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Alkalee sécurise l’exploitation des systèmes embarqués

Innovation Article publié le 19 décembre 2023 , mis à jour le 16 janvier 2024

Avec le boom de la robotisation, de l’électrification et de la connectivité, la complexité des systèmes embarqués ne cesse de croître. Pour résoudre les nombreux problèmes qui se posent (réactivité, erreurs de timing), la start-up Alkalee, essaimée du Laboratoire d'intégration de systèmes et de technologies (List – Univ. Paris-Saclay, CEA) suite à un partenariat avec Renault, propose ses solutions et services.

En 2016, le groupe automobile Renault et le CEA-List démarrent le projet FACE avec pour objectif de concevoir des architectures électroniques innovantes afin d’ajouter de nouvelles fonctionnalités au véhicule connecté. « À cette époque, cela faisait dix ans que j’exerçais au CEA sur les problématiques de logiciels embarqués. Ce projet a été une véritable opportunité de développer les technologies sur lesquelles je travaillais dans un contexte industriel », explique Paul Dubrulle, ancien chercheur au CEA et cofondateur et directeur technique de la start-up Alkalee.

En 2019, un projet d’incubation de start-up, baptisé Alkalee, démarre au List, puis se poursuit chez l’incubateur de start-up deeptech IncubAlliance Paris-Saclay pour aller vers l’industrialisation de ces technologies. En juillet 2020, la start-up est officiellement créée et reçoit sa première commande. « La fondation d’Alkalee nous permet d’exploiter les technologies que nous fabriquons. Lors de son lancement, c’est naturellement que j’ai pris le lead technique, comme je travaillais sur le projet depuis le début », commente Paul Dubrulle, actuel Chief Technical Officer (CTO) d’Alkalee. L’entreprise comporte également deux autres cofondateurs : Raphaël David, responsable des programmes stratégiques pour la mobilité au CEA et actuel Chief Executive Officer (CEO), et Laurent Le Garff, responsable des projets d’innovation électronique pour l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi et Chief Operating Officer (COO) d’Alkalee.

Depuis sa création, la start-up s’autofinance principalement par son chiffre d’affaires, un prêt d’honneur Wilco et des subventions d’innovation de la BPI. « Alkalee repose sur nos fonds propres, des subventions de la BPI et des emprunts bancaires. Nous n’avons pour l’instant pas levé de fonds et détenons avec le CEA-Investissement l’ensemble du capital », ajoute le CTO. Alkalee a d’ailleurs été lauréate du concours I-Lab en juillet 2021 et de la bourse French Tech émergence. En 2021, la start-up est également entrée dans le programme NeveOS, retenu dans le cadre du comité d’orientation pour la recherche automobile et mobilité (CORAM) de la Direction générale des entreprises (DGE) et porté par Renault et Continental. L’objectif de ce consortium est de concevoir des calculateurs hautes performances qui serviront aux architectures électriques et électroniques des véhicules de demain.

En septembre 2022, Alkalee a enregistré sa première licence commerciale pour son outil Euphilia. Au même moment, son hébergement chez IncubAlliance Paris-Saclay a pris fin. « Aujourd’hui, nous sommes dans une pépinière à Saclay, mais nous ne bénéficions plus d’accompagnement », explique Paul Dubrulle. Au total, la start-up exploite déjà en exclusivité sept brevets CEA et en a déposé un autre en 2022.

Une technologie complexe

Les logiciels deviennent de plus en plus prépondérants dans les voitures et les fonctions qu’ils assurent sont parfois un paramètre décisif dans l’acte d’achat du véhicule. Ce sont par exemple eux qui rendent les véhicules capables de détecter le franchissement d’une ligne blanche, de réguler la vitesse, d’ajuster la trajectoire ou encore qui interviennent dans les voitures autonomes. Dès lors, l’objectif des constructeurs automobiles est de concevoir des véhicules autour de ces logiciels. On parle de Software Defined Vehicle (SDV). À terme, les logiciels des voitures seront mis à jour régulièrement et de nouvelles applications seront installées pour étoffer leurs fonctions.

Alkalee intervient dans ce contexte en proposant un outil pour intégrer ces logiciels aux véhicules. « Nous aidons à rendre les programmes plus robustes, afin de démontrer qu’ils ne sont pas dangereux pour les utilisateurs de la voiture ni les passants », explique Paul Dubrulle. Pour exécuter toutes les tâches, on retrouve un logiciel de bas niveau qui pilote le matériel, appelé système d’exploitation. Pour chaque tâche, il y a un logiciel applicatif, comme l’aide à la conduite ou le non-franchissement des lignes blanches. Entre les deux, un middleware simplifie le développement des logiciels applicatifs sans se préoccuper des détails du logiciel de bas niveau. « En plus de son outil, Alkalee fournit un logiciel embarqué capable de s’intégrer aux middlewares industriels existants pour faciliter la mise en œuvre d'un fonctionnement global sûr et sécurisé », ajoute le cofondateur.

Auparavant, les solutions d’Alkalee n’étaient pas aussi essentielles qu’aujourd’hui. Toutefois, avec l’augmentation du nombre de fonctions d’aides à la conduite, de connectivité ou les nouvelles formes de propulsion électrique ou hybride dans les systèmes embarqués, la complexité des logiciels croît de manière exponentielle. Les méthodes appliquées restent les mêmes, mais démontrer que les programmes sont sans danger devient de plus en plus difficile. Alors comment la start-up s’y prend-elle ? « Nous avons recours à l’ingénierie dirigée par les modèles. C’est-à-dire qu’on structure les informations en utilisant les mêmes termes pour des éléments similaires afin de mieux les partager », développe Paul Dubrulle.

En effet, les systèmes embarqués sont en proie à de nombreuses contraintes, notamment en termes de temps d’action. Le système perçoit son environnement grâce à un capteur, le logiciel traduit l’information, un autre estime la vitesse ou les risques de percuter un piéton. Le système doit ensuite évaluer si le conducteur a à être prévenu ou s’il doit lui-même prendre le contrôle du véhicule. « Le temps de réaction doit être très court et les erreurs de timing limitées pour éviter de causer un accident. Nous travaillons sur ces défaillances-là. Dans ces modèles, nous ajoutons des informations pour automatiser l’analyse et la vérification grâce à des méthodes formelles. Notre cœur de contribution est l’automatisation de ces analyses par le système et la génération de logiciel pour assurer le respect des résultats », précise le cofondateur.

Développer un produit dans un cadre industriel

Pendant trois ans, la start-up s’est concentrée sur le développement de son produit. Elle entre désormais dans sa phase d’intégration aux processus clients. « Nous arrivons à un moment clé où nous sommes capables de faire une démonstration de notre technologie sur un ensemble assez vaste du système. Nous avons une solution qui passe très bien à l’échelle. Cela nous permet de fournir à nos clients un outil qui les aide à construire un modèle où l’on va générer de la configuration pour les logiciels embarqués », explique Paul Dubrulle.

La difficulté consiste à produire un logiciel capable de s’intégrer à ceux préexistants dans le véhicule. L’objectif est de créer des passerelles entre l’outil proposé par Alkalee et ceux déjà présents chez les clients. Dans les prochaines années, la start-up connectera son produit à l’écosystème pour accélérer l’adoption de ses solutions par les PMEs et ETI. Alkalee lorgne également au-delà du monde automobile, vers celui de la défense et des engins autonomes off road civils ou militaires. Pour cela, elle réalise actuellement une levée de fonds présérie A. La suivante aura lieu d’ici deux ans environ, pour financer une augmentation de taille de la société (scale up).