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Fabrice André : Personnaliser les traitements du cancer

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 09 juin 2020 , mis à jour le 17 septembre 2020

Fabrice André est médecin en oncologie médicale, professeur à l’Université Paris-Saclay et chercheur à l’Institut Gustave Roussy, où il dirige la centaine de chercheurs du laboratoire Prédicteurs moléculaires et nouvelles cibles en oncologie (PMNCO - Université Paris-Saclay, Institut Gustave Roussy, Inserm).

Tous ces chercheurs ont le même objectif : trouver des médicaments pour soigner chaque cancer. Pour cela, ils modélisent à grande échelle toutes les anomalies moléculaires des cancers de cohortes de patients, en utilisant des techniques d’analyse bio-informatique, et leur font correspondre les combinaisons thérapeutiques gagnantes. À terme, l’ambition est de créer la tumeur virtuelle de chaque patient et personnaliser son traitement.

Chaque année, 16 millions de personnes sont nouvellement atteintes d’un cancer dans le monde et 9 millions en décèdent. « Même si vous trouvez un médicament qui ne bénéficie qu’à 1 % d’entre elles, ce sont 90 000 personnes sauvées par an, soit presqu’un million en 10 ans ». De quoi motiver Fabrice André et son équipe. « Nos recherches ont pour but de trouver de nouveaux biomarqueurs, pour sélectionner des patients éligibles aux essais thérapeutiques. Nous analysons des échantillons à l’aide de nouvelles technologies d’analyse moléculaire à haut débit (analyses du génome, monocellulaires, protéines). Elles nous aident à identifier, parmi les dizaines de milliers de données croisées, les anomalies présentes dans le paysage moléculaire des cancers ou dans les combinaisons de gènes qui prédisent la rechute ou la résistance aux thérapies », expose-t-il. Les chercheurs repèrent ainsi les « drivers », les éléments qui créent la progression du cancer.

Un cycle de recherche permanent

Une fois repérés, les gènes altérés deviennent la cible de médicaments testés en essais cliniques. Pour trouver de nouvelles cibles, les chercheurs constituent des cohortes de plusieurs centaines de patients, par type de cancer. « C’est un cycle permanent et dès qu’une nouvelle situation se présente en oncologie, nous enclenchons un « processus industriel ». À l’aide des séquenceurs et d’analyses de techniques moléculaires sur tout le génome, nous cherchons à identifier les nouvelles cibles potentielles associées aux réponses aux traitements, explique Fabrice André. Depuis la création du laboratoire il y a 9 ans, nous sommes arrivés à un stade de maturité où nous produisons des tests moléculaires qui prédisent le traitement adapté à chaque patient ».

Personnaliser les traitements

La modélisation du mécanisme moléculaire à l’échelle individuelle fait partie d’un projet en collaboration avec CentraleSupélec. « Le but est d’avoir la tumeur virtuelle de chaque patient d’ici 5 ans ». Fabrice André utilise en particulier cette stratégie scientifique pour étudier les cancers du sein métastatiques. Ces cancers sont responsables de 500 à 600 000 décès par an dans le monde pour 1,5 million de nouveaux cas, dont 12 000 en France pour 60 000 nouveaux cas. « En les profilant à grande échelle, l’objectif est d’identifier les différences entre ces cancers et ceux qui ne développent pas de métastases. Dès que nous trouverons la cause de leur progression ou de leur résistance aux traitements, nous passerons aux essais cliniques », confie le chercheur, qui teste actuellement un médicament qui pourrait stimuler la réponse immune contre un certain sous-type de cancer du sein, dont il vient de trouver l’altération au niveau du génome.

Changer la vie des patients

Auteur de deux articles majeurs en 2019, l’un dans Nature, l’autre dans New England journal of medicine, Fabrice André fait partie des chercheurs les plus cités (HiCiSci) de l’Université Paris-Saclay. Mais plutôt que de s’attarder sur le nombre de ses publications, il préfère retenir la finalité de ses recherches : « réussir à générer un produit qui va changer la vie des patients ». L’oncologue, aujourd’hui directeur de la recherche de l’Institut Gustave Roussy, l’affirme : « deuxième cause de décès en France après les maladies cardiovasculaires, le cancer est de facto un problème de société. Le rôle de Gustave Roussy, place forte de la recherche sur le cancer dans le monde, est de fabriquer des produits dont l’impact est mesurable au niveau sociétal ».

Un challenge permanent

Alors jeune skieur de haut niveau à Villard-de-Lans, Fabrice André s’inscrit en médecine en 1991 pour mieux préparer le concours STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives). Il se découvre finalement une passion pour la discipline. Plus tard, il choisit l’oncologie, parce que « c’est là que se trouvaient les gros challenges à l’époque », et se fixe dès le départ l’objectif d’intégrer la recherche à son activité clinique. Son entrée en premier semestre d’internat à Gustave Roussy en 1996 est un peu fortuite : « il faut parfois saisir les opportunités quand elles se présentent. La vie n’est pas un chemin de A à Z ». Pourtant, le point de départ de sa carrière se trouve à Houston, lors de son post-doc en 2006. « Nous assistions aux débuts de la recherche à haut débit qui permettait d’identifier le gène anormal dans des tumeurs. Avec mon mentor, nous nous sommes dit que nous pourrions utiliser cette technique pour modéliser le cancer, un saut de concept pour l’époque », se souvient Fabrice André.

Saclay, un vivier de compétences

« Nos recherches suivent un flux qui va du très fondamental à l’appliqué. L’Université Paris-Saclay foisonne de talents dans des disciplines de recherche fondamentale très polyvalentes et dont la recherche appliquée au cancer a grand besoin. Chacune doit contribuer à faire avancer sa problématique du cancer », observe Fabrice André.  Pour attirer de tels talents, il fait le pari de la formation interdisciplinaire au sein même du laboratoire. « Notre formons les étudiants en thèse et en post-doc pendant 18 mois à 2 ans.  Quelle que soit leur discipline —mathématique, bio-informatique, physique, chimie, psychologie —, mon rôle consiste à transformer leur expertise en quelque chose d’utile pour les patients. »

 

Fabrice André est lauréat du prix "Young Investigator and Career Development" de l'American Society of Clinical Oncology (ASCO). Il est l’auteur de plus de 350 publications dans des revues scientifiques. Il est rédacteur en chef des Annals of Oncology et est membre de plusieurs instances scientifiques et de sociétés savantes et académiques (ASCO, ESMO, AACR).