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La start-up It’s Brain outille les cliniciens de la cognition et les neuroscientifiques

Innovation Article publié le 08 décembre 2021 , mis à jour le 08 décembre 2021

Développé en collaboration avec l'Institut des neurosciences Paris-Saclay (Neuro-PSI - Univ. Paris-Saclay, CNRS), le test numérique MindPulse, proposé par la start-up It’s Brain, est un outil d’aide au diagnostic cognitif attentionnel très prometteur. 

L’histoire de MindPulse et de la start-up It’s Brain commence lorsque Sandra Suarez, actuelle présidente et directrice scientifique de la start-up, décide en 2008 de concevoir un nouvel outil d’aide au diagnostic de troubles attentionnels et exécutifs. Installée en tant que psychologue-neuropsychologue après un parcours en recherche fondamentale dans le domaine des neurosciences, elle se rend compte d’une lacune : « J’ai réalisé qu’il y avait un hiatus très important entre les avancées récentes de la recherche en neurosciences et les tests utilisés par les cliniciens, alors je me suis dit qu’il était temps de développer un outil à la hauteur de ces progrès. » Puisque les fonctions cognitives que l’outil vise à mesurer sont liées au fonctionnement cérébral, elles sont similaires chez les mammifères et les êtres humains, toutes langues confondues. Cela affine l’idée de la neuropsychologue : « J’avais envie que cet outil soit utilisé partout sur la planète, sans barrière de culture. »

 

De l’idée au projet en collaboration avec l’institut Neuro-PSI

Pour concrétiser son idée, Sandra Suarez trouve le bon concept en 2010. Il s’agit de créer un test qui génère suffisamment de données pour y appliquer des algorithmes, afin d’analyser des fonctions attentionnelles et exécutives de manière très avancée. Les résultats servent à identifier et à mesurer les pertes d’attention ou de vigilance des patients, et à détecter leur origine. Sandra Suarez soumet cette réflexion à son amie Sylvie Granon, professeur de neurobiologie à l'Institut des neurosciences Paris-Saclay (Neuro-PSI - Univ. Paris-Saclay, CNRS). Enthousiasmée, celle-ci intègre le projet dès 2011. Grâce à son expertise et son expérience sur les temps de réaction et la prise de décision chez l’animal, elle ajoute, entre autres, un nouveau volet à l’idée pour éviter les faux positifs. Il s’agit de demander au patient de maintenir la main sur la souris et de la relâcher pour répondre aux stimuli, et non de cliquer. « Cette approche demandant un engagement à l’action, elle prévient les pertes d’attention dans la tâche », résume Sylvie Granon.

 

Le développement du premier prototype

Une fois le modèle de test élaboré, Bertrand Eynard, directeur de recherche en physique mathématique à l’Institut de physique théorique (IPHT – Univ. Paris-Saclay, CNRS, CEA) et à l'Institut des hautes études scientifiques (IHES), rejoint aussi le projet pour programmer le premier prototype, qui voit le jour en 2015. Il développe une analyse mathématique et intelligente des données issues de 150 patients afin de définir dans quelles mesures leurs réactions varient en fonction d’une programmation cognitive ou de facteurs émotionnels. Bertrand Eynard indique : « Mesurer ces types de variables est très compliqué, il nous fallait une approche à la pointe de l’innovation pour y parvenir ». Les résultats obtenus épatent les trois co-fondateurs : « Nous avons mis en évidence un nouvel indice de fonctionnement cérébral, à savoir la réaction à la difficulté, ce qui dépassait tout ce que nous avions imaginé », s’enthousiasme le chercheur. Si cet aspect cognitif reste encore à étudier, la science sait déjà qu’il participe au temps de réaction et qu’il est corrélé au niveau d’anxiété et de dépression des individus.

