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EG427 : soigner la vessie neurologique grâce à la thérapie génique de précision

Innovation Article publié le 09 septembre 2021 , mis à jour le 09 septembre 2021

Issue du projet Elpis développé au laboratoire Handicap neuromusculaire : physiopathologie, biothérapie et pharmacologie appliquées (END-ICAP – Univ. Paris-Saclay, UVSQ, Inserm), la start-up de biotechnologie EG427 lance une nouvelle thérapie génique de précision pour traiter les troubles urinaires d’origine neurologique. Cela va grandement modifier la vie des patients atteints de vessie neurogène. Après avoir levé 12 millions d’euros, la jeune pousse ambitionne d’entrer en essai clinique en 2023.

La start-up EG427 développe un traitement pour résoudre les dysfonctionnements de la vessie liés à des lésions médullaires – c’est-à-dire de la moelle épinière – pour des patients porteurs de pathologies neurologiques. La solution développée, une plateforme de thérapie génique de précision basée sur un virus herpétique modifié, est issue du projet Elpis, mené par les professeurs François Giuliano, Pierre Denys et Alberto Epstein du laboratoire Handicap neuromusculaire : physiopathologie, biothérapie et pharmacologie appliquées (END-ICAP – Univ. Paris-Saclay, UVSQ, Inserm) et l’AP-HP. Grâce à leur expertise dans les virus herpétiques et les dysfonctions urogénitales, ils s’attèlent à mettre au point, dès 2013, une technologie pour traiter les dysfonctionnements de la vessie chez les blessés médullaires et rétablir la continence urinaire. 

Lorsque ces blessés sont paraplégiques ou tétraplégiques, leur système nerveux central perd le contrôle de certaines parties du corps, dont la vessie, ce qui cause des troubles mictionnels. L’organe, qui se contracte de manière anormale, provoque soit des remontées d’urines vers les reins, soit des mictions involontaires. Et les médicaments disponibles ne sont pas adaptés pour parvenir à contrôler les contractions anormales de la vessie. Ce qui, avec le temps, détruit la fonction rénale et génère des infections urinaires importantes.

 

Herpès modifié et thérapie génique de précision

L’équipe se tourne vers la thérapie génique de précision, basée sur l’utilisation de vecteurs défectifs dérivés du virus de l’herpès simplex (HSV-1). Ils produisent le gène médicament pour traiter les patients en utilisant une des propriétés du virus de l’herpès : sa capacité à rester à l’état latent dans les neurones du système nerveux périphérique. En le modifiant, on parvient à inhiber les signaux responsables des contractions anormales de la vessie neurologique. « Comme un somnifère que l’on donnerait en continu à la Belle au bois dormant », explique Philippe Chambon, PDG, cofondateur et actionnaire de la start-up EG427. Présent chez 80 % de l’espèce humaine, le virus de l’herpès de type 1 cible les cellules de l’épiderme. Une fois infectées, ces dernières meurent lorsqu’elles répliquent le virus, qui se propage dans les terminaisons nerveuses, jusqu’aux noyaux des cellules, où il se met au repos. « L’utilisation de la région responsable de cette latence permet d’exprimer de manière continue de nouvelles séquences génétiques. Dans le cas de la vessie neurologique, il s’agit d’un gène qui inhibe l’activité des neurones sensoriels. » 

 

Principe de thérapie génique de la start-up EG427 pour traiter les troubles urinaires d'origine neurologique. (c)EG427

 

De l’accompagnement à la start-up

Vecteur utilisé en thérapie génique par EG427 dérivé du virus de l’herpès simplex (HSV-1)
Vecteur utilisé en thérapie génique par EG427
dérivé du virus de l’herpès simplex (HSV-1).
(c)EG427

Les trois chercheurs du laboratoire END-ICAP bénéficient pour leurs travaux d’un accompagnement important via le programme européen ERA-NET Neuron qui soutient la recherche clinique, fondamentale, et de transfert. Puis, grâce à des études in vitro et in vivo prometteuses, le projet Elpis est lauréat en 2016 d’un programme de maturation de la SATT Paris-Saclay. Ce qui donne à l’équipe la possibilité de réaliser des études précliniques, d’obtenir une preuve de concept et de déposer un brevet. Au début de l’année 2019, Philippe Chambon obtient une licence sur le projet, c’est-à-dire qu’il négocie un accord avec la SATT pour obtenir les droits sur sa propriété intellectuelle et son brevet. Il crée la start-up EG427. « E et G sont les initiales des inventeurs de la technologie François Giuliano et Alberto Epstein, 4 et 27 sont les numéros des gènes qui sont retirés de la séquence génétique du vecteur herpétique pour abolir sa capacité à se multiplier », explique le fondateur de la start-up. Après une nouvelle série d’études, cet expert du capital-risque en santé lève des fonds à hauteur de 12 millions d’euros pour lancer le développement de ce jeune laboratoire pharmaceutique et recruter son équipe. « Nous sommes la seule société en Europe à poursuivre cette approche de thérapie génique de précision basée sur l’herpès modifié. Il existe quelques acteurs aux États Unis spécialisés sur le même créneau thérapeutique que le nôtre. Nous ne sommes pas en concurrence directe avec eux, mais cela confirme que notre approche s’inscrit dans un marché florissant. »

 

Une entreprise ambitieuse  

Le médicament, en cours de développement, doit passer une série d’étapes précliniques pour valider sa fiabilité. Il faut prouver qu’il ne provoque pas d’effets secondaires dans des modèles animaux, mais aussi développer des capacités de production adaptées aux contraintes règlementaires. EG427 prévoit de réaliser cette mise en conformité auprès de l'Agence européenne des médicaments (EMA) et de la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, et ambitionne d’entrer en phase d’essais cliniques en 2023.