DETERA Therapeutics, un peptide pour prévenir la glomérulonéphrite à croissants (GNC)
Alors que les maladies rénales ne cessent de progresser dans le monde, la start-up DETERA Therapeutics développe un candidat-médicament destiné à la glomérulonéphrite à croissants (GNC). Ce traitement permettrait aux 10 000 malades d’Europe et d’Amérique de protéger leur capital rénal, les traitements de référence étant encore trop peu efficaces.
En octobre 2024, trois cofondateurs et cofondatrice créent la start-up DETERA Therapeutics à la suite de travaux menés au Laboratoire de biologie chimique du département Médicaments et technologies pour la santé (MTS - Univ. Paris-Saclay/INRAE/CEA). Il s’agit de Daniel Gillet, directeur de recherche au CEA et responsable du Laboratoire de biologie chimique, Pierre-Louis Tharaux, néphrologue et directeur de recherche à l’Inserm, et Lyse Santoro, normalienne et agrégée en biologie après un doctorat en immunologie. Suite à une formation en business, cette dernière dirige d’ailleurs pendant plus de dix ans plusieurs sociétés de biotechnologies.
Avec DETERA Therapeutics, le trio cible les maladies rénales, et plus particulièrement la glomérulonéphrite à croissants (GNC), une maladie rare qui touche 20 personnes par million dans le monde et par an. « Après des années dans l’industrie pharmaceutique, j’ai choisi de plonger dans l'entrepreneuriat pour être plus active dans l’innovation. DETERA est un vrai aboutissement », explique Lyse Santoro, CEO de la start-up. « L’équipe est d’ailleurs très complémentaire : lorsque l’on s’est rencontrés tous les trois, à la SATT Paris-Saclay, Daniel Gillet et Pierre-Louis Tharaux travaillaient déjà depuis plus de quinze ans sur le sujet », souligne Lyse Santoro.
Leur projet convainc la SATT Paris-Saclay, qui assure sa maturation, et en mars 2025, la start-up signe un contrat de transfert avec la SATT Paris-Saclay, qui entre au capital de l’entreprise. Bpifrance lui offre également un financement le mois suivant. En juin 2025, la start-up est sélectionnée par Bpifrance pour faire partie de la communauté des deeptech. DETERA est aussi finaliste de l’IPSEN Golden ticket.
À eux trois, les cofondateurs et cofondatrice représentent plus de 75 % du capital. Les parts restantes sont partagées entre la SATT Paris-Saclay, CEA Investissement et André Ulmann, un business angel. « La SATT Paris-Saclay a joué un rôle essentiel. Elle a su identifier le potentiel du projet pour ensuite le maturer et accompagner les chercheurs pendant plusieurs années », ajoute Lyse Santoro. En plus des trois créateurs et créatrice de la start-up, l’équipe compte un ingénieur. Entre trois et cinq autres ingénieures et ingénieurs les rejoindront en 2026.
Traiter en amont la GNC
DETERA Therapeutics développe des thérapies pour les maladies rares du rein. « Nous travaillons sur deux produits, mais pour l’instant nous nous concentrons sur un premier médicament candidat, pour le porter jusqu’à la fin de l’étude clinique de phase II : DTR8 pour le traitement de la glomérulonéphrite à croissants (GNC) », précise la cofondatrice.
Cette pathologie d’origine auto-immune, très agressive, se caractérise par une perte rapide et définitive de la fonction rénale (en quelques mois la moitié de la fonction rénale est perdue). Les glomérules rénaux, structures essentielles au bon fonctionnement des reins, assurent la filtration du sang pour en éliminer les déchets dans l’urine. Dans le cas de la GNC, ces structures se dédifférencient et prolifèrent de manière anarchique. Elles se détruisent en formant des croissants cellulaires, d’où le nom de la maladie. « Des traitements existent déjà, mais ils ciblent uniquement la réponse immunitaire et non le rein. Ils sont basés sur des corticoïdes à haute dose et des anticorps bloquant les cellules productrices d’anticorps. L’impact sur la GNC reste limité. En revanche, DTR8, notre first-in-class, agit directement sur le rein. Dès le diagnostic, il diminue l’apparition des glomérules non fonctionnels, il modifie l’évolution de la pathologie. Il s’agit d’une "disease modifying drug". Il sera un vrai "game changer" » pour les patientes et patients », ajoute Lyse Santoro.