 

Un outil inédit d’aide au diagnostic : MindPulse

MindPulse est un logiciel, bientôt disponible directement en ligne, destiné aux cliniciens de la cognition (neuropsychologues, pédiatres, neurologues, gériatres, médecins de travail, orthophonistes, ergothérapeutes, psychomotriciens), pour examiner les réactions de leurs patients via un test ludique d’environ quinze minutes. Le compte-rendu des résultats présente quatorze indices du fonctionnement cérébral, sur la base des plus récents modèles attentionnels des fonctions exécutives développés par les neurosciences. « Tout est bien sûr anonymisé et crypté. Seul le clinicien a accès à l’identité du patient et les informations sont stockées dans un serveur labellisé "données de santé" », souligne Bertrand Eynard.

 

Du prototype au test clinique

Une fois le prototype approuvé par l’institut Neuro-PSI, il s’agit de développer et de financer une version stabilisée de la solution. Dans cette optique, en 2019, Sandra Suarez s’initie à l’entrepreneuriat au sein d’Incuballiance grâce à la formation Genesis Lab. Quelques mois plus tard, avec Bertrand Eynard, elle crée la start-up It’s Brain. En 2020, ils recrutent Guillaume Simon pour en assurer la direction générale. « Il a cette fibre de chef d’entreprise que je n’ai pas. Nous lui faisons totalement confiance pour mener la partie stratégique et commerciale du projet », commente Sandra Suarez. La start-up obtient cette même année une bourse French Tech, ce qui lui donne la possibilité de recruter un prestataire informatique pour transformer son prototype en un test utilisable en conditions cliniques. Mais aussi de lancer des normes à grande échelle, c’est-à-dire de collaborer avec 110 cliniciens en France pour tester la solution auprès de plus de 600 témoins de 13 à 65 ans. « Nous relançons actuellement un test pour collecter des données supplémentaires, notamment auprès de jeunes enfants et de personnes de plus de 65 ans », ajoute Bertrand Eynard, qui assure aujourd’hui la fonction de directeur technique et innovation de la start-up. À l’été 2021, l’approche est brevetée conjointement par CNRS Innovation, l’Université Paris-Saclay et It’s Brain, et cette dernière l’exploite pour le compte des trois partenaires. 

 

Un programme de recherche ambitieux 

Toujours en 2021, l’équipe obtient le prêt « coup de cœur » garanti de l’accélérateur Wilco et est lauréate du concours iLab, ce qui lui vaut une subvention. Ces financements couvrent une grande partie de son programme de recherche pour 2022 et 2023. Il porte sur le Covid long, ses séquelles neurologiques et sur la dépression résistante. La start-up prévoit par ailleurs de créer un MindPulse destiné au modèle murin (la souris), afin d’étudier des phénotypes de nombreuses pathologies comme les maladies dégénératives ou Alzheimer. « Je suis ravie de revenir sur le modèle animal du projet, car on peut aller beaucoup plus loin que chez l’être humain pour étudier les supports neuronaux et neurochimiques », commente Sylvie Granon. Mais la start-up n’oublie pas son ambition de départ, et lance aussi des normes comparatives au Sénégal. « Nous avons à cœur de prouver que l’outil est utilisable partout, y compris dans les zones parfois oubliées par la science comme l’Afrique, mais aussi l’Asie et l’Amérique latine où les normes psychométriques n’existent pas ou peu », indique Sandra Suarez. En 2022, It’s Brain prévoit également de réaliser une levée de fonds.

 

Faire connaître MindPulse, faire grandir It’s Brain et favoriser la recherche

La start-up se hisse également parmi les six finalistes du concours de pitch Galien de la e-santé organisé en octobre 2021. Par ailleurs, elle compte proposer en 2022 un accès facilité et gratuit du test ainsi que les droits de compte-rendu à la recherche publique française : « Nous fournissons aux chercheurs en neurosciences une solution high tech, et en retour, grâce au test MindPulse, ces derniers font avancer la recherche sur les possibilités de meilleure caractérisation des pathologies qu’ils étudient », résume Sandra Suarez. It’s Brain étant en pleine ascension, elle est en pleine phase de recrutement et recherche des compétences vives en informatique, psychologie ou neurosciences pour compléter son équipe. La chercheuse précise : « Notre ambiance de travail est très conviviale, nos futures recrues sont assurées de rejoindre une équipe très joyeuse ! »