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Philippe Langella : une brillante carrière ponctuée de découvertes majeures sur les probiotiques et le microbiote intestinal

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 12 avril 2024 , mis à jour le 26 avril 2024

Philippe Langella est directeur de recherche INRAE, responsable de l’équipe Interactions des bactéries commensales et probiotiques avec l'hôte (Probihôte) au sein du laboratoire Microbiologie de l'alimentation au service de la santé humaine (MICALIS – Univ. Paris-Saclay / INRAE/ AgroParisTech). Ses recherches se concentrent sur l’utilisation de bactéries commensales et probiotiques pour de potentiels effets bénéfiques sur la santé humaine et animale.

Philippe Langella commence ses études supérieures en biologie à l'Université de Grenoble en 1976, avant de poursuivre en master de microbiologie industrielle et appliquée à Marseille. Sa passion pour la microbiologie l'amène à réaliser une thèse au sein du Laboratoire de recherche de technologie laitière à Rennes, sur les bactéries lactiques et leur potentiel en santé. En 1984, il rejoint le Québec en tant que coopérant scientifique et technique dans le cadre de son service national. Pendant dix-huit mois, il travaille au sein du département recherche et développement de Delisle, une entreprise de production de produits laitiers fermentés (aujourd’hui Danone).


Découverte du potentiel de bactéries lactiques génétiquement modifiées

En 1989, Philippe Langella s’installe à Jouy-en-Josas (Essonne) et rejoint l'unité de recherche laitière et de génétique appliquée (URGLA) en tant que chargé de recherche INRAE. Il y poursuit ses recherches sur les bactéries lactiques et dès 1994, dirige une équipe consacrée à ce domaine. En 2005, il publie ses travaux : l'utilisation de bactéries lactiques génétiquement modifiées pour exprimer un antigène du papillomavirus humain (responsable d'une grande partie des cancers du col de l'utérus) fournit une protection efficace des souris traitées contre le cancer induit par ce papillomavirus. « Cette découverte illustre le potentiel immense des bactéries alimentaires modifiées dans la prévention de certaines pathologies. »


Exploration des effets des bactéries probiotiques contre les maladies inflammatoires intestinales

En 2004, Philippe Langella intègre l'unité d'écologie et physiologie du système digestif (UEPSD), élargissant ses recherches pour inclure des essais sur modèles murins. Cette démarche lui offre la possibilité d'explorer les effets des bactéries, du tube à essai jusqu'au tube digestif. Il se lance dans l'étude des potentiels effets santé des probiotiques traditionnels (présents dans les compléments alimentaires et produits laitiers fermentés), notamment les lactobacilles et bifidobactéries, dans des modèles murins de colite. Il découvre que ces bactéries possèdent des propriétés anti-inflammatoires importantes. Il réalise alors des tests sur des souris présentant des inflammations intestinales sévères, reproduisant une partie des symptômes des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI), comme la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Philippe Langella convainc la direction du département du partenariat et du transfert pour l'innovation de l’INRAE de l'intérêt grandissant de ces probiotiques et organise deux colloques, en 2006 et 2008, réunissant académiques et industriels du domaine. « Ces rencontres ont été un véritable succès et ont établi des partenariats industriels avec des entreprises de compléments alimentaires, comme Pilège, et des sociétés pharmaceutiques, comme Biocodex, qui commercialisent des médicaments probiotiques. »


Découverte de Fprau, une bactérie probiotique de nouvelle génération

En 2006, Philippe Langella entame une collaboration avec Harry Sokol, professeur des universités - praticien hospitalier (PU-PH) en gastroentérologie à l'hôpital Saint-Antoine, qui effectue une thèse sur l’analyse de la composition de microbiotes de patientes et patients atteints de la maladie de Crohn. Ensemble, ils examinent ces microbiotes et découvrent la bactérie Faecalibacterium prausnitzii (Fprau), absente chez les patientes et patients en rechute mais présente chez celles et ceux en rémission. Puis ils démontrent son effet protecteur dans des modèles murins de colite. « Cela a été le début d'une longue histoire qui a changé nos vies et celle de notre équipe ! Nous avons été les premiers à identifier une bactérie probiotique de nouvelle génération potentiellement bénéfique en santé humaine sur la base de données cliniques humaines. » La publication de cette découverte en 2008 dans le journal américain PNAS, aujourd’hui citée 4 000 fois, ouvre la voie à de nombreux travaux sur Fprau et les déséquilibres du microbiote observés dans d’autres pathologies, comme les cancers, l'obésité ou le syndrome métabolique.


