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SEEPH : Thomas FAUVEL, un diplômé non-voyant engagé pour la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées

Alumni Article publié le 24 novembre 2023 , mis à jour le 23 janvier 2024

L’Université Paris-Saclay se mobilise pour la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées (SEEPH) qui se tient du 20 au 26 novembre 2023. A cette occasion, le Réseau des Diplômés a souhaité mettre en avant le parcours d’un diplômé en situation de handicap avec Thomas Fauvel, diplômé de la Faculté des sciences, non-voyant, ingénieur chez Orange et président de l’association 100% Handinamique. 

Pouvez-vous revenir sur votre parcours de formation ?

Après mon baccalauréat, j’ai intégré une classe préparatoire aux grandes écoles mathématiques – physique, j’ai ensuite rejoint la Faculté des sciences de l’Université Paris-Saclay.

Pourquoi avez-vous choisi l’Université Paris-Saclay ?

En classe prépa, un de mes professeurs enseignait aussi à Paris-Saclay, il était intéressant et répétait souvent que l’Université Paris-Saclay était un établissement de référence en matière de physique et proposait d’excellents enseignements, ce qui est le cas !

Quel est votre cursus de formation au sein de l’Université Paris-Saclay ?

Je me suis d’abord inscrit en Licence de Physique parcours IST- EAA (Information Système et Technologie) option (Electronique Electrotechnique et Automatique). J’ai ensuite poursuivi avec un Master E3A (Electronique, Energie Electrique, Automatique) spécialité Réseaux & Télécoms ; une des premières promotions des Master Paris-Saclay que j’ai effectué en alternance chez Orange. 

Vous êtes engagé depuis plusieurs années pour l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, pouvez-vous revenir sur cet engagement ?

Je suis en effet en situation de handicap visuel puisque je suis atteint depuis ma naissance d’une maladie dégénérative qui n’a cessé de dégrader ma vue. Aujourd’hui j’ai 33 ans et je suis non-voyant, je me déplace avec un chien-guide !

J’ai toujours souhaité encourager les jeunes en situation de handicap à poursuivre, si telle est leur envie, des études supérieures car beaucoup d’entre eux s’auto-censurent avec l’idée que rien se sera fait pour eux et qu’ils ne parviendront pas à suivre les cours.

J’ai témoigné plusieurs fois de mon parcours post-bac auprès de collégiens et de lycéens, avec l’association S3AIS, pour démystifier l’accès aux études supérieures des étudiants handicapés en donnant quelques clés, outils et méthodes pour gagner en autonomie et réussir. A Paris-Saclay, j’ai participé aux tables rondes « Starting Bloc » pour encourager l'inclusion des personnes, étudiants ou membres du personnel, en situation de handicap dans l'enseignement supérieur.

En savoir plus sur S3AIS : https://www.mutualite86.fr/s3ais/

Pourquoi certains élèves en situation de handicap s’auto-censurent pour leurs études supérieures ?

Les questions que se posent les élèves sont multiples, elles concernent l’accessibilité des cours que ce soit l’accès au campus et à la salle mais aussi la manière dont le professeur dispense le cours.

Ensuite chaque handicap et chaque cursus présentent des difficultés spécifiques. Pour les mal-voyants, les filières scientifiques demandent davantage d’accompagnement que les filières littéraires ou sociales où l’on écoute le cours avec une prise de note à la volée possible sur ordinateur. Quand un professeur écrit une équation au tableau, le cours devient beaucoup plus difficile à suivre !

Pour une personne avec un handicap visuel, quel serait le professeur idéal pour bien suivre un cours ?

Pour faire simple et dans le contexte actuel, je répondrais : un professeur qui a ses cours sur un support numérique qu’il partage avec les étudiants dans un format LaTeX qui est un langage de programmation permettant de créer des documents avec un code source accessible à la synthèse vocale.

L’enjeu demeure la formation au LaTeX qui se fait souvent par les pairs. Pour ma part, j’ai été formé par l’association apiDV (Accompagner, Promouvoir, Intégrer les Déficients Visuels) grâce à Pierre Lorenzon qui est aussi enseignant-chercheur à Paris-Saclay.

En savoir plus sur l’association apiDV - Accompagner, Promouvoir, Intégrer les Déficients Visuels : https://www.apidv.org/

Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel ?

J’ai démarré mon parcours professionnel par une alternance chez Orange en tant qu’expert transverse réseaux mobiles afin d’améliorer la qualité de service puis en tant qu’architecte réseaux expert. Durant mon alternance en master 1 & 2, j’ai été ambassadeur étudiant pour Orange, nous avons organisé 8 conférences en 2 ans, à destination d’étudiants et de doctorants, sur le numérique ou la cybersécurité en faisant venir sur le campus des experts Orange.

Aujourd’hui, je travaille toujours chez Orange pour des clients grands comptes en tant qu’architecte solutions client IoT (Internet des Objets) et convergence.

Comment avez-vous géré le sujet du handicap lors de votre insertion professionnelle ?

Le sujet du handicap est complexe en matière d’embauche. Personnellement, j’ai fait le choix de le mentionner sur mon CV afin d’éviter de perdre mon temps dans des entretiens où les portes se ferment lorsque l’on découvre mon handicap. Je trouvais fatiguant de me déplacer et de faire l’entretien pour rencontrer un recruteur fermé sur le sujet du handicap, même si je suis « blindé » cela fait perdre du temps et ce n’est pas agréable pour l’ego et la confiance en soi.

Vous êtes président de l’association 100% Handinamique, pouvez-vous nous présenter cette association ?

