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MITA-OPALIS : un endomicroscope révolutionnaire pour aider à opérer les tumeurs

Innovation Article publié le 26 mai 2023 , mis à jour le 30 mai 2023

L’objectif du projet MITA-OPALIS,  issu du Laboratoire de physique des deux infinis – Irène Joliot-Curie (IJCLab – Univ. Paris-Saclay, CNRS, Univ. Paris Cité), est de mettre au point un endomicroscope de fluorescence biphotonique pour l’analyse peropératoire des tissus tumoraux. Il s’agit d’un outil de détection in situ des tissus tumoraux par imagerie, doté d’intelligence artificielle. Capable d’aider en temps réel les chirurgiennes et les chirurgiens et les anatomopathologistes pendant les opérations, il est susceptible de transformer la prise en charge des patientes et patients atteints de pathologies tumorales, en particulier de tumeurs cérébrales. Le projet est actuellement accompagné dans sa phase de valorisation par la SATT Paris-Saclay.

Une fois le diagnostic de tumeur cérébrale confirmé par l’anatomopathologiste et après prélèvement d’une partie de celle-ci effectuée par biopsie, la décision tombe souvent abruptement pour le patient ou la patiente : il faut opérer. Le problème qui se pose alors à la chirurgienne ou au chirurgien est de savoir jusqu’où enlever la tumeur, sachant que la plupart des tumeurs cérébrales sont de nature « infiltrante », c’est-à-dire qui s'étendent hors de leur site de développement primitif en s'infiltrant dans les tissus qui l'entourent. « À ce jour, l’équipe de chirurgie ne dispose d’aucun moyen pour l’aider à délimiter les bordures de la tumeur à opérer, hormis son savoir-faire, déplore Darine Abi Haidar, physicienne à l’IJCLab et spécialisée dans l’optique instrumentaliste appliquée au secteur médical. Il revient à l’anatomopathologiste de décider, après plus de sept heures d’analyse de prélèvements si l’opération doit se reproduire ou non. » Arrivée en 2010 au sein de l’équipe Imagerie multimodale et imagerie tissulaire, la chercheuse y apporte son expertise¬ et sa profonde détermination à orienter les recherches sur l’amélioration des gestes chirurgicaux pendant les opérations de tumeurs sur le cerveau humain.

 

La difficulté inhérente au cerveau

Mais quel outil performant mettre à disposition des médecins pour éviter les récidives de tumeurs, trop nombreuses, après une opération ? Dans le cerveau, l’hétérogénéité de la localisation des tumeurs et la nécessité d’utiliser des micro-instruments chirurgicaux exigent une maîtrise professionnelle du geste, et la recherche préclinique s’y avère quasi impossible. C’est pour cela que Darine Abi Haidar se tourne directement vers les hôpitaux : le Groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie & neurosciences (GHU-Hôpital Sainte-Anne) puis l’hôpital Lariboisière, à Paris.

En collaboration avec le professeur Bertrand Devaux, neurochirurgien à l’hôpital Lariboisière, elle monte le projet OPALIS (Operating Autofluorescent Light in Surgery). Tout s’enchaîne à partir de l’année 2012 et le projet multiplie les sources de financement (Plan Cancer 2012, 2014, 2016, IN2P3, CNRS, Idex Université Paris-Saclay), pour un montant total de près d’un million d’euros sur une dizaine d’années. L’équipe s’étoffe avec l’arrivée de Cécile Rimbault, chargée de recherche CNRS, pour le support des services techniques et informatique de l’IJClab. L’équipe collabore avec le synchrotron SOLEIL et la professeure Pascale Varlet, anatomopathologiste à l’hôpital Saint-Anne. « Le succès de ces recherches tient à l’implication des chirurgiennes et chirurgiens qui ont accepté de donner des échantillons », explique Darine Abi Haidar. Dès 2014, elle obtient toutes les autorisations pour mettre en place les premières analyses. 

Les recherches poursuivent trois objectifs : aider pendant l’opération le chirurgien ou la chirurgienne à identifier les berges de la tumeur, construire une banque de données tissulaires et les modéliser pour en faire, à terme, un outil « intelligent » fournissant une information d’aide au diagnostic histopathologique précise et instantanée pour le guidage chirurgical.

 

Un diagnostic en live et une banque de données tissulaires

« Plusieurs modalités d’imagerie sont nécessaires à l’analyse des tumeurs prélevées, décrit Darine Abi Haidar. Pour le domaine du visible, nous avons mis en place une plateforme technique dans une salle du bloc opératoire de l’hôpital Sainte-Anne, afin de réaliser des expériences au plus proche du tissu vivant en nous appuyant sur des protocoles rigoureux pour prélever des échantillons. Pour le proche infrarouge, nous avons acquis un microscope capable de réaliser de l’imagerie multiphotonique sur la Plateforme d’imagerie multiphotonique du petit animal (PIMPA). Pour le rayonnement ultraviolet, nous collaborons avec la ligne DISCO du synchrotron SOLEIL. »

L’équipe développe ainsi un outil qui utilise la fluorescence endogène des molécules présentes dans le cerveau du patient ou de la patiente, évitant de lui administrer un médicament. C’est là que l’expertise de la physicienne-opticienne intervient. « Une fois collectée, la lumière est envoyée vers différents détecteurs. Nous obtenons d’abord une image spatiale, proche de celle que l’anatomopathologiste a l’habitude d’expertiser. Mais nous obtenons en plus des informations quantitatives, qui renforcent la fiabilité du diagnostic et le rendent "reproductible". »

Étant donné que les anatomopathologistes ont pour habitude de compiler les diagnostics et les marquages des différents types de tumeurs, l’équipe s’engage également dans un colossal travail de collecte de données sur les échantillons prélevés. Ces données constitueront un outil d’analyse morphologique sophistiqué basé sur l’intelligence artificielle (IA).


 
La valorisation d’un endomicroscope intelligent

L’étude clinique pilote démarrée en 2020 au GHU psychiatrie & neurosciences marque le début d’une nouvelle étape. L’idée est de transformer la banque de données en intelligence artificielle et l’intégrer à terme à un petit endoscope au plus près de la table d’opération. « Nous avons développé un outil transportable sur un charriot appelé Optipen, qui procède à l’analyse spectrale et temporelle via une sonde réalisée sur mesure avec l’aide des neurochirurgiens. L’analyse des données se fait directement dans une pièce annexe de la salle d’opération. » L’étude clinique, qui s’est terminée en 2022, ouvre ensuite à la valorisation de l’invention de l’endomicroscope intelligent.

Le projet OPALIS fait actuellement l’objet de plusieurs voies de valorisation qui convergeront à terme. En attendant qu’un projet de maturation et de transfert de technologie soit examiné en commission en novembre 2023, la SATT Paris-Saclay finance le développement de l’outil d’analyse tissulaire issu de l’étude clinique (la partie « MITA » du projet) et la poursuite des recherches d’un jeune docteur, formé au sein du laboratoire dans le cadre d’un Poc’Up Transfer Program. « Quelle que soit la forme de valorisation retenue, mon seul objectif est d’aider les médecins à mieux soigner leurs patientes et patients, éviter de multiplier les opérations et prévenir les récidives en posant dès le départ un diagnostic le plus fiable et reproductible possible. Je vois l’utilité de cette invention pour la médecine depuis le premier jour de mes recherches », conclut Darine Abi Haidar.

 

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