
Nodia Metabolics lutte contre le prédiabète
Jeune pousse lancée en 2024, Nodia Metabolics utilise un métabolite bactérien et une bactérie, présents dans le microbiote humain, pour concevoir des traitements contre le prédiabète, un trouble glycémique qui précède le diabète. Avec un effet sur la régulation de la glycémie dès la première prise, le métabolite bactérien intervient dans l’amélioration de ce trouble, en complément de l’adoption d’une meilleure hygiène de vie.
En 2011, démarre à l’Institut Micalis (Univ. Paris-Saclay/INRAE/AgroParisTech) un projet de recherche portant sur les liens entre le microbiote et la santé humaine, et impliquant les microbiologistes Christine Delorme et Séverine Layec, la physiologiste et nutritionniste Véronique Douard, et le microbiologiste et biochimiste Vincent Juillard. « Nos travaux ont permis de mettre en évidence des effets sur la régulation de la glycémie de l’hôte, de produits issus du microbiote intestinal. Une bactérie du microbiote intestinal sous forme inactivée et un métabolite bactérien, aussi présent dans les végétaux, ont un effet de régulation de la glycémie des souris, qui ont développé un prédiabète après un régime alimentaire », explique Christine Delorme. Le prédiabète est un trouble de la glycémie, signe avant-coureur d’un diabète.
Des soutiens de poids
En 2016, le projet reçoit le prix G.R.O.S. (Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids). Entre 2019 et 2020, les quatre chercheurs et chercheuses fondateurs du projet le font entrer en prématuration au sein de l’initiative d’excellence (IdEx) Université Paris-Saclay, alors en construction. « Les résultats obtenus ont permis de déposer en 2019 un brevet pour utiliser le métabolite bactérien dans la prévention et le traitement de l'intolérance au glucose », ajoute Christine Delorme. « En 2020, nous avons déposé un projet de prématuration auprès de deux appels à projets : Poc In Labs de l'Université Paris Saclay et POC’UP de la SATT Paris-Saclay. Vu la maturité du projet, la SATT Paris-Saclay nous a orientés vers un projet de maturation. Pendant quatre mois, nous avons coconstruit le projet NovaTreat dans le cadre du Tech Transfer Program de la SATT Paris-Saclay », développe la cofondatrice. Une équipe se forme pour en accompagner le montage avec les scientifiques, avec le soutien des juristes et ingénieurs projets marketing de la SATT Paris-Saclay, des ingénieurs en propriété industrielle de la SATT Paris-Saclay et d’INRAE Transfert, ainsi que des experts et expertes externes en réglementation et en développement de produits. « NovaTreat s'est appuyé sur les compétences et ressources de l'écosystème Paris-Saclay, plateformes et prestataires de service, pour développer son programme. La SATT Paris-Saclay a eu un rôle essentiel dans le développement de notre projet », confie la cofondatrice
Nodia Metabolics est officiellement créée en janvier 2024. Aujourd’hui, la start-up possède deux brevets, l’un sur le métabolite et le second sur les souches de bactéries. En juin 2025, elle intègre pour neuf mois la promotion 7 du programme Prevent2Care, un incubateur dédié aux solutions innovantes en prévention santé. « Prevent2Care nous aide à développer notre stratégie en lien avec les partenaires de leur réseau et leurs fondateurs et associés, comme Pfizer Innovation France, Fondation Ramsay Santé et Elior Santé. Nous voulons travailler avec ce dernier, spécialisé dans la restauration collective dans les collectivités locales et le médico-social, pour intégrer notre solution de médecine préventive à une mise en place des mesures hygiéno-diététiques adaptées dans le traitement du prédiabète. Ces mesures passent par l’amélioration du régime alimentaire et la préconisation d’activité sportive. Comme le montrent des études cliniques, ces protocoles sont souvent difficiles à suivre et ne fonctionnent pas toujours. Notre produit arriverait en soutien de ces mesures et Elior santé serait un allié de choix pour intégrer les questions de l’alimentation à notre solution préventive », explique Christine Delorme.
Les quatre cofondateurs de la start-up sont aujourd’hui en concours scientifique. C’est-à-dire que 10 à 20 % de leur temps de chercheur ou chercheuse est libéré pour se consacrer à la start-up. Pascal Leuraud, spécialiste en santé humaine et cofondateur de XenTech, qu’il a dirigé pendant 20 ans, a récemment rejoint Nodia Metabolics comme CEO. Son activité se concentre sur la levée de fonds qui est une étape essentielle au développement de la start-up Nodia Metabolics, au tout début de son histoire.