La direction de ProbiHôte au sein de l’Institut MICALIS

En 2010, Philippe Langella, alors directeur adjoint de l'UEPSD depuis 2004, participe à la création de l’Institut MICALIS/ Depuis 2014, il en est le directeur-adjoint, en charge du département écosystèmes alimentaires et digestifs. Il y dirige une équipe d’une soixantaine d'expertes et experts en microbiologie, biologie moléculaire, physiologie intestinale et bioinformatique. Leurs travaux consistent à analyser les interactions des microorganismes commensaux et probiotiques avec l’hôte, afin d'en approfondir leur compréhension, et de les exploiter pour développer des stratégies préventives et thérapeutiques innovantes en santé humaine.


La création de la start-up Exeliom Biosciences

Après une année sabbatique, en 2011, à l'Université McMaster à Hamilton (Canada), où il côtoie des gastro-entérologues et des fondateurs de start-up, Philippe Langella revient en France avec de nouvelles idées. Grâce au soutien de la cellule de valorisation de l'INRAE, il se lance, fin 2015, dans l'aventure entrepreneuriale d'une biotech. Avec Harry Sokol et Patrick Gervais, enseignant-chercheur à l'Université de Bourgogne et AgroSup Dijon, ils posent les bases de Nextbiotix, renommée Exeliom Biosciences en 2019 et dont Benjamin Hadi en est le CEO. À ce jour, la start-up a levé 27 millions d'euros. L'ambition d’Exeliom est de transformer Fprau en un médicament candidat pour traiter des MICI et des infections récurrentes à Clostridioides difficile, et améliorer l'efficacité des traitements d'immunothérapie chez les patientes et patients atteints de cancer. « Nous avons obtenu des résultats prometteurs sur ces cibles thérapeutiques grâce à des modèles murins. Actuellement, nous sommes prêts à évaluer notre candidat médicament dans divers essais cliniques prévus pour 2024. Si tout se passe bien, un médicament pourrait être disponible sur le marché dans six à sept ans. »


Probiotiques et prébiotiques : nouvelles perspectives

Outre les inflammations intestinales, les recherches de l'équipe de Philippe Langella s'étendent à d'autres thématiques. Elle travaille ainsi sur les prébiotiques, ces fibres alimentaires essentielles pour nourrir le microbiote intestinal, avec des résultats prometteurs pour la santé. Mais aussi sur les 1 000 premiers jours de vie durant lesquels la transmission du microbiote de la mère à l'enfant joue un rôle essentiel. Elle a démontré les différences de microbiotes chez les nouveau-nés par voie basse et par césarienne, et travaille à la conception de laits maternisés enrichis en probiotiques pour soutenir le microbiote des enfants nés par césarienne.


Le Grand prix des lauriers : une consécration avant le départ à la retraite

Chaque année, l'INRAE honore un chercheur ou une chercheuse de l'un de ses quatorze départements via le Grand prix des lauriers INRAE récompensant l'excellence scientifique. En 2023, Philippe Langella en a été lauréat et a reçu son prix des mains de Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche lors d’une cérémonie en novembre de cette même année. À l'approche de la retraite, l’intéressé se prépare à quitter la direction de son laboratoire, qu'il prévoit de confier à son adjoint, Jean-Marc Chatel, dans un an. Toutefois, « animé par une passion indéfectible pour mon métier, je prévois de consacrer ensuite encore une année dans mon laboratoire à l'achèvement de mes projets en cours, avant de m’orienter vers une retraite que l'on pourrait qualifier de bien méritée ! ». Une transition douce pour conclure ses travaux et transmettre son héritage scientifique.


 

Philippe Langella