Aller au contenu principal

La signature d'un ancien cataclysme martien enfin identifiée

Recherche Article publié le 24 novembre 2022 , mis à jour le 28 novembre 2022

Une équipe internationale impliquant des chercheurs du laboratoire Géosciences Paris-Saclay (CNRS / Univ. Paris-Saclay) vient d’apporter des éléments corroborant l’hypothèse d’un impact géant, au début de l’histoire de Mars, à l’origine du décalage d’altitude entre l’hémisphère Nord et l’hémisphère Sud de la planète rouge.

Les scientifiques s'interrogent depuis des décennies sur l’origine de la plus étonnante caractéristique de Mars : son hémisphère Nord, le bassin Borealis, est 5 à 10 kilomètres plus bas que son hémisphère Sud. Une des hypothèses avancées pour expliquer ce décalage était la suivante : au début de l'histoire de la planète, il y a 4,5 milliards d'années, un bolide de près de 2000 km de diamètre aurait heurté obliquement la surface de Mars, manquant de détruire la planète mais produisant un gigantesque bassin d'impact au Nord. Cette hypothèse, qui relevait jusqu’à récemment de la théorie, est dorénavant étayée par des observations publiées par une équipe internationale de scientifiques de l’Université Paris-Saclay, de l’Académie des Sciences de Pologne, de l’Université Grenoble Alpes, de l’Université de Nantes.

L’équipe a identifié des zones de cisaillement, attribuées à l’impact géant. Ce sont des structures complexes de déformation tectonique de la croûte martienne qui ne se développent qu’en profondeur, là où la température est suffisamment élevée pour commencer à rendre la roche malléable. À la faveur de la profonde faille de Valles Marineris, telle une fenêtre ouverte sur l’intérieur de Mars, ces zones de cisaillement sont aujourd’hui visibles en surface. Des arguments fondés sur l’analyse de compositions minéralogiques et l’observation d’anomalies magnétiques viennent également corroborer l’hypothèse avancée.

Ces nouveaux éléments apportent des informations sur l’évolution géologique de la planète rouge. Suite à cet impact géant, Mars aurait ainsi pu être un cocon propice à l'apparition de la vie. En effet, cet impact aurait induit la circulation de fluides hydrothermaux (eau, CO2), notamment dans les dorsales terrestres, berceau potentiel de la vie.

Par ailleurs, ces zones de cisaillement traversées par des fluides hydrothermaux constituent sur Terre des gisements exploités pour l’extraction de métaux rares : cuivre, étain, bismuth, molybdène, tungstène, argent, or, platine et autres. En l'état actuel des connaissances, de tels gisements ont peu de chances de se retrouver ailleurs à la surface de Mars. Il apparaît déraisonnable de ramener sur Terre les métaux extraits de ces gisements pour des raisons évidentes de coût et de pollution. En revanche, on pourrait éventuellement envisager, dans un avenir très lointain, les exploiter sur place dans la cadre de la stratégie ISRU (In Situ Resource Utilization) pour l’exploration robotique et humaine. La future exploration spatiale de Valles Marineris promet d’être très instructive.

Contacts chercheurs :
Frédéric Schmidt, laboratoire Géosciences Paris-Saclay (GEOPS – Univ. Paris-Saclay, CNRS), frederic.schmidt@universite-paris-saclay.fr
Daniel Mège, Académie des Sciences de Pologne, dmege@cbk.waw.pl

Référence :
Joanna Gurgurewicz, Daniel Mège, Frédéric Schmidt, Sylvain Douté & Benoit Langlais, Megashears and hydrothermalism at the Martian crustal dichotomy in Valles Marineris, Communications Earth & Environment, 3, 282 (2022), https://www.nature.com/articles/s43247-022-00612-5

 

Illustration Zone de cisaillement cassant-ductile dans Ophir Chasma, dans le fossé de Valles Marineris sur Mars : un site à la marge du bassin de Borealis juste après l'accrétion de la planète. Crédit : Mars Reconnaissance Orbiter/HiRISE ESP_017754_1755
Simulation de l'impact oblique ayant formé le bassin de Borealis. Crédit : M. Marinova, O. Aharonson, E. Asphaug ; source : https://news.ucsc.edu/2008/06/2303.html