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Agnès Linglart : Traquer les gènes qui empêchent les enfants de grandir

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 24 novembre 2019 , mis à jour le 22 septembre 2020

Agnès Linglart est pédiatre et chercheuse, spécialisée dans les maladies rares affectant le squelette et la croissance. Elle s’investit à 200% entre ses patients à l’hôpital AP-HP Bicêtre, ses recherches au sein de l’unité Signalisation hormonale, physiopathologie endocrinienne et métabolique (Université Paris-Saclay, Université Paris-Sud, Inserm) et ses étudiants de la faculté de médecine Paris-Sud.

Directrice du département médico-universitaire du groupe hospitalier Paris-Saclay « Santé de l’enfant et de l’adolescent » et chef du service d’endocrinologie et diabète de l’enfant, Agnès Linglart coordonne également le Centre de référence pour les maladies phosphocalciques. Cette pédiatre chercheuse soigne les enfants atteints de maladies qui touchent la croissance, la forme et la minéralisation des os. La moitié d’entre elles sont des maladies rares. « Il peut s’agir d’un défaut de minéralisation, comme dans l’ostéogenèse imparfaite, d’un défaut ou d’une résistance aux hormones très importantes pour la minéralisation, ou encore de maladies touchant le maintien du taux de calcium ou de phosphore dans le sang, nécessaires à la construction du squelette, comme le rachitisme. »

Du patient à la thérapie, en passant par la recherche

« Ma recherche est translationnelle. À partir de l’observation de mes patients, naîtront les questions qui guideront l’identification des mécanismes pathologiques, comme la déficience d’un gène dans les cellules, puis la recherche et le développement de molécules thérapeutiques, en collaboration avec d’autres experts et des laboratoires pharmaceutiques », déclare le Professeur Linglart. Un circuit grandement facilité par la proximité de l’hôpital Bicêtre, de l’unité Signalisation hormonale, physiopathologie endocrinienne et métabolique, et de la faculté de médecine Paris-Sud où elle enseigne. « Le rapprochement des chercheurs et des malades est une idée française dont s’inspirent aujourd’hui d’autres pays dans le mondeEn travaillant ensemble, nous parvenons à améliorer les soins et la qualité de vie du patient dans 50 à 70 % des cas, selon les maladies ».  

En 2010, l’équipe d’Agnès Linglart identifie un gène à l’origine de maladies associées à des résistances hormonales. « En observant de près les symptômes de patients présentant des signes identiques, nous en avons déduit l’endroit où le trouver logiquement. » Dans le cas du rachitisme génétique hypophosphatémique, une autre maladie rare, dix ans après la compréhension des mécanismes en cause et alors que les traitements fonctionnent encore mal, les médecins du Centre de référence administrent une nouvelle molécule à un premier patient en France lors d’un essai clinique : « sa vie a été littéralement transformée », se souvient Agnès Linglart.

Maladies rares

La France est d’ailleurs pionnière dans la création des centres de références pour les maladies rares. « En organisant les soins, la recherche et la formation, ils améliorent considérablement le diagnostic, le suivi et le traitement de tous les patients », constate Agnès Linglart, qui est la référente pour les maladies rares phosphocalciques, et en particulier le rachitisme. « J’anime un collectif de patients, de médecins, de chercheurs et d’associations - comme K20 résistances hormonales et RVRH-XLH rachitismes -, rassemblés dans un réseau appelé Filière de Santé Maladies Rare OSCAR » . Elle saisit cette opportunité de concilier médecine et recherche, précisément à son retour de Boston en 2005, au moment où le gouvernement français lance son plan Maladies rares. Elle exerce d’abord à l’hôpital Saint-Vincent de Paul, puis à l’hôpital Bicêtre où elle est nommée professeur (PUPH) en 2013.

Médecin-e au féminin

À 51 ans, Agnès Linglart est sur tous les fronts. La place des femmes dans la médecine est son dernier cheval de bataille. « Le plafond de verre, je l’ai vécu ! J’estime que mon rôle aujourd’hui est de faciliter l’accès des jeunes femmes à des carrières ou à des projets professionnels passionnants. » Son exemple personnel devrait les encourager : « je n’ai pas hésité à partir deux ans en post-doc à Boston avec mes trois enfants et à en revenir avec quatre ! ». Elle est fière de la tribune publiée dans le Monde en 2018 avec d’autres femmes scientifiques, qui a, selon elle, contribué à changer « même un peu » le comportement des gens. « Je constate qu’on discute plus de parité au sein des commissions. » Enfin, Agnès Linglart est heureuse de collaborer à la création de l’Université européenne Global Health Challenges portée par l’université Paris-Saclay, « cet ensemble prestigieux en devenir ».