Développer l’astronomie sous le ciel étoilé de Madagascar

Science et société Article publié le 18 juillet 2025 , mis à jour le 22 juillet 2025

Cet article est issu de L'Édition n°26.

À Madagascar, l’association Haikintana collabore depuis plusieurs années avec des scientifiques français, dont certains de l’Université Paris-Saclay, pour développer l’astronomie et les sciences spatiales à travers l’île. En 2022, cette initiative a notamment conduit à la construction du premier observatoire astronomique robotisé de Madagascar.

Quel point commun y a-t-il entre l’astéroïde Besely, l’étoile Rapeto et la planète Trimobe ? Ces objets célestes portent tous les trois des noms d’origine malgache : Besely désigne un village situé au nord-ouest de Madagascar, tandis que Rapeto et Trimobe sont des personnages issus des légendes les plus connues du pays. Mais ces astres ne sont pas seulement les premiers à porter de tels noms, ils sont aussi l’illustration d’un remarquable projet de développement de l’astronomie à Madagascar porté par l’association Haikintana et soutenu par des chercheuses et chercheurs français, dont Sylvain Bouley, planétologue du laboratoire Géosciences Paris-Saclay (GEOPS– Univ. Paris-Saclay/CNRS) et président de la Société astronomique de France (SAF).

« Cela fait une vingtaine d’années que je travaille à développer l’astronomie en Afrique », explique le chercheur. « Là-bas, le ciel est magnifique, il n’y a quasiment pas de pollution lumineuse mais il y a très peu d’observatoires et de clubs d’astronomie. Donc l’idée est de rendre l’astronomie accessible au plus grand nombre. » La rencontre avec Madagascar s’est toutefois faite « un peu par hasard », se souvient-il. C’était en 2019. 

Cette année-là, Sylvain Bouley organise un vaste événement, On the moon again, pour célébrer le cinquantième anniversaire du premier pas sur la Lune. Les astronomes du monde entier sont invités à sortir leurs télescopes dans la rue pour montrer le satellite de la Terre aux passantes et passants. « Cela a été un grand succès. Il y a eu plus de 1 300 événements dans soixante-dix pays », se souvient-il. « Nous avions aussi organisé un concours de vidéos pour faire gagner un télescope. » C’est là que la route du planétologue croise celle de Mializo Razanakoto, gagnante du concours et fondatrice de Haikintana.

Une association astronomique née d’une éclipse lunaire

« L’objectif de Haikintana est de vulgariser l’astronomie et les sciences spatiales à Madagascar à travers des activités ludiques, des ateliers pédagogiques, des séances d’observation, des événements de médiation ou encore des projets éducatifs », détaille-t-elle. Passionnée par l’astronomie depuis l’enfance, la jeune femme sème les graines de Haikintana en 2015 avec une simple page Facebook lancée à l’occasion d’une éclipse lunaire. 

« Sur les réseaux sociaux, j’avais vu passer plein de fausses rumeurs et de commentaires superstitieux au sujet de l’éclipse lunaire. Cela m’a frustrée et j’ai voulu créer une page Facebook pour contrebalancer ces publications et expliquer ce type de phénomène. » Un an après, la fondatrice, rejointe par d’autres passionnées et passionnés rencontrés lors d’un projet de planétarium itinérant, organise ses premières activités avec le soutien de l’Association malgache pour la promotion de la science (AMPS). Le point de départ d’une grande aventure pour l’association Haikintana, officialisée en 2018.

« En 2019, nous avons participé à la célébration du centenaire de l’Union astronomique internationale (UAI) et à la campagne de nomination d’une exoplanète et de son étoile », la fameuse planète Trimobe et son étoile Rapeto, raconte Mializo Razanakoto. Puis arrivent l’événement On the moon again et la rencontre avec Sylvain Bouley. « Il était très intéressé par ce qu’on faisait à Madagascar et nous avions tous les deux cette idée de construire un observatoire qui serait utilisé pour sensibiliser le public à l’astronomie et servirait de matériel d’observation à des étudiantes et étudiants. »

Le premier observatoire robotisé de Madagascar

L’idée finit par devenir réalité avec l’aide de Charles Gassot, ancien producteur de cinéma français et fondateur de l’ONG Écoles du monde qui œuvre à améliorer les conditions de vie en brousse à Madagascar. En 2022, un observatoire astronomique est mis en service au sein du campus de Besely, créé par l’ONG à 40 kilomètres de la ville de Mahajanga, avec une école, une cantine, une infirmerie et diverses installations. « Construire un tel observatoire n’est pas simple parce que cela nécessite de l’électricité, une connexion Internet et une certaine logistique. Le campus de Besely était donc l’endroit idéal », assure Mializo Razanakoto.

L’observatoire, équipé d’un télescope de trente-cinq centimètres et installé sous un toit roulant, a la particularité d’être robotisé et relié à un logiciel de pilotage à distance. « Cela signifie qu’il peut être commandé et utilisé depuis n’importe où. Nous voulions qu’il soit accessible au plus grand nombre », détaille le planétologue. À la communauté de Besely donc, mais aussi aux astronomes amateurs et professionnels de Madagascar, d’Afrique et de France. 

« Le ciel de l’hémisphère sud n’est pas le même que celui de l’hémisphère nord. L’observatoire fournit un point d’appui pour observer des astéroïdes, des comètes et plein d’autres objets qui ne sont pas accessibles depuis la France. » En septembre 2022, le télescope de Besely est au rendez-vous pour suivre la mission DART de la NASA consistant à percuter un astéroïde. « Cet observatoire est un vrai moyen de continuer à développer l’astronomie à Madagascar », se réjouit la fondatrice de Haikintana, qui poursuit l’extension de ses activités grâce aux partenariats tissés à Madagascar et avec la France.

Une année de célébrations pour un anniversaire mémorable 

En juillet 2024, l’association organise à Mahajanga la deuxième édition de son festival annuel d’astronomie : trois jours d’interventions dans les écoles, de conférences et d’observations du ciel. « Nous avons profité de l’événement pour offrir un télescope au tout nouveau club d’astronomie de Mahajanga », précise Sylvain Bouley. Créer des clubs d’astronomie pour diffuser la passion du ciel, c’est l’un des axes de travail de Haikintana qui fêtera cette année son dixième anniversaire avec de nombreux projets.

« Nous avons prévu une année de célébrations,jusqu’en mai 2026, avec des séances d’observation, des expositions photos, des formations pour nos membres, un festival qui se tiendra cette fois-ci dans quatre villes différentes, etc. », révèle Mializo Razanakoto. « Nous allons aussi organiser à Besely une école pour les astronomes africaines et africains afin qu’elles et ils se forment à l’utilisation de l’observatoire et puissent s’en servir à distance depuis leur pays », ajoute Sylvain Bouley. Autant de projets pour des milliers d’yeux braqués sur le ciel étoilé de Madagascar, l’astronomie a de beaux jours devant elle en terre malgache.

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