Un candidat-médicament efficace chez l’animal
Ce résultat a été obtenu à la suite des travaux de Pierre-Louis Tharaux qui se penchait déjà sur cette maladie au sein du Paris Centre de recherche cardiovasculaire (PARCC – Univ. Paris Cité/Inserm). Dans les glomérules rénaux dysfonctionnels des patientes et patients, les scientifiques ont observé la surexpression d’un facteur de croissance épidermique, l’HB-EGF (Heparin-Binding Epidermal Growth Factor). Le chercheur et son équipe ont réussi à prouver que ce facteur est responsable de l’apparition et de l’évolution de la GNC, et constitue donc une cible thérapeutique. Daniel Gillet, quant à lui, a mis au point une molécule antagoniste de l’HB-EGF, bloquant la prolifération cellulaire dans les glomérules.
DTR8, le candidat-médicament développé par DETERA Therapeutics, est un peptide et un puissant antagoniste de l’HB-EGF. Sa formule est brevetée. Pour l’instant, ces effets ont été démontrés in vivo chez le porc. « Les essais chez le porc, dont le rein ressemble beaucoup à celui de l’être humain, ont montré l’efficacité de notre produit. Nous avons observé que DTR8 permet de conserver 60 % de glomérules sains alors que seulement 25 % subsistent lors du traitement placebo. Donc notre first-in-class bloque bien la dégradation des glomérules rénaux », explique Lyse Santoro. Sur ces résultats prometteurs, DTR8 entre désormais en phase pré-clinique réglementaire. Les cofondateurs et cofondatrice de la start-up préparent le dossier pour la phase I chez l’être humain, qui devrait arriver d’ici deux ans. Le protocole de production est en cours d’industrialisation avec un prestataire. « Ensuite, nous pourrons nous pencher sur le traitement d’autres maladies rares avec notre deuxième produit. Mais DTR8 a aussi un potentiel en oncologie très important », précise la cofondatrice et CEO de la start-up.
Des débouchés à l’international
La GNC reste une maladie rare qui atteint chaque année 10 000 aux États-Unis et en Europe. « Nous avons réalisé des études de marché pour définir les prix de notre futur produit. Le médicament sera vendu cher, mais il permettra de réduire les dépenses de santé. En effet, les traitements actuels, qui comprennent des dialyses, des transplantations et des hospitalisations de longue durée reviennent chers à la communauté. Avec notre produit qui stoppe la perte de la fonction rénale, ces coûts seront largement diminués. Cela va engendrer des économies de santé publique », se félicite la directrice. Pour se faire connaître, DETERA participe à de nombreux congrès et expose les résultats de preuve de concept chez l’animal dans des conférences médicales.
Au-delà des États-Unis et de l’Europe, la start-up se concentre aussi sur le Japon. « Les traitements contre les maladies rénales sont en plein développement et il y a un regain d’intérêt pour cette aire thérapeutique par les industriels, notamment en Asie. Les pathologies rénales chroniques constitueront bientôt la cinquième cause de mortalité dans le monde et est devenue l’une des priorités de l’OMS en 2025 », ajoute Lyse Santoro.
Pour soutenir l’ensemble de ses projets, DETERA est dans une phase de sécurisation de financement. Elle a déjà collecté de l’argent public via Bpifrance et prépare sa première levée de fonds. Quatre millions d’euros seront nécessaires pour porter le candidat-médicament jusqu’à l’étude de phase I chez l’être humain.