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E3N-E4N, la plus importante étude familiale de cohorte française, reçoit un nouveau financement de l’ANR

Recherche Article publié le 03 mars 2020 , mis à jour le 10 mars 2020

L’étude E3N-E4N vise à suivre des familles sur plusieurs générations afin de collecter des données primordiales pour la recherche en épidémiologie et en santé publique. Le projet a récemment reçu un financement supplémentaire de trois millions d’euros de l’Agence nationale de la recherche. Ce financement vient consolider l’important suivi de cohorte déjà mené dans le cadre de l’étude E3N et le recueil d’une quantité inédite de données épidémiologiques d’un intérêt crucial pour de nombreuses questions de santé.

Les études de cohorte sont des outils de recherche consistant à suivre un grand nombre d’individus sur plusieurs années afin de recueillir des informations, notamment de santé, et de faire le lien entre causes et conséquences dans l’apparition de maladies. Les premières d’entre elles ont été mises en place au sortir de la seconde guerre mondiale.

Depuis 1990, la cohorte E3N (Étude épidémiologique auprès de femmes de la Mutuelle générale de l'Éducation nationale) suit 100 000 femmes françaises nées entre 1925 et 1950. Cette première étude a mené à la publication d’un millier d’articles scientifiques et a répondu à différents enjeux de santé publique : les résultats obtenus ont par exemple fait le lien entre risque de cancer du sein et poids à l’adolescence.

Une extension du projet, nommée E4N (Étude épidémiologique auprès des enfants des femmes de la Mutuelle générale de l'Éducation nationale), a été initiée par l’Université Paris-Saclay, l’Institut Gustave Roussy et l’Inserm, sous la responsabilité de l’équipe Exposome et Hérédité du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP - Université Paris-Saclay, UVSQ, Inserm). Elle est financée depuis 2011 par l’Agence nationale de la recherche (ANR) au titre du Programme d’investissements d’avenir (PIA). L’ANR lui a récemment accordé un financement supplémentaire de trois millions d’euros jusqu’en 2025.

 

Plus large, plus divers, plus ambitieux

En incluant les conjoints, enfants et petits-enfants des femmes de la cohorte E3N, E4N rehausse d’un cran la quantité de données recueillies et analysées. La campagne de recrutement des enfants des participantes a commencé mi-2019 et est encore en cours. Les porteurs du projet espèrent bientôt suivre 20 000 familles sur trois générations et porter le nombre de participants à 200 000. L’ampleur de ce programme est unique en Europe, à la fois par sa taille et par la diversité des domaines étudiés. Là où l’étude E3N s’intéressait principalement au cancer, E3N-E4N s’ouvre à l’étude de nombreuses autres pathologies – notamment chroniques -, telles le diabète, les maladies cardiovasculaires ou les maladies neurodégénératives. Le suivi en temps long et au sein des familles se révèle particulièrement important pour répondre à ces enjeux de santé publique.

« Pour comprendre les causes des grandes maladies chroniques, les chercheurs doivent aujourd’hui s’intéresser aux interactions entre gènes et environnement. Les familles ont en commun des gènes, des lieux d’habitation, des habitudes de vie, c’est pourquoi l’étude E3N-E4N est un terrain d’investigation idéal pour démêler les influences génétiques, familiales et environnementales sur les pathologies », explique Gianluca Severi, responsable de l’équipe Exposome et Hérédité.

« Les pathologies chroniques se développent lentement, c’est pourquoi les données des cohortes qui s’y intéressent prennent généralement une valeur scientifique après une dizaine d’années de suivi des participants. Mais grâce aux femmes de l’étude E3N qui ont fidèlement répondu pendant 30 ans, nous avons déjà indirectement des informations sur les expositions de leurs enfants, pendant leur vie fœtale ou leur enfance notamment, qui sont des périodes qui pourraient se révéler décisives dans le développement du risque de maladies chroniques. Cela devrait permettre d’avoir très tôt des résultats très intéressants », complète le chercheur.

L’étude E3N-E4N promet également de passer à la loupe l’influence de divers facteurs sur la santé des participants. Gianluca Severi indique que « le projet BETA (pour Biomarqueurs associés à l'exposition aux perturbateurs Endocriniens : une Approche Transgénérationnelle), porté également par Francesca Romana Mancini, étudiera par exemple des mères et filles de la cohorte pour mieux comprendre leur exposition aux perturbateurs endocriniens et les effets physiologiques de ces substances. »

 

Des outils innovants d’e-épidémiologie

Mais E3N-E4N ne se contente pas d’avoir un échantillon plus large et des sujets d’études plus vastes. Elle vise aussi à tester et mettre en œuvre de nouvelles méthodologies de collecte des données. En complément des questionnaires et des échantillons biologiques donnant des informations génétiques ou physiologiques, l’équipe utilisera par exemple des bracelets connectés, pour suivre au quotidien l’activité physique ou le sommeil des participants qui l’acceptent, ou des capteurs de pollution. Ces innovations de l’e-épidémiologie, en décrivant plus fidèlement les habitudes de vie ou l’exposition aux polluants, aideront à mieux cerner certaines causes des grandes maladies.

Enfin, des questionnaires courts envoyés par sms, pour lesquels le temps de réponse est inférieur à deux minutes, favoriseront la collecte de données auprès des participants.

Ce projet d’envergure, à la méthodologie unique, ne manquera pas de révéler des données inédites et de soulever de nouvelles questions, que ce soit sur l’évolution de la santé tout au long de la vie, sur l’hérédité ou sur l’impact de l’environnement et du mode de vie sur les risques pathologiques. Un suivi des nouvelles générations sur cinq ans minimum sera nécessaire pour avoir des données transgénérationnelles. Les premiers résultats du projet BETA sont attendus d’ici deux ans.