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Alexandra Rouquette : prévenir les troubles de santé mentale chez l'enfant et l'adolescent

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 09 septembre 2022 , mis à jour le 16 septembre 2022

Alexandra Rouquette est enseignante-chercheuse au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP - Univ. Paris-Saclay, UVSQ, Inserm), et directrice-adjointe Formation de la Graduate School Santé publique de l’Université Paris-Saclay. Elle est spécialisée en psychométrie et méthodologie pour l’étude des phénomènes subjectifs en santé mentale, plus particulièrement chez les enfants et les adolescents.

Après avoir suivi une classe préparatoire math sup bio au Lycée Saint Louis à Paris, Alexandra Rouquette entame des études de médecine en 1997 à l’Université Paris-Sud (aujourd’hui Université Paris-Saclay). Au cours de son internat en santé publique, elle effectue en 2007 une année d’étude à l’École nationale de santé publique de Rennes (aujourd’hui École des hautes études en santé publique ou EHESP). La chercheuse s’oriente ensuite vers la recherche en santé mentale. En 2008, elle effectue un master 2 recherches en santé publique, spécialité biostatistique à l’Université Paris-Sud, ce qui lui donne l’occasion de faire un stage au sein de l’unité Paris-Sud Innovation Group in Adolescent Mental Health (PSIGIAM). Grâce à une année-recherche et une bourse de mobilité Marie-Curie, elle part en 2010 au Canada pour réaliser une thèse en cotutelle entre l’Université Paris-Sud et l’Université de Montréal, intitulée Mesures subjectives et épidémiologie, problèmes méthodologiques liés à l’utilisation des techniques psychométriques. L’épidémiologie est la discipline qui étudie la fréquence et la répartition des maladies, qu'elles soient infectieuses, aiguës ou chroniques (dont psychiatriques), et cherche à en identifier l’étiologie.

 

Psychométrie et méthodologie de recherche

Dès son internat, Alexandra Rouquette se spécialise en psychométrie et en méthodologie de la recherche en psychiatrie. Les techniques psychométriques sont utilisées pour mesurer les phénomènes subjectifs en santé, comme la dépression, l’anxiété, ou encore de qualité de vie, à l’aide de questionnaires. « Ces phénomènes subjectifs sont particulièrement difficiles à mesurer sans passer par le jugement du sujet lui-même. » En épidémiologie, ces questionnaires sont par exemple utilisés dans des études de cohortes - individus tirés au sort au sein de la population générale ou atteints de pathologies similaires et suivis au cours du temps - pour étudier la fréquence et les facteurs de risque de survenue de troubles de la santé mentale. Ils se composent de questions concernant les manifestations du phénomène subjectif. Par exemple, pour évaluer la dépression, les questions portent sur le niveau de tristesse, le manque d’énergie, la perte d’appétit, etc. Les scores générés indiquent l’intensité du phénomène, afin d’en étudier l’évolution et les facteurs de variation au cours du temps. Ces études apportent des informations essentielles pour lancer des campagnes de prévention de la survenue de ces troubles et de promotion de la santé mentale.

 

L’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP)

En 2012, Alexandra Rouquette rejoint l’AP-HP en tant qu’assistante hospitalo-universitaire au sein de l’unité de biostatistique et épidémiologie de l’hôpital Hôtel-Dieu à Paris et de l’Université Paris-Descartes. Sa mission est triple : elle conseille le personnel soignant qui souhaite mener des projets de recherche clinique ou épidémiologique sur la méthodologie la plus adaptée à leur question de recherche ; elle enseigne la biostatistique et l’épidémiologie ; et, une fois sa thèse soutenue en 2014, elle poursuit ses recherches dans son domaine au sein de l’unité Santé mentale et santé publique (Univ. Paris-Saclay, Inserm, Univ. Paris-Cité) à la Maison de Solenn, la Maison des adolescents de Cochin. L’entité fusionne en 2020 avec le Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP - Univ. Paris-Saclay, UVSQ, Inserm), où elle mène aujourd’hui des travaux de recherche au sein de l’équipe Psychiatrie du développement et trajectoires. En 2017, elle est recrutée à l’Université Paris-Saclay en tant que maîtresse de conférences des universités-praticienne hospitalière dans le service de santé publique et d’épidémiologie de l’hôpital Bicêtre.

