudie le comportement de nouveaux matériaux, fruits de ses intuitions théoriques et de ses expérimentations sur des conducteurs bidimensionnels modèles. Ces derniers lui permettent d’approfondir le comportement des particules à l’échelle quantique.

Alexei Chepelianskii étudie les propriétés de la matière pour mieux la contrôler. Il conçoit des expériences dans des systèmes très purs, comme la surface de l'hélium liquide. À basse température, les électrons lévitent à quelques nanomètres au-dessus de l'hélium liquide et se déplacent sur des dizaines de micromètres sans rencontrer d'impuretés. Leurs propriétés quantiques se révèlent ainsi via leur interaction avec la lumière et des photons possédant une énergie d'une centaine de GHz. Cette interaction conduit à la formation d'états insolites de la matière, qui résistent encore à une description théorique précise : ce sont des états de résistance nulle ou incompressibles.

Allier fondamental et applications

Les techniques de spectroscopie utilisées par le chercheur pour l’étude des conducteurs bidimensionnels dans le domaine des ondes millimétriques (photons d'une centaine de GHz) lui permettent aussi de sonder les propriétés du spin électronique dans des molécules organiques. Là, les processus de diffusion sont rapides et les impuretés nombreuses. Bien qu’attachées à de la physique fondamentale, ces recherches ouvrent des pistes d’applications très prometteuses. Par exemple, le silicium, un matériau constitutif des panneaux solaires, impose de déployer une technologie assez lourde afin de couvrir de grandes surfaces. « On comprend alors tout l’intérêt de trouver des matériaux faciles à déposer sur de vastes étendues, et éventuellement flexibles » explique Alexei Chepelianskii. « Je travaille donc sur des films de molécules organiques photo-absorbants, potentiellement utilisables pour des cellules photovoltaïques de nouvelle génération. » Même s’il l’a expérimenté lors de son post-doc au Royaume-Uni, Alexei Chepelianskii se défend de réaliser ici une recherche directement appliquée. « Nous essayons plutôt de comprendre comment fonctionnent des matériaux considérés comme novateurs, en étudiant des processus dépendants du spin, qui fixent des limites fondamentales à l'efficacité des cellules solaires élaborées avec ces matériaux », décrit le chercheur.

De la Russie à Saclay

C’est dès l’enfance qu’Alexei Chepelianskii contracte le virus de la recherche. Issu d’une famille russe de physiciens venue s’installer en France, il accomplit sa scolarité dans son pays d’adoption, poursuit ses études à l’École normale supérieure puis à l’Université Paris-Sud, et soutient en 2010 sa thèse au Laboratoire de physique des solides (LPS-CNRS/Université Paris-Sud). Le jeune chercheur part alors en post-doc à Cambridge et réalise régulièrement de courts séjours dans le Laboratoire de physique des basses températures de l’Institut RIKEN, au Japon. Là, il développe des expériences pour confirmer sa théorie sur les états de résistance nulle à la surface de l’hélium à basse température. À son retour en France, en 2014, il intègre le LPS. C’est donc « avec fierté » qu’il reçoit quatre ans plus tard ce prix académique pour des travaux tant théoriques qu’expérimentaux, preuve qu’en matière de récompense, jeunesse et excellence s’accordent bien.