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Les stars françaises de la Silicon Valley, une diplômée Paris-Sud dans le classement Challenges

Alumni Article publié le 08 novembre 2019 , mis à jour le 09 février 2021

Elsa Jungman est diplômée de la Faculté de Pharmacie avec un doctorat en chimie analytique dédié à l’absorption cutanée. Sa thèse terminée, elle est recrutée chez L’Oréal, elle a aujourd’hui créer sa start-up biotech cosmétique « ELSI Beauty ». La Revue Challenges la classe parmi les stars françaises de la Silicon Valley.

 

Entrepreneuse – ELSA JUNGMAN – Fondatrice d’ELSI

Crédit : Page 58 du Magazine Challenges N°616

Elle avait envie de travailler dans une petite structure pour « créer plus d’impact ». Son arrivée en Californie en 2015, avec son époux travaillant chez Tesla, lui a permis de prendre ce virage radical. Docteure en chimie, spécialiste de l’investigation cutanée, Elsa Jungman a passé ses premières années professionnelles chez L’Oréal. Quoi de mieux pour se lancer dans l’univers fantastique du cosmétique ? Mais la jeune chercheuse ne se sent pas à l’aise dans le confort. Elle a aussi peur d’être formatée par un grand groupe.

A ses débuts dans la Silicon Valley, elle trouve sa place dans une start-up américaine spécialisée en biotech et prend enfin la responsabilité d’une technologie, d’une formule et d’un produit final. Mais un autre vent la porte. Au paradis des start-up, elle se voit bien se lancer dans l’aventure. Autour d’elle, une multitude d’entreprises se créent sur le segment en plein essor du traitement des maladies cutanées. Le mouvement « Clean beauty » préconisant des solutions douces pour soigner la peau explose chez les consommatrices américaines. « Les grands groupes de cosmétiques ne sont pas au contact avec le public et c’est une grande opportunité de faire les meilleurs produits » explique-t-elle.

Premier jalon : la création d’une « communauté skincare » sur les réseaux sociaux. Deuxième étape, en forme de rupture : un break, en mai 2017, qui la transporte en Corée du Sud. Elle y découvre l’approche très innovante de la K-Beauty et une conception minimaliste de la cosmétique : l’utilisation d’un nombre réduit d’ingrédients dans les produits. Devant elle, une voie s’est tracée, qu’elle parcourra avec méthode et prudence. Sur Instragram, elle lance le projet My Elsi Beauty et s’installe dans l’accélérateur Beautytech à San Mateo, au sud de San Francisco. Elle y apprend à pitcher et à prendre confiance en elle. Des amies lui donnent un coup de main sur le test A/B et la construction de la marque. Ce sera Elsi – proche du mot anglais healthy (« sain » en français). C’est la construction de son prénom et de celui de sa grand-mère, Simone qui avait arrêter d’étudier à l’âge de 12 ans, pour se cacher pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Pour lancer son premier produit, une crème hydratante composée de trois ingrédients, elle use du système D. Sur la plateforme de travailleurs free-lance Upwork, elle trouve un chimiste qui lui de Chicago qui lui fabrique son produit. Le marketing est viral et se fait sur les réseaux sociaux, dopé par une spécialiste du domaine, Theodora Vanhaecke, une française qui rejoint l’aventure comme associée. La vente se fait entièrement en ligne depuis le site Elsibeauty.com ; et les investisseurs commencent à y croire. « C’était dur au début » raconte-t-elle. « Je faisais trop « L’Oréalienne » alors qu’il fallait apparaitre comme une pirate ». Gageons que sa prochaine levée de fonds ne devrait pas lui poser trop de problème.


Crédit : double page d'ouverture du dossier du Magazine Challenges N°616

LES STARS FRANÇAISES DE LA SILICON VALLEY

Qu’ils soient vétérans ou fraichement débarqués, ce sont des dizaines de milliers de français qui ont choisi de s’installer dans cette région fantasmée, berceau de réussites entrepreneuriales. Portraits.