 

L’étude de la santé mentale au cours du développement

Alexandra Rouquette s’intéresse particulièrement à l’étude de l’évolution de l’expression des phénomènes subjectifs au cours du temps. « La dépression ne s’exprime pas de la même manière pendant l’enfance, à l’adolescence et à l’âge adulte. J’étudie donc comment mesurer de manière fiable et valide les phénomènes subjectifs au cours du développement. » Cette différence d’expression peut par ailleurs se manifester en fonction d’autres caractéristiques sociodémographiques, comme le genre ou l’origine culturelle.

 

Une découverte inédite grâce à la méthode de l’analyse de réseau

En 2017, elle s’expatrie pendant quatre mois au sein du PsychoSystem research group de l’Université d’Amsterdam en tant que visiting scholar. L’enseignante-chercheuse y apprend une méthode innovante pour l’analyse des données psychométriques, l’analyse de réseau, et l’applique à des données longitudinales. « Nous avons appliqué cette méthode sur des données de cohorte d’enfants Québécois suivis pendant trente ans et, pour la première fois, nous avons mis en évidence un lien entre certains symptômes exprimés par les enfants d’après leurs parents (irritabilité, inimité des autres enfants à l’école, solitude) et la survenue de troubles dépressifs ou anxieux développés à l’adolescence ou à l’âge adulte. » Cette étude intéresse alors particulièrement les pédopsychiatres afin de les aider à mieux identifier la vulnérabilité de certains enfants.

 

La crise sanitaire du Covid-19 et son impact sur la santé mentale

Grâce à son expertise, Alexandra Rouquette est sollicitée durant la crise pandémique pour participer à la mise en place de la cohorte nationale Epidémiologie et conditions de vie sous le Covid-19 (EpiCov) et à l’enquête Santé, pratiques, relations et inégalités sociales en population générale pendant la crise COVID-19 (SAPRIS). « Nous avons mis en évidence, entre autres, que les 15-30 ans avaient particulièrement souffert de syndromes de dépression et d’anxiété dès le début de la crise ; et que les enfants issus de populations socioéconomiquement défavorisées souffraient de beaucoup plus de symptômes émotionnels, d’hyperactivité ou troubles de l’attention que les autres. »

 

La littératie en santé

Depuis 2016, Alexandra Rouquette participe avec d’autres chercheurs en France, en Belgique et en Suisse à mettre en place le réseau RéFLiS à travers la francophonie sur la littératie en santé. Ce projet répond à un sujet d’intérêt actuel en santé publique, et particulièrement en santé mentale, car il consiste à mesurer la capacité des individus à accéder aux informations relatives à la santé, à les comprendre et à les critiquer, pour prendre de bonnes décisions pour leur santé. « Cela a pour but d’encourager les acteurs de santé publique à développer des actions d’amélioration de cette capacité. Par exemple, des travaux montrent que chez les individus souffrant de diabète, avoir une bonne littératie en santé est associée à une meilleure évolution de la maladie. »

 

La Graduate School Santé publique de l'Université Paris-Saclay

Depuis 2020, Alexandra Rouquette est directrice-adjointe Formation de la Graduate School Santé publique de l'Université Paris-Saclay, qui propose deux masters santé publique et éthique, une école doctorale de santé publique, plusieurs diplômes d’université et une école d’été de santé publique. L’enseignante-chercheuse a à cœur de développer la multidisciplinarité au sein de la Graduate School. « Pour qu’ils et elles deviennent de bons professionnels de santé publique, nous devons former les étudiants et étudiantes à toutes les méthodes utilisées dans ce champ, depuis la biostatistique, l’épidémiologie, l’informatique jusqu’à l’économie, le droit ou la sociologie. » Dans cette optique, Alexandra Rouquette favorise des rapprochements avec d’autres Graduate Schools, comme Informatique et sciences du numérique ou encore Sociologie et science politique.

 

Alexandra Rouquette