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Florent Ginhoux : comprendre le rôle des macrophages dans l’organisme

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 10 mars 2023 , mis à jour le 17 mars 2023

Florent Ginhoux est directeur du laboratoire Cellules myéloïdes et cancer au sein de l’unité de recherche Immunologie anti-tumorale et immunothérapie des cancers (ITIC - Univ. Paris-Saclay, Inserm, Gustave Roussy). Spécialiste de l’ontogénie et de la différenciation des macrophages, il figure sur la liste des chercheurs les plus cités au monde depuis 2016. Il consacre actuellement ses travaux à la mise en lumière de différents types de macrophages associés aux tumeurs en vue du développement futur de nouvelles immunothérapies ciblant ces populations cellulaires.

Après une partie de son enfance passée en Asie au gré des postes de son père diplomate, c’est en France, à l’Université Pierre et Marie Curie (aujourd’hui Sorbonne Université), que Florent Ginhoux débute des études de biochimie et se découvre progressivement un intérêt pour l’immunologie. « Mon DEA à l’Institut Pasteur a en ce sens été décisif puisque c’est surtout cette année-là que j’ai commencé à me passionner pour le système immunitaire, que je trouvais à la fois très compliqué et très logique. »

Faisant le choix de s’orienter vers la recherche, il débute en 2004 au Généthon une thèse consacrée à l’analyse des réponses immunitaires cytotoxiques consécutives aux transferts de gènes, dans le cadre de la dystrophie musculaire de Duchenne. « C’est ainsi, en cherchant à comprendre comment la détection de quelque chose de nouveau contribuait à enclencher la réponse immune, que j’ai commencé à m’intéresser aux cellules dendritiques. À une époque où mes collègues consacraient davantage leurs recherches aux lymphocytes T et aux lymphocytes B. »

 

Une rencontre déterminante

Sa thèse achevée, Florent Ginhoux se met en quête d’un laboratoire au sein duquel continuer à étudier ces cellules dendritiques en première ligne dans le déclenchement de la réponse immune. « Ma chance a alors été de croiser la route de celle qui allait devenir mon mentor, la professeure Miriam Merad, qui envisageait de monter à New York un laboratoire dédié à la compréhension de l’origine et de la fonction des cellules dendritiques. »

Lorsque celle-ci lui propose de la suivre outre-Atlantique pour réaliser à ses côtés son stage doctoral, Florent Ginhoux n’hésite pas une seconde et s’envole pour les États-Unis en 2004. « J’ai vécu là-bas quatre années magiques, de travail acharné, de synergie intellectuelle. C’est aussi là-bas que j’ai fondé ma famille. Cela a vraiment été un moment très important dans ma vie », se souvient le chercheur.

 

Une approche originale : comprendre la fonction des cellules à travers leur développement

Alors que les chercheurs et les chercheuses étudiant à l’époque les cellules dendritiques focalisent leurs recherches sur la fonction de ces cellules pour voir comment atténuer ou augmenter une réponse immune, au sein du laboratoire de Miriam Merad, on s’intéresse davantage à l’origine de ces cellules et à leur développement. « Avec cette approche descriptive d’ontogénie des cellules, notre ambition était de comprendre les mécanismes moléculaires de formation des cellules dendritiques à travers leur identité phénotypique et transcriptomique. » 

Un objectif largement atteint puisque ces quatre années de recherche ont permis non seulement de caractériser le développement de ces cellules dendritiques chez la souris et chez l’être humain, mais aussi de renouveler les outils et les méthodes de recherche en la matière. « Pour mieux comprendre le développement de ces cellules dendritiques, il nous fallait réussir à les suivre dans le temps. Nous avons donc décidé d’introduire en immunologie des outils de tracing utilisés par nos collègues neurologues », explique le chercheur.

 

Des cellules dendritiques aux macrophages

Forte de ces premiers résultats en termes de description et de compréhension des cellules dendritiques, l’équipe de Florent Ginhoux décide d’appliquer la même approche d’ontogénie et de tracing des cellules au développement des macrophages. « Alors que tout le monde s’accordait à l’époque sur le fait que les macrophages venaient des monocytes sanguins, nous avons démontré que, chez la souris, la majorité des macrophages des tissus venaient de précurseurs embryonnaires générés dans le sac vitellin ou yolk sac, se développant in utero lors de la première vague d’hématopoïèse », explique le chercheur.

Si cette redécouverte de l’origine embryonnaire des macrophages, qui a fait l’objet d’une publication dans Science en 2010, a ouvert de nombreux champs de recherche, elle a aussi constitué un point d’inflexion très fort dans la carrière de Florent Ginhoux. « C’est cette avancée qui m’a poussé à poursuivre mes recherches à Singapour et qui est à l’origine du travail que je mène depuis quinze ans », précise-t-il.

 

Vers la culture d’immuno-organoïdes

Informé de la création par Philippe Kourilsky d’un Institut d’immunologie à Singapour, Florent Ginhoux fait à nouveau ses valises en 2009 pour rejoindre le Singapore Immunology Network (SIgN). « C’était une opportunité incroyable, avec cinq années de financements, l’accès à des outils de pointe et un laboratoire qui a compté jusqu’à 30 personnes », se souvient Florent Ginhoux.

Sa problématique de recherche est alors la suivante : comment fabriquer des macrophages humains qui ressemblent à ces ‘yolk sac’ macrophages inaccessibles puisque se développant in utero. « Nous avons développé une approche utilisant des cellules souches pluripotentes pour générer à façon des macrophages que nous avons par la suite intégrés dans différents modèles 2D et 3D, afin d’en observer les différenciations et d’en comprendre mieux les fonctions », explique Florent Ginhoux. Une approche révolutionnaire qui a notamment débouché sur autre grande avancée de son équipe : la génération d’immuno-organoïdes de cerveaux.

 

Modéliser le cancer du cerveau pédiatrique

Alors qu’après douze ans d’expatriation, Florent Ginhoux envisage de quitter Singapour, une nouvelle opportunité s’offre à lui : la Fondation Gustave Roussy lui propose de prendre la tête d’un nouveau programme ambitieux et disruptif sur la compréhension du rôle des macrophages dans le développement des cancers pédiatriques.

De retour en France en 2021, il se lance dans cette nouvelle aventure. « Sur la base de nos avancées dans la génération de "mini-cerveaux", nous essayons, dans le cadre de ce programme, de créer des sortes d’avatars d’organes – en l’occurrence de cerveaux – de jeunes patientes et patients atteints de cancers pédiatriques. Grâce à ces avatars, nous pouvons observer la manière dont les macrophages favorisent la poussée de la tumeur, et espérer trouver des molécules d’interaction entre les macrophages et les cellules tumorales dans le but de tester de nouveaux médicaments », explique Florent Ginhoux.

 

L’ouverture pour fil rouge

Au cours de ses périodes d’expatriation, Florent Ginhoux reconnaît avoir acquis une forme d’ouverture d’esprit qui a certainement transformé sa manière de faire de la science. « Aux-États-Unis, outre l’optimisme, j’ai appris à ne pas travailler en vase clos, à aller vers les autres, à ouvrir les projets aux personnes compétentes pour aller plus vite. » À Singapour, où il se consacre à l’immunologie humaine, c’est davantage avec le monde des cliniciennes et cliniciens et de l’industrie qu’il entre en relation. Il travaille ainsi entre 2016 et 2019 dans un laboratoire associé à GSK au Royaume-Uni. « Je suis convaincu que c’est en sortant du cadre, en se tenant à la frontière des disciplines et des méthodes, que l’on avance le plus », conclut-il.