EikoSim améliore la simulation numérique

Innovation Article publié le 30 avril 2025 , mis à jour le 30 avril 2025

À l’aube de ses dix ans, la start-up EikoSim développe des logiciels de simulation numérique afin de réduire les coûts et les temps d’essais des pièces de structure. Que ce soit en aéronautique ou en automobile, à l’échelle microscopique ou métrique, l’entreprise promet des modèles aussi vrais que nature.

Anciens élèves de l’ENS Cachan (aujourd’hui ENS Paris-Saclay) en génie mécanique puis en master de mécanique des matériaux et diplômés en 2009, Florent Mathieu et Renaud Gras réalisent ensuite chacun une thèse dans le domaine, au sein du Laboratoire de mécanique et technologie, devenu depuis 2022 le Laboratoire de mécanique Paris-Saclay (LMPS – Univ. Paris-Saclay/CNRS/CentraleSupélec/ENS Paris-Saclay). « Pour ma part, j’ai développé des logiciels à but de démonstration de recherche qui avaient pour sujet la mesure de la déformation grâce à la corrélation d’images numériques », explique Florent Mathieu. Les pièces sont prises en photo au cours des essais afin de reconstruire numériquement comment l’objet se comporte. Cela donne également des informations sur la mécanique des matériaux.

Pendant leurs recherches, le duo s’aperçoit que ces logiciels seraient un atout pour l’industrie. Ces mesures permettraient de réaliser des calculs de simulation numérique. « C’est très difficile, car ce sont des technologies qui fournissent des nuages de points. Il faut faire un changement de repères pour avoir des données lisibles, ce qui n’est pas forcément intuitif pour les utilisateurs. Mais l’équipe dans laquelle nous travaillions a découvert une brique pour résoudre ce problème grâce à des calculs », explique Florent Mathieu. Les partenaires décident alors d’en faire un logiciel commercial.

En 2015, ils commencent leur prématuration sur le plateau de Saclay. Ils participent au premier appel à candidatures de la SATT Paris-Saclay la même année et obtiennent des financements, qui les aident à passer du développement du logiciel à un prototype industriel. Ils créent la start-up EikoSim en 2016 pour proposer ces produits à la vente. Florent Mathieu en devient le CEO et Renaud Gras, le CTO. La société est ensuite incubée à Télécom Paris et accompagnée par la SATT Paris-Saclay. Grâce à un concours de BPI, les cofondateurs se forment à la création d’entreprise via le HEC Challenge +.

En 2019, EikoSim réalise une levée de fonds d’une valeur de 500 000 euros afin de constituer une équipe de développement. « Cela nous a permis de recruter des développeurs dédiés. C’est complémentaire de nos compétences. Nous avons aussi embauché un commercial. À partir de ce moment-là, nous sommes vraiment passés d’une boîte de services à une entreprise qui conçoit des logiciels », précise le cofondateur. Pour l’instant, EikoSim ne prévoit pas de nouvelle levée de fonds, le marché étant trop petit. Les cofondateurs se tournent davantage vers la recherche de partenariats ou d’éditeurs, dont le matériel de mesure serait complémentaire des besoins des clients. « Nous sommes des acteurs parmi la chaîne d’outils. Nous n’avons pas forcément vocation à grossir énormément », ajoute Florent Mathieu. Aujourd’hui, la start-up regroupe dix personnes dans des bureaux à Montrouge et son chiffre d’affaires est presque à l’équilibre.
 

Des logiciels de simulation

Dès ses origines, EikoSim travaille avec des laboratoires de recherche partenaires et des industriels comme Safran Aircraft Engines ou ArianeGroup. « Nous avons débuté dans le spatial, avec des gens qui voulaient optimiser de manière importante la performance mécanique de leur structure. En aéronautique, c’est surtout pour faire des avions plus légers, pour consommer moins, et pour ArianeGroup, pour diminuer le coût des lanceurs », explique le cofondateur.

