TheraSonic : la deeptech qui franchit la barrière du cerveau grâce aux ultrasons

Innovation Article publié le 24 juillet 2025

TheraSonic est une spin-off du CEA fondée en 2023 par Benoît Larrat, alors chercheur dans l’unité Building large instruments for neuroimaging: from population imaging to ultra-high magnetic fields (BAOBAB – Univ. Paris-Saclay/CEA/CNRS) de NeuroSpin, et Anthony Novell, chercheur au laboratoire d'Imagerie biomédicale multimodale Paris-Saclay (BioMaps – Univ. Paris-Saclay/CNRS/CEA/Inserm). La start-up développe un dispositif médical fondé sur les ultrasons pour rendre possible l’entrée des médicaments dans le cerveau. Objectif : ouvrir temporairement la barrière hémato-encéphalique, qui constitue aujourd’hui l’un des principaux obstacles au traitement des pathologies neurologiques.

Alzheimer, Parkinson, tumeurs cérébrales, maladies rares … Les pathologies du système nerveux central représentent l’un des plus grands défis médicaux contemporains. Toutes se heurtent à une même limite : 98 % des molécules thérapeutiques connues ne parviennent pas à atteindre le cerveau. « Même lorsqu’une cible pertinente est identifiée et qu’un médicament efficace est développé, tant que cette barrière n’est pas franchie, il reste sans effet », résume Benoît Larrat, cofondateur et CEO de la start-up TheraSonic. Pour combler ce vide entre la molécule et sa cible, TheraSonic mise sur une technologie de rupture.
 

De la recherche fondamentale à la création d’entreprise

L’histoire débute en 2010 à NeuroSpin, sur le plateau de Saclay, où Benoît Larrat, alors post-doctorant dans l’unité BAOBAB, étudie l’utilisation des ultrasons guidés par IRM pour la thérapie du cerveau. Il développe progressivement une activité de recherche structurée et ses premiers travaux aboutissent à des développements instrumentaux et à des preuves de concept chez l’animal, démontrant que les ultrasons, sous certaines conditions, facilitent le passage de médicaments à travers la barrière hémato-encéphalique.

Entre 2017 et 2021, un projet financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et piloté par Benoît Larrat associe plusieurs partenaires académiques et industriels pour concevoir un prototype destiné à un usage chez l’être humain. En 2018, il s’associe à Anthony Novell, alors chargé de recherche CNRS dans le laboratoire BioMaps, spécialiste de l’acoustique médicale et impliqué de longue date dans les recherches menées par le laboratoire avec NeuroSpin. En 2020, pour engager des essais cliniques, Benoît Larrat rejoint le programme Magellan du CEA. « À ce stade, la poursuite du projet nécessitait un changement d’échelle, que seul un cadre entrepreneurial rendait possible d’envisager. » Cette phase de maturation, qui inclut une formation à HEC, vise à structurer le projet, évaluer le marché, affiner le prototype et préparer le transfert de technologie.

Avec Anthony Novell, il cofonde TheraSonic. Benoît Larrat quitte alors la recherche pour s’engager à plein temps dans l’entrepreneuriat, tandis qu’Anthony Novell poursuit son activité académique tout en contribuant au développement de la deeptech. En décembre 2023, TheraSonic voit officiellement le jour. Elle est accompagnée par le fonds medtech M2Care, dont le modèle de start-up studio apporte un soutien opérationnel structurant. La start-up bénéficie également du soutien du centre de lutte contre le cancer Gustave Roussy, futur partenaire des essais cliniques.
 

Une technologie robotisée de ciblage intracrânien

Le dispositif repose sur un mécanisme connu depuis une vingtaine d’années mais encore délicat à maîtriser : l’ouverture localisée et temporaire de la barrière hémato-encéphalique par ultrasons focalisés. Après injection de microbulles gazeuses, déjà utilisées en échographie comme agents de contraste, un faisceau d’ultrasons de basse intensité les fait osciller, ce qui génère des contraintes mécaniques sur les parois des vaisseaux sanguins cérébraux. Ces contraintes induisent un relâchement temporaire des jonctions serrées, ces structures protéiques qui maintiennent fortement soudées entre elles les cellules endothéliales, qui tapissent l’intérieur des vaisseaux sanguins. « L’effet est réversible et localisé, il ne dure que quelques heures et ne concerne que les zones exposées aux ultrasons », précise Benoît Larrat.

