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V|LF-Spiro3D : la respiration en images

Innovation Article publié le 16 février 2023 , mis à jour le 16 février 2023

Initié par le laboratoire d'Imagerie biomédicale multimodale Paris-Saclay (BioMaps - Université Paris-Saclay, CEA, CNRS, Inserm) et en collaboration avec de nombreux partenaires publics et privés, le projet V|LF-Spiro3D propose des avancées dans le diagnostic de fonctions respiratoires altérées. 

L’asthme, la pneumonie, la tuberculose, l’embolie pulmonaire, l’hypertension, le Covid-19… Autant de maladies qui altèrent la fonction respiratoire et peuvent entrainer une insuffisance respiratoire chez les personnes touchées. Pour évaluer la gravité de l’altération, les pneumologues font couramment appel à la spirométrie, un test d'exploration fonctionnelle respiratoire qui sert à évaluer la fonction pulmonaire. Ce test comporte toutefois certaines limites qui poussent à mettre au point d’autres méthodes de diagnostic. Porté par Xavier Maitre, chercheur au sein du laboratoire BioMaps, le projet Very|Low-Field 3D MR Spirometry (V|LF-Spiro3D) a pour objectif de développer un nouveau protocole de tests de la fonction respiratoire. En utilisant l’imagerie par résonance magnétique (IRM), son ambition majeure est de cartographier la fonction respiratoire pour localiser les régions malades du poumon des personnes touchées. Lauréat d’un soutien Pathfinder 2022 du Conseil européen de l’innovation, décerné aux projets à haut potentiel innovant ou aux technologies de rupture, V|LF-Spiro3D promet un véritable bond en avant dans la caractérisation des maladies respiratoires.

 

La spirométrie : un standard qui a ses limites

Majoritairement utilisée par les praticiens et praticiennes lors de l’exploration fonctionnelle respiratoire d’une personne afin d’établir chez elle un diagnostic, la spirométrie mesure la capacité respiratoire au moyen d’un spiromètre. Le protocole consiste à faire souffler la personne à travers un débitmètre. En position assise, une pince sur le nez, la personne est invitée à effectuer des inspirations et expirations forcées à leur maximum. L’objectif du praticien ou de la praticienne est d’obtenir des courbes dites de « débits-volume » où les débits ventilatoires (le volume d’air inspiré ou expiré par les poumons) sont comparés aux volumes pulmonaires (la quantité d’air restant dans les poumons après une expiration forcée). La forme de la courbe indique si la personne a une respiration normale, restrictive ou obstructive. 

L’examen se heurte toutefois à des limites. D’abord, la respiration y est forcée. Le sujet effectue à plusieurs reprises des respirations poussées à l’extrême. Or, des enfants ou des personnes présentant des déficiences intellectuelles, par exemple, peuvent rencontrer des difficultés à coopérer. De plus, la mesure, réalisée à la bouche, est globale. Il est ainsi des situations où les résultats ne rendent pas bien compte de la réalité respiratoire du sujet. « En tirant le trait, nous pourrions ne pas voir qu’un des deux poumons ne fonctionne pas. Le poumon étant un organe adaptable, si l’une de ses régions affectées était dysfonctionnelle, l’autre pourrait totalement compenser ce manque. Le résultat serait alors celui d’une courbe débit-volume nominale », explique Xavier Maitre. 

 

La spirométrie 3D : un changement de méthode…

Le projet V|LF Spiro3D tente de surmonter ces limites en proposant une nouvelle approche : un test d’exploration fonctionnelle effectué à l’aide d’un appareil IRM. Il prévoit un protocole de dix minutes dans l’appareil. Le sujet y est allongé sur le dos et respire librement. Le signal est acquis pendant ce temps et le traitement des images fournit une représentation dynamique de la ventilation du sujet au cours de sa respiration. 

L’amélioration est double : cette nouvelle approche dépasse les limites causées par la respiration forcée demandée au patient ou à la patiente lors de la spirométrie standard, en lui préférant une respiration dite « spontanée » ou « libre ». Aucun exercice particulier de respiration n’est imposé : le sujet s’allonge simplement sur le lit de l’appareil IRM et celui-ci fait le reste. Une seconde amélioration provient de la cartographie de la fonction respiratoire. Celle-ci révèle les motifs respiratoires et établit l’existence des défauts locaux de ventilation des poumons. Après le traitement des images dynamiques obtenues, des courbes débits-volumes sont disponibles en chaque point du poumon. 

 

… et une évolution technique

Le projet reconsidère également l’appareil IRM. Le champ magnétique des machines IRM standard est usuellement 1,5 ou 3 Tesla (T), soit 32 000 à 64 000 fois plus que le champ magnétique terrestre en routine clinique. L’ambition du projet V|LF Spiro3D est d’amener la spirométrie 3D à de plus bas champs (0,55 T, 0,2 T voire 0,1 T). « Cela est plus léger en termes d’empreintes économiques et écologiques, et nous pourrions plus facilement sortir ce type d’imageur des services de radiologie pour les amener dans des services de pneumologie », détaille Xavier Maitre. À plus bas champ, les différences de susceptibilité magnétique à l’interface air-tissu ont moins d’effets, ce qui facilite l’IRM pulmonaire.

 

Une collaboration européenne et interdisciplinaire

Le projet V|LF-Spiro3D implique un grand nombre d’acteurs académiques (quatre laboratoires), cliniques (quatre hôpitaux) et industriels (Siemens et NMR Service) de quatre pays européens (Allemagne, France, Pays-Bas et Royaume-Uni). Leur but est d’établir une première base de données sur près de 500 sujets adultes et enfants, sains et malades, couvrant l’asthme (Hôpital Bicêtre, Erasmus Medical Center - Rotterdam), la bronchopneumopathie obstructive chronique (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière), la mucoviscidose, la dysplasie bronchopulmonaire (Erasmus Medical Center) et la bronchiolite oblitérante après transplantation pulmonaire (Hôpital Foch). Ensemble, tous ces acteurs misent sur un changement profond dans la caractérisation de la physiopathologie pulmonaire et des pratiques cliniques associées. Les résultats attendus avec ce projet n’ont, à ce jour, pas d’équivalent. 

 

Une approche centrée sur le patient ou la patiente

Enfin, le projet comporte un axe original d’étude : il questionne les dimensions anthropologique et philosophique derrière l’adoption de la technique. « Le fait d’avoir accès, non pas à une courbe débit-volume, mais à une courbe "qui respire" invite-t-il le praticien ou la praticienne, et le patient ou la patiente, à s’approprier le résultat différemment ? Si je vois mes poumons en train de respirer, puis-je en faire autre chose qu’un diagnostic médical ? », interroge Xavier Maitre. En explorant la réception individuelle et culturelle de la spirométrie 3D, le projet pose la question de la place de la respiration dans la personnalité d’une personne. 

 

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