Aller au contenu principal

Karine Labadie : Le virus du séquençage

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 11 décembre 2020 , mis à jour le 18 décembre 2020

Karine Labadie est chercheuse au Laboratoire de séquençage au sein du Genoscope (Université Paris-Saclay, CEA). Elle développe des protocoles de séquençage à la pointe de l’innovation technologique pour répondre aux besoins des recherches génomiques sur tous les organismes vivants et dans divers projets.

Entrée au Genoscope il y a onze ans en tant que responsable de la production sur la plateforme de séquençage, Karine Labadie a depuis évolué progressivement, mettant au point des protocoles de séquençage de plus en plus complexes. « Au départ, avec ma collègue Julie Poulain, nous nous partagions le suivi de tous les projets, depuis l’extraction jusqu’à l’obtention des séquences, pour l’ensemble des technologies sur lesquelles nous travaillions à l’époque, avec en plus, la responsabilité de certains projets spécifiques au sein de consortiums. » La chercheuse s’est adaptée aux différentes technologies utilisées par les machines de séquençage au fur et à mesure de leur arrivée, ainsi qu’à la diversité des organismes étudiés à travers les projets. « L’objectif est d’extraire l’ADN d’échantillons complexes, comme ceux marins dans le cadre du projet TARA, pour les séquencer tout en préservant la diversité présente dans l’échantillon initial. » Pour cela, elle effectue une veille permanente. « Je fais beaucoup de bibliographie et je reste en alerte par rapport aux nouveautés susceptibles de nous aider dans nos projets. » 

Adaptabilité et flexibilité 

Ce sont les maîtres-mots qui guident l’activité quotidienne de Karine Labadie. « Développer, c’est « bidouiller », mais avec rigueur ! Je dois agir sur un ensemble très large d’étapes, de l’extraction des acides nucléiques jusqu’au séquençage, pour améliorer le séquençage au service des projets. » Dernièrement, la chercheuse a mis en place avec son équipe le High Chromosome Contact map (Hi-C), une technologie qui permet d’accéder à l’architecture tridimensionnelle des génomes afin d’améliorer les assemblages après séquençage avec les technologies Illumina ou Oxford Nanopore. Elle en est encore au stade de son évaluation sur un organisme simple donné. « Nous obtenons un instantané qui fige l’ADN, de manière à identifier les zones qui interagissent ensemble et l’impact biologique que cela peut avoir en fonction de certains phénotypes. »

Séquencer des virus géants revenus à la vie

L’équipe de Karine Labadie adapte constamment ses manipulations à une multitude d’organismes isolés ou mélangés (c’est alors de la métagénomique) : animaux, plantes, champignons, bactéries, et mêmes des virus, qui ont tous leurs particularités, y compris ceux qui sont inconnus. Un de ses projets a fait dernièrement le buzz. L’équipe de Jean-Michel Claverie (Université d’Aix-Marseille), connue pour traquer les virus géants, est allée échantillonner le pergélisol en Sibérie. « Les chercheurs en ont extrait des carottes de sol gelé et ont récupéré des virus géants de la taille de bactéries dans différentes fractions qui correspondent à des datations différentes (en milliers d’années). Puis ils les ont ravivés en les cultivant sur des amibes, des êtres unicellulaires très primaires. Nous avons séquencé deux de ces virus géants qui datent de 30 000 ans. C’est aussi passionnant qu’inquiétant, car avec le réchauffement climatique, le pergélisol pourrait libérer dans l’environnement des virus contre lesquels nous ne sommes plus protégés aujourd’hui. » 

Passionnée par les virus

« Dès la classe de sixième, j’ai su que je voulais être chercheuse et en biologie. » Originaire du Sud de la France, Karine Labadie y fait des études scientifiques, puis débarque à Paris, à l’Université Pierre et Marie Curie, en master. En 2004, elle soutient une thèse à l’Institut Pasteur sur le virus de la poliomyélite et enchaîne deux post-docs. Le premier à l’Institut Pasteur sur le virus de la grippe aviaire, dans l’équipe de Nadia Naffakh et Sylvie Van Der Werf, et le second sur le virus chikungunuya au département IDMIT (Infectious Diseases Models for Innovative Therapies – CEA), sous la direction de Pierre Roques et Roger Le Grand. Dès la fin de son second post-doc, en 2009, elle est recrutée au Genoscope. « Même si le profil de poste était plus ingénieur que chercheur, le fait de travailler sur une telle diversité d’organismes vivants (sauf l’Humain) et d’utiliser une palette de biotechnologies de pointe rendaient les missions très attractives. »

Pour Karine Labadie, le métier de chercheur est un métier de passion, de liberté et de partage. « Les projets progressent aussi grâce aux discussions autour de cafés. Un chercheur seul, je n’y crois absolument pas ! » Son arrivée au Genoscope demeure un moment fort de sa carrière. « Je redoutais un peu de diriger une équipe pour la première fois, mais j’ai découvert des gens extraordinaires. Ils sont mon petit rayon de soleil quotidien. » 

La chercheuse s’est rendue dernièrement à l’hommage rendu par l’Université Paris-Saclay aux chercheurs les plus cités, dont elle fait partie depuis deux ans. « Bien sûr, cela fait plaisir. Mais il ne faut pas oublier les personnes qui y ont contribué avec nous. Les résultats sont toujours le fruit d’un travail d’équipe. »