En ce début de soirée, le quartier des affaires à l’est de San Francisco s’est vidé de ses habitants diurnes, les cohortes de salariées de Google, Facebook ou Salesforce qui peuplent habituellement ses tours. Les petits groupes qui se pressent encore dans les rues désertes se rendent pour la plupart à la French Tech Pré-summer Party. L’évènement – complet – est sponsorisé par BpiFrance, Pernod Ricard et Partech. On y déguste des petits fours en buvant un verre de vin. Surtout on y fait du networking (réseautage en anglais). Les jeunes étudiants des universités et écoles du Vieux Continent tentent de glisser un mot aux entrepreneurs à succès. Les start-uppers eux, essayent d’attirer l’attention des investisseurs pressés… Quand à Reza Malekzadeh, président de l’association French Alumni, il joue les maitres de cérémonie, passant d’un groupe à l’autre, un verre à la main, en toute décontraction. « Je veux rendre à la France ce qu’elle m’a donné » glisse ce français d’origine iranienne, vétéran de la Silicon Valley.

« Nous sommes devenus la plus actives des communautés étrangères dans la Silicon Valley » Nicolas El Baze, general partner du fonds Partech.

Communauté active et fière

Le discours est nouveau dans la région. La communauté française de San Francisco s’est longtemps montrée très sévère et critique envers la mère patrie, accusée d’incarner tout l’inverse du rêve californien, épicentre de l’innovation mondiale. « Il y a 30 ans, dans la région, tu évitais de dire que tu étais Français », décrypte Nicolas El Baze, general partner du fonds Partech installé à San Francisco depuis 35 ans. « Aujourd’hui, on affiche clairement le drapeau tricolore et nous sommes devenus la plus actives des communautés étrangères ». Il se passe désormais rarement une semaine sans que soit organisée une soirée de Frenchies à San Francisco ou ailleurs dans la baie.

Pour expliquer ce mouvement, beaucoup évoquent le phénomène Macron, le meilleur ami des entrepreneurs. Mais c’est oublier le travail de fond mené depuis plusieurs années, sur le terrain, pour changer les mentalités dans l’écosystème et faire évoluer l’image de la France et des français dans la vallée. Parmi ceux-ci, Romain Serman, arrivé à San Francisco en 2010 comme Consul général de France et qui pilote aujourd’hui les activités de Bpifrance dans la région. L’une de ses premières rencontres a été avec le représentant du TiE (The indUs Entrepreneurs), une association montée en 1992 dans la Silicon Valley pour y aider les jeunes entrepreneurs indiens, par des conseils et du financement en s’appuyant sur la puissante communauté présente dans la baie, forte d’environ 600 000 personnes. « Quand un jeune indien de 30 ans arrive pour la première fois à l’aéroport international de San Francisco, ils sont là pour l’accueillir » souffle admiratif, l’ancien diplomate, qui s’efforce depuis 9 ans d’insuffler cette culture d’entraide parmi les français de la baie de San Francisco. Environ 24 000 d’entre eux sont enregistrés au consulat de France. Mais cette inscription n’est pas obligatoire et, d’après les calculs du consul général, Emmanuel Lebrun-Damiens, ils seraient en réalité trois fois plus nombreux composant une communauté hétérogène, résultant de trois vagues de migrations successives.

Vague d’entrepreneurs

De plus en plus d’entrepreneurs français décident de créer leur start-up dans la vallée. Certains, comme Elsa Jungman, créatrice de la BeautyTech Elsi, tentent de se détacher de l’écosystème français pour être « vraiment locale ». « Mais la communauté de Français qui a réussi dans la région est très généreuse et ce sont eux, au final, qui m’ont fait les premiers chèques et donné les meilleurs conseils » raconte-t-elle. Certaines structures comme The Refiners, montée par Géraldine Le Meur, Carlos Diaz et Pierre Gaubil, ont financé et aidé des dizaines d’entrepreneurs français dans leurs premiers pas de start-uppers dans cet univers bouillonnant. Impossible de survivre sans les réseaux qui sont nombreux et très variés dans la région. La French Tech ou le club French Founders font leur œuvre, mais elle est loin d’être suffisante.

D’autres structures sont actives et utiles comme les organisations d’alumni. L’association Wine & Tech organise régulièrement des dîners pour mélanger le meilleur des deux mondes : Silicon & Napa Valleys. Le cercle des CEO du coin se rassemble également autour d’invités et de thématiques spécifiques. « Il faut diversifier ses réseaux » conseille Antoine Villata, actuel président de la chambre de commerce franco-américaine et patron des activités nord-américaines de la société de logiciels française Planisware. Mais le réseau français est un de ceux qui fonctionnent le mieux dans cet univers extrêmement compétitif, dit-on par ici pour ne pas dire brutal. Depuis quelques années, selon lui, « beaucoup de français ont choisi de rentrer au pays car il y a tellement de talents qu’il est difficile de sortir du lot ».