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Marie Cornu : protéger le patrimoine culturel

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 11 juin 2019 , mis à jour le 24 septembre 2020

Marie Cornu est directrice de recherche à l’Institut des sciences sociales du politique (ISP) et est rattachée à l’ENS Paris-Saclay. Après une première vie professionnelle dans le secteur culturel, la reprise d’études l’a menée à une seconde carrière de chercheuse en droit du patrimoine et de la culture, un domaine dont elle est aujourd’hui une spécialiste reconnue. Elle vient de recevoir la médaille d’argent 2019 du CNRS.

Marie Cornu rejoint l’Institut des sciences sociales du politique (ISP - CNRS/ENS Paris-Saclay/Université Paris Nanterre) en 2015 après avoir dirigé pendant dix ans le Centre d'études et de coopération juridique interdisciplinaire (CECOJI). Ses recherches s’appliquent à tous les aspects du droit de la culture et du patrimoine (culturel et scientifique, matériel et immatériel, naturel), un domaine émergent dans les années quatre-vingt-dix et que la chercheuse a largement contribué à structurer. La médaille d’argent 2019 du CNRS qui vient de lui être décernée est, pour elle, la preuve que ce domaine « a toute sa place au CNRS ».

Du centre culturel au centre de recherches

C’est une seconde carrière qui s’ouvre à Marie Cornu lorsqu’elle reprend des études de droit au début des années quatre-vingts, après un premier métier dans la culture. « J’avais envie d’étudier la façon dont le droit prend en charge la cause culturelle », souligne la chercheuse. Elle soutient sa thèse en 1994 puis est recrutée au CNRS et entre au CECOJI. Avec Jérôme Fromageau professeur à la faculté de Sceaux, elle crée le groupe de recherches sur le droit du patrimoine culturel et naturel, et accompagne la création d’un master « droit du patrimoine » où elle enseigne pendant vingt ans. « Nous avons développé des recherches en droit, un domaine peu exploré, et montré qu’elles pouvaient aussi être mise en relation avec les besoins des politiques publiques. Nous travaillons d’ailleurs beaucoup avec le ministère de la Culture, qui soutient fortement tous nos projets. »

Mémoloi, la mémoire des lois

La chercheuse a initié et développé Mémoloi, qui explore plusieurs des grands textes fondateurs des lois patrimoniales et culturelles sous une double approche juridique et historique. « Le retour vers les textes originels, fondateurs de l’histoire du droit du patrimoine, renseigne utilement sur le présent du droit. » Un premier ouvrage est consacré à l’année 1913 et la naissance d’une loi importante sur les monuments historiques. Un deuxième ouvrage étudie son évolution jusqu’à l’adoption du code du patrimoine en … 2004 ! D’autres publications sont en cours : loi sur l’archéologie (1941), sur les archives (1979) ou sur les musées (2002).

A qui appartiennent les marais de Guérande ?

Coordonné par Marie Cornu, le Dictionnaire des biens communs (Puf, 2017) explore la pluralité de sens « des communs ». « Le patrimoine ne se réduit pas au rapport exclusif d’un propriétaire à son bien. Par son caractère collectif, le bien patrimonial est un bien commun. Cette notion plurielle est un construit social et renvoie notamment à des modes d’organisation et de gestion de ressources d’intérêt collectif. » C’est notamment le cas des marais salants de Guérande, où les paludiers gèrent leurs parcelles collectivement car leur fonctionnement dépend d’un système d’irrigation global.

Parlez-vous le droit ?

Dans le cadre d’un groupe de recherches international, la chercheuse a également coordonné le Dictionnaire comparé du droit du patrimoine culturel, qui compare les notions et la terminologie du patrimoine culturel (archives, musées, archéologie, monuments historiques) dans six pays, pour sa première édition. La seconde rassemblera une douzaine de pays. « Nous avons défini et approfondi 50 termes importants dans la structuration du droit du patrimoine en Europe. »

Marie Cornu s’intéresse aussi aux rapports entre la langue et le droit. « Ces deux territoires entretiennent des rapports d’étroite intimité. Le droit est pleinement une activité langagière. Je travaille notamment sur les enjeux sémantiques dans le processus de désignation du droit et sur les rapports entre la façon de nommer et les questions de normativité. »

Creuser la veine de l’interdisciplinarité

« Au sein de l’ISP, l’approche du juriste s’enrichit nécessairement au contact des sciences politiques, de la sociologie du droit et de l’histoire », commente la chercheuse.  Une veine d’interdisciplinarité, source de nouvelles thématiques telles que l’authenticité ou la matérialité, que creuse Marie Cornu au sein de Paris-Saclay, en lien notamment avec plusieurs laboratoires membres du LabEx Patrima.