Mais pour que cette ouverture soit efficace et sans danger, il faut viser avec précision à travers un crâne dont la structure varie fortement selon les individus et les régions du cerveau. TheraSonic développe alors un système qui combine jumeau numérique et robotique médicale, capable de recalculer et d’ajuster en temps réel la trajectoire du faisceau. Cette brique robotique, développée au CNRS par les équipes de l’université de Strasbourg sous la direction de Jonathan Vappou, assure le traitement automatique de plusieurs foyers avec une précision que la main humaine ne peut atteindre.

La première indication clinique visée concerne les métastases cérébrales issues de cancers du sein, du poumon ou de la peau, qui diffusent le plus fréquemment vers le cerveau. « Nous travaillons aussi sur des maladies neurodégénératives ou sur des applications en pédiatrie pour la thérapie génique, où il n’existe aujourd’hui aucune solution efficace. »
 

Une technologie brevetée, en route vers la clinique

TheraSonic s’appuie sur trois familles de brevets issus du CEA, déposés entre 2018 et 2023 sous licence exclusive. Forte de ces innovations, la start-up dispose aujourd’hui d’un prototype opérationnel et finalise son dossier auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour un lancement des premiers essais cliniques en 2026 à Gustave Roussy. L’équipe envisage de recueillir des données chez les patientes et patients pour améliorer rapidement le dispositif en vue d’une version commerciale.

Lauréate du Grand Prix i-Lab de Bpifrance en 2024, TheraSonic a déjà levé 2,7 millions d’euros et prépare un nouveau tour de table de 5 millions pour début 2026. Elle bénéficie également de l’accompagnement du Paris-Saclay Cancer Cluster, qui l’a notamment récompensée dans le cadre d’un hackathon dédié aux cancers pédiatriques organisé avec l’association Imagine For Margo, la fondation S et LifeArc. TheraSonic est aussi lauréate du coup de cœur du public 2025 de la journée annuelle 2025 des start-up innovantes du dispositif médical organisée par le syndicat national de l’industrie des technologies médicales (SNITEM).
 

Ancrage territorial et ambitions internationales

Basée entre Paris et Lyon, TheraSonic s’inscrit pleinement dans les écosystèmes français de l’innovation en santé. La deeptech est membre du Biocluster de Villejuif, du Paris-Saclay Cancer Cluster et de la French Tech Paris-Saclay. Ces réseaux lui offrent un accès privilégié à des partenaires académiques, hospitaliers et industriels, facilitant les mises en relation avec les laboratoires pharmaceutiques, notamment pour intégrer sa technologie dans des essais cliniques ou pour relancer des programmes thérapeutiques abandonnés, faute d’efficacité. « Beaucoup de molécules échouent en phase 2 ou 3 des essais cliniques car elles n’atteignent pas suffisamment le cerveau. Notre technologie leur offrirait une seconde chance. »

Déjà en discussion avec plusieurs hôpitaux experts, TheraSonic prépare un déploiement international, avec une priorité donnée à l’Europe et à l’Amérique du Nord. La structuration de l’équipe se poursuit, avec des recrutements prévus en développement logiciel, en robotique médicale et en affaires réglementaires. Pour Benoît Larrat, cette transition vers l’entrepreneuriat s’inscrit dans une continuité logique. « Il est tout à fait possible de faire une belle carrière académique, puis de basculer vers l’entrepreneuriat, à condition d’être bien accompagné. » La deeptech est ainsi une évolution naturelle qui rend possible d’exprimer le plein potentiel des résultats de la recherche par le développement d’un produit à impact médical.