La concurrence est rude dans le domaine. C’est à celui qui sera le premier à mettre sur le marché une nouvelle technologie. Le temps de développement est lié aux différents tests et simulations. Par le passé, les pièces subissaient uniquement des analyses en conditions réelles. Aujourd’hui la simulation numérique a, en partie, remplacé les essais. « Les industriels doivent désormais jongler entre tests physiques et simulation numérique. Mais pour cela, ils doivent avoir confiance dans cette dernière. Il faut également se demander si cela suffit pour que la pièce soit validée par les autorités. Notre travail consiste à améliorer la crédibilité des modèles », ajoute Florent Mathieu.

C’est dans ce but que l’entreprise étudie les prototypes. Elle y place des capteurs pour récolter des données. Le cofondateur poursuit : « Ces capteurs nous assurent que l’on observe bien ce qu’il se passe sur l’ensemble de la structure. Plusieurs caméras prennent des photos en continu. Nous allons regarder si le matériau se comporte comme prévu. Nous allons optimiser la simulation pour la rapprocher de la réalité. »

EikoSim développe un modèle similaire à celui des jumeaux numériques, appliqué aux structures. De façon à ce que le test représente la vie de la pièce mais ne reste qu’un ensemble de données. Les tests virtuels sont identiques à ceux exécutés en physique. La simulation sert ainsi à extrapoler les données quand il n’est pas possible d’effectuer des tests réels, comme dans l’espace ou à des températures extrêmes. Au fur et à mesure des essais, la version numérique s’enrichit et devient de plus en plus réaliste, ce qui la rend très prédictive. Une fois le modèle numérique validé, les tests ne prennent plus que quelques heures contre plusieurs mois pour ceux grandeur nature.

La technologie d’EikoSim se base sur la géométrie nominale qui rend les différentes mesures possibles. « Nous collectons tout un tas d’informations, ce qu’on appelle de la data fusion. Nous récupérons des données de déformation par des capteurs infrarouges, en lumière visible grâce à des caméras combinées à la simulation numérique. Toutes ces données nous assurent que notre modèle virtuel est fiable. Nous arrivons aussi à adapter les valeurs des paramètres pour qu’elles collent au mieux avec ce que l’on a observé lors des essais », explique le cofondateur.

Les logiciels développés par EikoSim analysent des objets d’échelles très variées. Il est par exemple possible de travailler sur des images microscopiques pour l’étude des matériaux comme les composites ou les alliages. La plus grosse pièce sur laquelle s’est penchée l’entreprise est le Dual Launch System (DLS) ou double système de lancement de la fusée Ariane. Cette pièce, de neuf mètres de haut et présente dans la coiffe, aide à empiler deux satellites.

Eikosim propose ses logiciels sous forme d’abonnement. Il arrive parfois que l’entreprise les vende dans des packs qui comprennent le matériel pour prendre en photo les objets (caméras, éclairage). Elle en fournit aussi aux laboratoires de recherche qui ont un budget annuel réduit.
 

Vers d’autres marchés

Si EikoSim vend au départ ses logiciels dans l’aéronautique, « aujourd’hui, nous avons de plus en plus de clients dans la défense, avec le fabricant de missiles MBDA, par exemple, ou le CEA », explique Florent Mathieu. « Nous sommes également actifs dans l’automobile, pour des applications plus ciblées. Dans l’industrie, la tendance est à l’allègement des structures, ce qui n’est pas le plus porteur dans le secteur de l’auto où les voitures vont en s’alourdissant. » La start-up travaille ainsi avec Saint-Gobain qui réalise des études de résistance du placo pour les structures ou les vitrages. Ou encore avec Vallourec, pour l’analyse d’assemblages vissés afin de s’assurer de l’absence de fuites dans les pipelines. Enfin, au-delà de ces domaines, EikoSim cherche à conquérir le monde du sport où l’allègement est aussi un sujet majeur. « De nombreux fabricants font des essais pour réduire le poids des vélos. De manière plus générale, les grandes enseignes comme Décathlon réalisent des tests sur tous leurs équipements : vêtements, paniers de baskets… », illustre le cofondateur.