100% Handinamique est le mouvement des jeunes en situation de handicap. Nous agissons en faveur d’une société inclusive, en facilitant notamment les conditions de vie, d'études, d'intégration sociale et d'insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap. Je travaille plus spécifiquement sur l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap qui commence aussi avec l’accès aux études d’enseignement supérieur.

Le handicap est la première discrimination en France, je suis un habitué des phrases maladroites donc je ne suis plus affecté, mon rôle est désormais de défendre. Un jour un recruteur en entretien m’a demandé si je savais lire et écrire. Encore dernièrement une personne, à qui je disais que je travaille chez Orange, m’a demandé « mais tu travailles vraiment ? ».

En savoir plus sur 100% Handinamique : https://www.handinamique.org/

Quels sont les grands chantiers de 100% Handinamique concernant les universités ?

En ce qui concerne l’intégration des étudiants en situation de handicap, la priorité est de former les enseignants chercheurs à la prise en charge des étudiants en situation de handicap en proposant une pédagogie inclusive. Aujourd’hui quelques trop rares formations existent mais elles sont parfois très courtes (45 minutes à peine !) et pas assez qualitatives. J’en profite pour saluer l’Université Paris-Saclay qui est une université vraiment investie sur le sujet !

La seconde priorité est d’intégrer dans les formations proposées aux étudiants, des enseignements consacrés à la prise en charge du handicap. Par exemple, que les étudiants en ingénierie puissent être formés à l’accessibilité numérique ou que les étudiants urbanistes puissent être formés à l’accessibilité du bâti.

De mon côté, j’ai souhaité me muscler en matière de droit. En parallèle de mes fonctions chez Orange, je me suis inscrit en Licence de droit à l’Université Paris-Saclay. L'objectif est d’obtenir une expertise en droit du numérique, qui me servira en tant qu’ingénieur, et également en droit de l'Homme, qui me servira pour mes engagements associatifs autour du handicap.

Quels sont vos conseils pour une entreprise qui hésiterait à embaucher une personne en situation de handicap ?

Tout est possible, c’est une question de volonté et c’est l’humain qui fait la différence, si les gens veulent embaucher une personne en situation de handicap, ce n’est pas si compliqué !

Avec mon embauche, Orange en a profité pour se mettre aux normes notamment au niveau des ascenseurs. Concernant mon poste, je n’ai pas eu besoin de grand-chose, seulement un logiciel de lecture pour écran qui est gratuit et une licence OCR (Optical Character Recognition) qui est un logiciel de reconnaissance de caractère. La licence OCR est payante, une fois au moment de l’acquisition du logiciel. Les entreprises peuvent bénéficier de financements via l’AGEFIP.

100% Handinamique participe à la SEEPH, quelles sont vos actions ?

100% Handinamique participe à la 27ème édition de la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées qui se tient du 20 au 26 novembre 2023. L’AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées), l’ADAPT (Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées) et le FIPHFP (Fonds pour l'Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique) se réunissent pour réfléchir, débattre et proposer des actions concrètes sur le thème de : « La transition numérique : un accélérateur pour l’emploi des personnes en situation de handicap ? »

Le but est de :

  • Permettre de se faire rencontrer entreprises, politiques, associations, société et surtout les demandeurs d’emploi en situation de handicap
  • S’interroger sur la pertinence et l’amélioration des outils mis en place pour l’insertion professionnelle
  • Sensibiliser et informer sur le travail des personnes en situation de handicap
  • Mener des actions directes et concrètes pour le recrutement

Cette initiative au cœur de l’emploi et des problématiques d’insertion professionnelle correspond complétement aux valeurs de 100% Handinamique et nous permet de proposer encore plus d’actions pour accompagner les jeunes en situation d’handicap.

Durant la SEEPH, 100% Handinamique publie sur ses réseaux sociaux des témoignages inspirants de jeunes en situation de handicap, leurs parcours professionnels et leurs réussites. L’association propose aussi du mentorat express, et pour ceux qui veulent aller plus loin : un accompagnement personnalisé pour répondre aux questions sur l’emploi, et donner des astuces et retours d’expérience sur la vie professionnelle. L’association propose aussi des ateliers « coaching » pour valoriser son CV, son parcours et l’apport du numérique « Comment valoriser mes compétences numériques ? A quel point le numérique et la technologie peuvent aider pour l’insertion professionnelle ? » Nous organisons aussi un Handicafé qui rassemble entreprises, recruteurs et candidats, étudiants, jeunes actifs en distanciel via un forum de recrutement et de coaching pour échanger, s’entrainer pour un entretien et apprendre à se valoriser. L’idée est de mettre en pratique tous les conseils des ateliers, et surtout se confronter au monde professionnel avec des partenaires déjà sensibilisés au handicap, une barrière en moins !

Personnellement, je participe à un Duo Day avec Prisca Thevenot, secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et du Service national Universel. L’idée est de partager notre journée dans une logique d’immersion où je découvre le ministère et où la secrétaire d’état se rend compte du quotidien d’une personne en situation de handicap. Nous avons d’autres Duo Day avec d’autres jeunes en situation de handicap qui en profitent pour découvrir un secteur, une entreprise, un métier, toujours dans une logique d’insertion professionnelle. L’année dernière, j’avais passé ma journée chez Google.

Je participe aussi aux cérémonies d’ouverture et de clôture ainsi qu’à une table-ronde sur l’accès au numérique pour les personnes en situation de handicap quelle que soit leur situation et leur âge.

Quels sont vos projets ?

Concernant le handicap, j’aimerais donner une dimension internationale à 100% Handinamique.

En savoir plus sur la SEEPH à Paris-Saclay : https://www.universite-paris-saclay.fr/actualites/semaine-europeenne-po…

Crédits photos : 100% Handinamique (site Internet et réseaux sociaux)