QAP Computing prépare les entreprises à l’arrivée de l’ordinateur quantique

Entrepreneuriat Article publié le 23 octobre 2025 , mis à jour le 23 octobre 2025

En attendant de disposer d’ordinateurs quantiques opérationnels, la future start-up QAP Computing propose aux entreprises des logiciels permettant de simuler des algorithmes quantiques et de les tester sur des processeurs quantiques. Un moyen d’apercevoir tous les avantages qu’apporteront ces machines innovantes, entre puissance de calcul exponentielle et économie d’énergie.

Après une carrière à l’étranger, notamment aux États-Unis, Marc Baboulin est depuis 2010 professeur à l’Université Paris-Saclay, à Polytech Paris-Saclay, et chercheur dans le domaine du calcul haute performance (HPC) et du calcul quantique. Il réalise ses recherches au Laboratoire méthodes formelles (LMF – Univ. Paris-Saclay/CNRS/ENS Paris-Saclay/CentraleSupélec/Inria), au sein de l’équipe-projet Inria Quantum Computation Structures (QuaCS) et y mène des travaux sur les algorithmes quantiques pour le calcul haute performance. « Les ordinateurs quantiques commencent tout juste à se développer, la correction des erreurs s’améliore, mais il manque encore des applications pratiques. J’ai voulu étudier l’utilisation des algorithmes quantiques pour les simulations numériques effectuées au quotidien dans l’industrie, afin de rendre crédibles les avancées de l’informatique quantique », précise l’enseignant-chercheur.

En septembre 2024, Marc Baboulin, accompagné par Brice Pointal, ingénieur de recherche au Laboratoire interdisciplinaire des sciences du numérique (LISN – Univ. paris-Saclay/CNRS/CentraleSupélec/Inria), rejoignent l’incubateur Inria start-up Studio avec le projet QAP Computing. L’objectif de ce projet de start-up est de développer des logiciels quantiques capables de s’intégrer dans la chaîne de traitement du calcul haute performance des entreprises. « Pour l’instant, les ordinateurs quantiques sont expérimentaux, mais nous aidons les sociétés à monter en compétences dans le domaine de l’informatique quantique. Nous leur proposons une bibliothèque logicielle performante avec une interface intuitive pour adapter leurs codes aux ordinateurs quantiques qui arriveront d’ici 2030. Notre but est de faire en sorte que les entreprises s’approprient dès maintenant le calcul quantique », explique Marc Baboulin.

Se familiariser avec le calcul quantique

À l’heure actuelle, il existe de premiers modèles de processeurs quantiques fabriqués avec des technologies très diverses (supraconducteurs, photonique, ions piégés, atomes de Rydberg…). Cependant, aucun ordinateur quantique n’est encore suffisamment fiable pour concurrencer les supercalculateurs actuels. « Les algorithmes quantiques sont probabilistes et les paradigmes de calculs sont totalement différents : il n’y a pas de boucle, pas de tests conditionnels et les informations ne peuvent être dupliquées. Cela nécessite de concevoir les algorithmes de façon complètement nouvelle par rapport à l’informatique classique », développe le co-porteur du projet. La principale promesse de l’ordinateur quantique est une augmentation exponentielle de la puissance de calcul et la possibilité de réaliser des simulations qui étaient impossibles auparavant. Cela va notamment permettre des communications plus sécurisées, des avancées en cryptographie et des économies d’énergie vis-à-vis de la consommation actuelle des data centers. « Notre objectif est de proposer un niveau d’abstraction suffisant pour faciliter la tâche de nos clientes et clients dans leurs développements logiciels grâce à une interface compréhensible pour des développeurs et développeuses non experts de la quantique », précise le coporteur.

L’offre logicielle de QAP Computing se compose de deux volets : le premier, une plateforme de simulation pour tester les algorithmes quantiques et se familiariser avec le calcul quantique ; le second, une bibliothèque logicielle haute performance pour réaliser des codes qui utilisent à la fois des processeurs quantiques et classiques. « Dans un premier temps, les entreprises travailleront en simulant le processeur quantique, mais avec notre logiciel, elles pourront vérifier que leurs programmes fonctionnent et que la qualité numérique des résultats est satisfaisante. Elles pourront également tester leurs codes sur l’ordinateur quantique de leur choix grâce à une passerelle développée par QAP Computing. Notre solution permettra ainsi de mesurer un éventuel avantage quantique pour certaines applications », ajoute Marc Baboulin.

Les clients visés sont les entreprises industrielles ou commerciales, pour qui la performance dans le calcul est un critère important. Cela concerne, par exemple, le domaine de l’aéronautique, de la défense, de l’énergie, les banques ou les compagnies d’assurances. « Il est important d’expérimenter comment intégrer des fonctions quantiques dans des codes existants, car il n’y aura pas de programme uniquement quantique. Les processeurs quantiques fonctionneront toujours en combinaison avec des processeurs classiques. Ce modèle algorithmique dit “hybride” va utiliser ce que chaque type de processeur sait faire de mieux », explique Marc Baboulin.

Une création envisagée d’ici un an

Pour l’heure, QAP Computing n’a pas encore d’existence juridique propre et ne peut donc pas lever de fonds. Mais les cofondateurs sont déjà en contact avec des investisseurs. « Nous visons la création officielle de la start-up d’ici un an, le temps de réaliser les procédures d’autorisation avec l’université et les accords de propriété intellectuelle », ajoute Marc Baboulin. QAP Computing a développé des preuves de concept (POC) et est prête à se lancer sur le marché. La future start-up a de premiers contacts avec de potentiels clients et des propositions de partenariat. Les cofondateurs de QAP Computing recherchent également un collaborateur ou une collaboratrice experte des aspects administratifs et commerciaux. Les codes réalisés par la future start-up ont donné lieu à un dépôt à l’agence pour la protection des programmes (APP).

Marc Baboulin insiste sur l’importance de se préparer dès maintenant à l’ordinateur quantique : « Les sociétés ont beaucoup à gagner en termes de performances et d’économies d’énergie par rapport aux supercalculateurs actuels. Elles peuvent obtenir un sérieux avantage concurrentiel. Aujourd’hui, les principales entreprises françaises et étrangères investissent dans le calcul quantique. Par exemple, Airbus, EDF, Total Énergies, Thales, HSBC, SAP… ont des équipes dédiées sur le sujet. C’est vraiment la concurrence et l’émulation scientifique qui va porter le secteur et les investissements dans le domaine. »