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Thibault Cantat : transformer le CO2 à partir des énergies durables

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 04 juin 2019 , mis à jour le 22 septembre 2020

Thibault Cantat est chercheur au CEA et chimiste spécialisé dans la chimie des métaux et leur utilisation en catalyse. Il traque depuis dix ans les secrets des matières carbonées pour les transformer en énergie propre de demain. Une recherche fondamentale sur fond d’engagement sociétal, dont ce jeune chercheur partage volontiers les enjeux avec le grand public et la sphère politique.

Au sein de son laboratoire au CEA Paris-Saclay (UMR NIMBE), Thibault Cantat cherche à transformer le CO2 tout en stockant l’énergie. « Cela nécessite de développer la chimie de cette petite molécule pour comprendre comment la transformer à la fois en produits chimiques utiles et en carburant à partir d’énergies alternatives (éolien, solaire), de manière à les stocker », explique le chercheur. Car la grande problématique des solutions énergétiques mixtes demeure leur stockage. « On aimerait disposer d’électricité précisément au moment où on en a le plus besoin, quand il fait froid et qu’il n’y a pas de soleil. »

Casser les liaisons carbone-oxygène

Depuis dix ans, son équipe étudie comment casser les liaisons carbone-oxygène, faibles en énergie et présentes dans le CO2, pour en faire des liaisons carbone-hydrogène, très énergétiques. Elle s’intéresse également à la valorisation des déchets plastiques (polymère) ou du monoxyde de carbone (CO) des fumées industrielles. Elle collabore d’ailleurs avec des industriels dans le cadre d’un projet européen : « l’objectif est de récupérer le CO pour le transformer en polymères, ce qui évite l’utilisation de matières pétrochimiques », explique Thibault Cantat.

Cinq minutes contre des milliers d’années

Une fois les liaisons carbone-oxygène « cassées », la suite logique est de s’interroger sur la façon de leur apporter de l’énergie « avec une précision chirurgicale », souligne Thibault Cantat. Enfin, il faut trouver le meilleur catalyseur pour ce type de recherche. « En synchronisant toutes les étapes chimiques élémentaires, ce catalyseur accélère les réactions sans consommer d’énergie. On réalise alors en cinq minutes des transformations qui pendraient des milliers d’années ! »

Une chimie écolo ?

Le chercheur, qui évoque le terme de « chimie durable » pour ses recherches, remarque que tous les jeunes dans son laboratoire sont très attachés à la dimension sociétale. « Cette chimie a très peu été développée par le passé. On se contentait d’extraire du sous-sol du pétrole, qui ne comporte que des liaisons carbone-hydrogène et carbone-carbone. Nous allons à contre-courant, en favorisant l’émergence d’une économie circulaire. Toutefois, lorsque nous saurons enfin faire quelque chose du CO2, les coûts engendrés demeureront plus élevés que ceux liés à l’utilisation du pétrole. Pour les diminuer, nous avons besoin d’un levier politique. » De fait, Thibault Cantat rencontre régulièrement les institutionnels, tels que l’État et le Conseil de l’Europe.

Façonner le réel

« Je fais de la recherche fondamentale pour identifier et faire sauter à terme les verrous scientifiques et techniques », explique le jeune chimiste qui s’est passionné très tôt pour la recherche. « Vous mélangez des choses qui, sous vos yeux, se transforment pour devenir quelque chose de nouveau. C’est génial ! » Les manipulations sont rapides et légères à monter, ce qui permet au chimiste d’en réaliser plusieurs en même temps. « De l’idée au résultat, en passant par son test, on va très vite, d’où une compétition assez répandue entre chimistes », constate Thibault Cantat.

Un parcours sans faute

Après des études à l’ENS Paris, le jeune chercheur soutient en 2007 sa thèse à l’École polytechnique, pour laquelle il reçoit deux prix (meilleure thèse X et ParisTech). Il réalise ensuite un post-doctorat pendant deux ans au laboratoire de Los Alamos aux États-Unis, l’alter ego américain du CEA. Une expérience enrichissante qui intervient au tout début de son parcours et qui le fait travailler avec beaucoup de liberté et de moyens dans un environnement culturel et scientifique différent. Événement rare pour un chercheur en début de carrière, il reçoit en 2013 le Grand Prix scientifique de la Fondation Louis D. (chimie du CO2) de l’Institut de France. Au-delà de la fierté d’être récompensé par ses pairs, Thibault Cantat se dit aussi heureux, grâce au demi-million d’euros reçu à cette occasion, d’avoir pu développer les activités de son laboratoire et recruter de jeunes chercheurs très prometteurs.