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Lucia Clarotto : prédire des phénomènes environnementaux grâce à la géostatistique

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 21 février 2024 , mis à jour le 28 février 2024

Lucia Clarotto est enseignante-chercheuse au laboratoire Mathématiques et Informatique Appliquées (MIA – Univ. Paris-Saclay, AgroParisTech, INRAE). Grâce à son expertise en géostatistique, elle analyse et modélise des données spatio-temporelles complexes, contribuant à une meilleure compréhension et prédiction des phénomènes environnementaux.

Lucia Clarotto, originaire d’Italie, développe une passion pour les mathématiques grâce à l'influence d’enseignantes passionnées. Cet intérêt, mêlé à son envie d'appliquer les mathématiques à des problématiques concrètes, la guide vers des études supérieures dans ce domaine. Elle décroche une licence en ingénierie mathématique au Politecnico di Milano en 2016 et poursuit avec un double diplôme à l'École centrale de Lyon, achevé en 2018. Son parcours l'amène ensuite au département recherche et développement de Michelin en Caroline du Sud pour un stage axé sur la prévention des accidents de voiture. En 2020, Lucia Clarotto obtient un master en ingénierie mathématique avec une spécialisation en statistiques appliquées, à nouveau à Milan, avant de réaliser un stage de recherche en statistique spatiale et compositionnelle dans l'unité de Biostatistique et processus SPatiaux (BioSP) à l’INRAE d'Avignon. En 2023, elle présente sa thèse en géostatistique et probabilités appliquées à l'École nationale supérieure des mines de Paris. Dès septembre de la même année, elle rejoint AgroParisTech en tant que maîtresse de conférences et mène, en parallèle, des recherches au laboratoire MIA Paris-Saclay.
 

La modélisation spatio-temporelle pour des prédictions environnementales

La thèse de Lucia Clarotto, intitulée Prédiction spatio-temporelle par équations aux dérivées partielles stochastiques, s’inspire de certains phénomènes comme le vent ou la concentration de particules fines. Elle intègre la difficulté de modéliser des données partiellement observées par l’utilisation de modèles probabilistes basés sur des structures de dépendance spatiale et temporelle. « J’ai développé des modèles et méthodes qui revisitent les hypothèses des approches traditionnelles en statistiques spatio-temporelles, comme la séparabilité et la stationnarité. » Sa méthode repose sur les équations aux dérivées partielles stochastiques (EDPS), en particulier d'advection-diffusion - un concept qui décrit le transport et la dispersion d'une substance ou d'une propriété au sein d'un fluide - intégrant une dimension physique pour améliorer la précision des prédictions. Appliqué à l'analyse de larges ensembles de données spatio-temporelles environnementales - combinant statistique, physique et analyse numérique - ce modèle s'avère plus efficace en termes de prédiction que les modèles standards. « Il a le potentiel de faciliter l'analyse et la prévision de l'évolution de l'environnement et des variables climatiques, éléments clés de la transition écologique. » Lucia Clarotto exploite cette méthode notamment pour prédire le rayonnement solaire à court terme, en collaboration avec le centre Observation, impacts, énergie (OIE) de l'École nationale supérieure des mines de Paris. « Une prédiction fiable et rapide de ce type de variable est intéressante pour les chercheurs et chercheuses en environnement, mais aussi pour la bonne gestion du réseau électrique. »
 

Géostatistique et apprentissage profond

Ayant récemment rejoint le laboratoire MIA Paris-Saclay après sa thèse, Lucia Clarotto s’y intéresse à l'application de l'apprentissage profond pour l’analyse des données complexes. Elle y développe des modèles innovants en mettant l'accent sur l'amélioration de l'analyse et de la prédiction des phénomènes spatio-temporels. « Mes travaux impliquent une étroite interaction entre de multiples variables interdépendantes, typique des données environnementales. » Elle participe également activement à un groupe de travail dédié aux avancées dans ce domaine. Enfin, elle tire parti de ses travaux sur les approches EDPS et des récentes innovations en statistiques et apprentissage profond, tels que les Deep Gaussian Markov Random Field pour les modèles spatiaux probabilistes et les neural ordinary differential equations pour la modélisation dynamique continue, afin de les adapter aux données spatio-temporelles. Elle s'attache à explorer les applications pratiques de ses recherches méthodologiques, en vue de les intégrer aux sciences de la vie.


Réussites et collaborations internationales

Avec une équipe de quatre chercheurs de l'École nationale supérieure des mines de Paris et de l’INRAE Avignon, Lucia Clarotto remporte, en 2021 et 2022, le concours Spatial Statistics Competition for Large Datasets. Succès qui lui vaut un séjour de recherche de cinq semaines à l'université KAUST en Arabie Saoudite. « Cette expérience m'a ouvert les yeux sur la valeur de la diversité des parcours, genres et nationalités dans la recherche, et m'encourage aujourd'hui à promouvoir activement une collaboration scientifique internationale. » De plus, Lucia Clarotto valorise activement ses travaux, aussi bien au sein de la communauté scientifique que vers un public élargi. Excellant en communication, elle reçoit des échos positifs lors de conférences et séminaires internationaux, ainsi que dans des événements liés au secteur entrepreneurial. Elle prévoit par exemple de faire une présentation sur les statistiques spatio-temporelles et l'approche EDPS lors de l'atelier statistique de la Société française de statistique en novembre 2024.
Enseignement et encouragement des jeunes femmes en sciences

Lucia Clarotto enseigne les statistiques à AgroParisTech, à l'Université Paris-Saclay, à Ecotrop (un programme d'AgroParisTech et de l'Université de Guyane, dédié à la biodiversité, l'écologie et l'évolution), ainsi qu’à l'École des mines de Paris. « J’aspire à sensibiliser les étudiantes et étudiants à l'utilité de la modélisation statistique, même pour celles et ceux qui ne sont pas principalement axés sur les mathématiques. » Consciente de la baisse d'intérêt des jeunes femmes pour les mathématiques, surtout dans le contexte de leur association croissante aux sciences numériques, elle voit l'enseignement dans une école d'ingénieurs à majorité féminine comme une opportunité de changer leur perception. « Je suis convaincue que des exemples de réussite féminine en sciences peuvent encourager les jeunes femmes à s'investir dans ces disciplines. » Elle s'engage ainsi à contribuer à un changement de perspective dans des domaines traditionnellement masculins, où les mérites scientifiques de chacun et chacune peuvent être reconnus indépendamment du genre.


Collaborations futures

Pour la suite, Lucia Clarotto projette de collaborer avec la chaire Geolearning de l'École des mines de Paris et de l’INRAE. Cette chaire vise à développer des outils modernes et efficaces pour l'analyse de données en faveur de la transition écologique. « Mon engagement dans ce projet découle directement de ma thèse, que j’ai réalisée en préparation à la mise en place de cette chaire. J'ai déjà pris une part active dans divers événements associés à cette initiative. » De plus, au sein du réseau Risques extrêmes et statistique spatio-temporelle (RESSTE), dédié à l'échange scientifique sur les modèles, méthodes et algorithmes pour les données spatio-temporelles, l’enseignante-chercheuse ambitionne de contribuer à l'élaboration de nouvelles recherches et à l'établissement de collaborations innovantes.
 

Lucia Clarotto (c)Christophe Peus