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Hugo Duminil-Copin à la rencontre des élèves du territoire, sur les lieux de son enfance

Science et société Article publié le 25 mai 2023 , mis à jour le 31 août 2023

Cet article est issu de L'Édition n°21.

Les 19 et 20 avril derniers, plus de 500 élèves des collèges et lycées du bassin de Massy (Essonne) ont eu l’occasion de rencontrer Hugo Duminil-Copin, professeur à l’Institut des hautes études scientifiques (IHES) et à l’université de Genève, et médaillé Fields 2022, lors de deux conférences spécialement organisées pour eux. Des interventions mélangeant histoire personnelle, aspects ludiques et créatifs des mathématiques, et bouleversement d’idées reçues. Pour le plus grand plaisir des jeunes participantes et participants. 

« Cela faisait un petit moment que je discutais avec mon père de l’organisation d’une conférence dans la région. La médaille Fields et la médiatisation autour de cette récompense ont sûrement accéléré les choses. Je tenais à ce qu’une de mes premières interventions se fasse là où j’ai grandi », confie Hugo Duminil-Copin, lauréat en 2022 de la plus haute distinction en mathématiques pour ses travaux sur la théorie de la percolation. « Hugo m’a toujours dit que cela lui plairait de faire un exposé devant les élèves du collège de la Guyonnerie, à Bures-sur-Yvette, l’établissement où il a lui-même été scolarisé. J’ai souhaité concrétiser cette envie après qu’il ait obtenu la médaille Fields », confirme François Duminil, père d’Hugo et principal-adjoint au collège Alain Fournier à Orsay.

Le 19 avril, 370 élèves des collèges du bassin de Massy (Essonne) et leur cinquantaine d’accompagnantes et d’accompagnants ont ainsi eu le plaisir de venir rencontrer le mathématicien lors d’une conférence spécialement donnée en leur honneur à l’amphithéâtre Michelin du bâtiment Bouygues de Centrale- Supélec, au coeur du campus de l’Université Paris-Saclay. Organisée par la Diagonale, en collaboration avec l’IHES et le rectorat de l’académie de Versailles, cette rencontre a été animée par le journaliste Fred Courant, de L’Esprit sorcier. Le lendemain, près de 160 lycéennes et lycéens du bassin massicois ont suivi une seconde intervention organisée pour eux au lycée de la vallée de Chevreuse, à Gif-sur-Yvette. 

Pensées initialement pour les deux collèges d’Orsay et de Bures-sur-Yvette, ces conférences ont finalement impliqué l’ensemble des établissements d’enseignement secondaire du bassin de Massy, soit 22 collèges et 12 lycées. « Nous avons laissé à chaque équipe de mathématiques des établissements la liberté de décider quelles classes cibler et quels élèves faire participer », commente François Duminil. 

 

Deux approches, une même finalité

D’une durée d’une heure et demi, chaque conférence s’est partagée entre un exposé d’Hugo, une présentation de son parcours, de son métier et de son sujet de recherche, et un temps de questions-réponses avec le public. L’approche employée pour chacune a toutefois été différente. L’intervention devant les lycéennes et lycéens a été plus scientifique, « moins dans l’entertainment », reconnaît Hugo. Elle s’est davantage concentrée sur son travail de recherche, qui porte sur les transitions de phase, les changements brusques de la matière en relation avec les mathématiques. « J’étudie plus particulièrement les transitions de phase dans les modèles de porosité et celles en lien avec le magnétisme. Par exemple, le fait que quand on chauffe un aimant, il perde son aimantation. » 

Face aux collégiennes et collégiens, le mathématicien est parti de la théorie des jeux pour amener les élèves à la théorie de la percolation, la notion de labyrinthe aléatoire. « J’ai utilisé pour cela le jeu de Hex, un jeu de société stratégique pour deux joueurs, qui est la manifestation cachée de la percolation. En amont de la conférence, j’ai fait circuler un petit fascicule auprès des élèves pour leur expliciter le jeu. » 

Au terme de l’échange, les jeunes conférencières et conférenciers sont dithyrambiques : « J’ai trouvé les démonstrations très intéressantes, il nous a expliqué les mathématiques en restant très accessible. Ça donne envie de faire des mathématiques ! », résume une collégienne. 

 

La médiation scientifique : l’autre facette d’une même passion 

Si vulgariser ses recherches n’est pas un exercice facile, celui-ci tient au coeur du médaillé Fields 2022. « C’est un exercice que j’affectionne, même si j’éprouve parfois le syndrome de l’imposteur car ce n’est pas mon métier. C’est un exercice compliqué, qui demande énormément de travail, notamment dans le domaine des mathématiques, car il faut trouver le bon équilibre entre parler suffisamment des mathématiques et ne pas perdre son auditoire, déclare l’intéressé. Venant d’une famille où l’éducation est importante – c’est le métier de mes parents mais aussi de ma femme –, la transmission des savoirs est fondamentale pour moi, à tous les niveaux. » 

Hugo ne cache pas son autre ambition : celle de casser l’image trop souvent austère associée aux mathématiques. « On les voit souvent inhumaines, à cause de souvenirs de théorèmes un peu désincarnés. Je voudrais montrer qu’au contraire, les mathématiques laissent place à la créativité et que les goûts personnels y sont importants. » Une ambition qui fait d’ailleurs écho au travail de médiation scientifique initié à l’Université Paris-Saclay. « Quand j’étais jeune, j’avais peu d’images de scientifiques ou même de personnes travaillant avec les sciences, se rappelle le mathématicien. Je voudrais montrer qu’un scientifique, c’est quelqu’un qui peut rigoler, être enthousiasmé par ses résultats. Que c’est un homme ou une femme qui a une vie de famille normale. » 

Alors que l’année 2023 a été déclarée « année de promotion des mathématiques à l’école » par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, et que l’enseignement des mathématiques est un peu à la peine en France, Hugo ne serait pas contre le fait de susciter quelques vocations. « Je pense que la médiation scientifique peut apporter une vraie aide aux enseignantes et enseignants pour réhabiliter les mathématiques, pour montrer que ce n’est pas qu’une histoire d’examens ou de notes », conclut le chercheur. 

 

Retrouvez le replay de la conférence sur la chaîne YouTube de l'Université Paris-Saclay :