Utiliser des substances produites chez l’être humain
Fort de ces résultats, Nodia Metabolics développe son premier produit qui est un composé issu du microbiote humain pour aider les prédiabétiques à réguler leur glycémie et ainsi éviter un diabète de type 2. « Nous avons identifié un métabolite de souches de bactéries commensales (microorganismes habitant l’organisme) isolées de l’humain. Ce dérivé d’acide aminé est capable de stimuler la sécrétion d’insuline qui est l’hormone clé de la régulation de la glycémie. Ce métabolite peut être synthétisé chimiquement », ajoute la cofondatrice.
Si le produit est classé en tant que complément alimentaire, il est pourtant développé aussi rigoureusement qu’un médicament. Après une phase préclinique démontrée chez l’animal, sa non-toxicité sera évaluée in vivo. La molécule passera ensuite en phase clinique chez l’être humain afin de vérifier son efficacité. « Nous avons prouvé un effet direct de notre substance sur la glycémie dans une étude préclinique. Les produits déjà commercialisés ont un impact sur le contrôle de la glycémie lié à la perte de poids, ce qui n’est pas notre cas. Notre molécule, dès la première prise, agit au niveau du pancréas en 15 minutes, en augmentant la sécrétion de l’insuline ce qui permet de diminuer la glycémie. Les effets seront mesurables très rapidement chez le patient ou la patiente », précise Christine Delorme.
Intégrer le parcours patient
Dès le début du projet, Nodia Metabolics voulait entrer dans le parcours patient, c’est-à-dire pouvoir être prescrit par le médecin. « Mais ce n’est pas si évident. Il existe de nombreuses contraintes avant d’arriver sur le marché. Notre produit n’est pas un métabolite humain, car il est synthétisé par des microorganismes et des plantes. Il est présent dans la circulation sanguine, apporté par l’alimentation et notre microbiote, mais en faible quantité », développe la cofondatrice. La start-up doit monter un dossier européen (validation par l’EFSA) et états-unien (validation par la FDA) pour avoir une autorisation de mise sur le marché, sous la qualification de Novel food. Pour cela, elle doit faire appel à un cabinet de réglementation.
Une fois cette certification obtenue, les tests cliniques commenceront afin de montrer l’efficacité de la molécule. « Nous espérons une mise sur le marché en 2027 ou 2028, après avoir réalisé toutes ces étapes. En étudiant de plus près la question, nous pensons que nous proposerons notre produit en vente sur notre site Internet avant d’intégrer le parcours patient », ajoute Christine Delorme.
Convaincre les investisseurs
Après avoir tenté une levée de fonds en 2024, Nodia Metabolics revoit sa stratégie marketing pour convaincre les investisseurs. « Cela fait un an que nous y réfléchissons. Deux facteurs peuvent expliquer la froideur des investisseurs : le fait que nous ayons un développement comme un complément alimentaire puisque nous traitons un facteur de risque et non une maladie. Notre substance est amalgamée avec des médicaments à la popularité grandissante comme Ozempic, Wegovy et Mounjaro », regrette la cofondatrice.
Ces médicaments, au départ destinés à traiter le diabète de type 2, sont aujourd’hui aussi utilisés pour lutter contre l’obésité, voire le surpoids. Les compléments alimentaires souffrent d’une image dégradée. Et face à la croissance exponentielle du marché, Nodia Metabolics doit trouver la formule pour se démarquer et repérer sa patientèle. La molécule proposée par la start-up doit se faire une place en tant que traitement non médicamenteux de la glycémie, sur un marché où règnent les médicaments. Mais contrairement à ces derniers, le traitement proposé par Nodia Metabolics se situe en amont, dans le domaine de la prévention.
« La levée de fonds reste le nerf de la guerre et notre prochaine étape. Nous avons besoin de récupérer des financements, pour réaliser les tests cliniques et demander les autorisations réglementaires pour la mise sur le marché. Pour l’ensemble de nos travaux et du recrutement du personnel, nous avons besoin de 2,5 millions d’euros », conclut Christine Delorme.