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Exotrail : la « success story » d’une start-up deeptech qui a failli ne jamais voir le jour

Innovation Article publié le 02 décembre 2020 , mis à jour le 02 décembre 2020

La création et le succès d’Exotrail, dont la technologie est issue du laboratoire GEMAC (Université Paris-Saclay, UVSQ, CNRS) et du Centre national d’études spatiales (CNES), est le fruit d’un concours de circonstances, d’un dispositif de financement novateur, et d’une technologie inédite. Elle est aujourd’hui l’une des start-up deeptech les plus prometteuses du « New Space » français.

Tout démarre par une rencontre fortuite. En 2007, Marcel Guyot, chercheur au sein du Groupe d’études de la matière condensée (GEMAC - Université Paris-Saclay, UVSQ, CNRS), dépose, au nom du CNRS, de l’UVSQ et du CNES, un brevet pour un dispositif d’éjection d’ions à effet Hall. Ce système permet d’éjecter à grande vitesse des ions de xénon et est utilisé dans le domaine spatial, notamment pour changer un satellite de position lorsqu’il est en orbite autour de la terre. Grâce à cette innovation, Marcel Guyot invente la première miniaturisation de moteurs à effet Hall qui laisse entrevoir son utilisation pour les petits satellites.

En 2014, il présente ses travaux lors d’un séminaire organisé par l’École polytechnique. Et ce jour-là, Jean-Luc Maria est dans la salle. Cet ingénieur de l’Observatoire de Versailles-Saint-Quentin (OVSQ - Université Paris-Saclay, UVSQ, CNRS), en charge d’assurer la direction de la plateforme d’intégration et de test (PIT), est séduit par l’innovation exposée. Il précise : « Marcel était spécialiste du domaine des matériaux et pas du tout expert des équipements spatiaux comme moi. Grâce à cette rencontre inattendue, puis à la mise en commun de nos expertises, sans lesquelles rien n’aurait été possible, nous avons envisagé de concevoir des propulseurs électriques miniatures pour les petits satellites ». Ils associent alors leurs laboratoires pour développer ce système, et se rapprochent aussi du synchrotron SOLEIL et de l’École polytechnique - et associent à leur projet Paul Lascombes qui y est alors étudiant - pour faire une demande de financement. En 2015, ils contactent les cellules de valorisation de la recherche de l’UVSQ et du CNRS, et répondent à un appel à projets de maturation de la SATT Paris-Saclay. Cette Société d'accélération du transfert de technologies, créée en 2014 grâce au programme Investissements d’avenir, est un outil novateur de financement de l’innovation du cluster Paris-Saclay. Il facilite le transfert de technologies issues de la recherche publique vers les marchés, pour des innovations en phase de maturation. 

Le développement industriel

Grâce à leurs efforts combinés et au caractère prometteur de leur projet, les trois acolytes obtiennent leur financement et un accompagnement. Ils parviennent ainsi à piloter le développement d’un prototype de propulseur électrique pour petits satellites. Ils constituent une équipe technologique et se rapprochent d’experts en affaires juridiques, en intelligence économique, en commercialisation, en fabrication, ou en distribution. Ils développent et formalisent aussi des savoir-faire et des résultats en partenariat avec l’École polytechnique et le synchrotron SOLEIL. « Avant la création de la SATT Paris-Saclay, nous n’avions pas les moyens de travailler sur la valorisation des actifs de propriété intellectuelle. Ce dispositif, combiné à une rencontre fortuite entre les protagonistes, a donc été essentiel pour qu’Exotrail voie le jour », commente Virginia Branco, directrice de la valorisation et de l’innovation à l’UVSQ.

La naissance et la montée en puissance d’Exotrail

Cette conjonction de facteurs et de compétences débouche sur la création de la start-up en 2017. Les propulseurs qu’Exotrail développe pour les petits satellites leur permettent d’optimiser leurs orbites, pour augmenter leur performance, éviter les collisions, et les faire revenir dans l’atmosphère en fin de vie pour ne pas polluer l’espace. Jusqu’à tout récemment, seuls les gros satellites intégraient des propulseurs utilisant la technologie à effet Hall. C’est désormais également possible pour les petits, grâce à la miniaturisation des propulseurs réalisée par Exotrail.

Confiant dans le fort potentiel de la start-up, Jean-Luc Maria, qui est aujourd’hui mis en disponibilité par le CNRS, en occupe le poste de directeur technique (CTO). Paul Lascombes en est le directeur scientifique (CSO) et Nicolas Heitz, le directeur de l’exploitation (COO). David Henri, également diplômé de l’École polytechnique, en est le quatrième co-fondateur et le directeur général (CEO). Marcel Guyot est désormais à la retraite.

Exotrail compte aujourd’hui 30 employés et suit une courbe ascendante : elle vient de réaliser une levée de fonds de 11 millions d’euros qui va l’aider à élargir son portefeuille de produits et à accroître ses capacités de fabrication et de développement commercial. La start-up, qui comprend Eutelsat et AAC Clyde Space comme clients, vient aussi d’annoncer qu’elle est mandatée par l’Agence spatiale européenne (ESA) et le CNES pour fournir et poursuivre le développement de ses systèmes de propulsion électrique (ExoMG™ - nano et ExoMG™ - micro).

Exotrail ne compte pas en rester là. La start-up développe en parallèle depuis 2017 des logiciels de conception, d’optimisation, et d’opération de satellites propulsés. À terme, elle envisage de développer des véhicules spatiaux propulsés, dont les usages pourront être nombreux : déploiement de petits satellites, inspection, réparation, désorbitation contrôlée de débris. La société est déjà soutenue par le CNES sur ce sujet. « Avec cette innovation supplémentaire et les nombreuses perspectives qu’elle nous offre, nous souhaitons passer d’un statut de fabricant de propulseurs à un positionnement plus ambitieux de fournisseur de solutions complètes d’agilité », conclut Jean-Luc Maria.