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L’influence du charisme chez les espèces invasives

Recherche Article publié le 15 mai 2020 , mis à jour le 25 mai 2020

L’implantation d’espèces invasives dans de nouveaux biotopes par les activités humaines entraîne très souvent de grandes pertes de biodiversité. Des scientifiques, dont certains du laboratoire Écologie, systématique & évolution (ESE - Université Paris-Saclay, CNRS, AgroParisTech), s’intéressent à l’impact du charisme de ces espèces dans la gestion de leurs invasions.

Le charisme d’une espèce se définit comme la manière dont la société humaine perçoit cette espèce. Dans le cas d’espèces invasives, il joue sur la capacité des êtres humains à gérer ces populations et leur surnombre. Une espèce invasive à fort charisme, perçue positivement par la majorité de la société, aura tendance à persister dans son milieu. Elle ne sera pas la cible de campagnes d’éradication. À l’opposé, une espèce à faible charisme, plutôt perçue négativement, aura davantage de chance de voir sa population régulée.

Dans leurs travaux récents, les chercheurs du laboratoire Écologie, systématique & évolution (ESE - Université Paris-Saclay, CNRS, AgroParisTech) et leurs collaborateurs européens soulignent que ces espèces invasives causent d’importantes pertes écologiques et dommages économiques dans le monde entier. Lorsqu’elles sont charismatiques, elles peuvent être plus souvent introduites que d’autres espèces, par exemple pour des raisons esthétiques, comme les nouveaux animaux de compagnie ou les plantes ornementales. Un tiers des espèces invasives aquatiques sont ainsi des plantes ornementales utilisées en aquariophilie.

Le charisme d’une espèce joue également sur le contrôle de cet envahisseur, moins facile lorsqu’il plaît au grand public. Par exemple, le raton-laveur, introduit par l’Homme au Japon à la fin des années 1970 comme animal de compagnie très populaire et apprécié, a rapidement fini par être relâché et poser d’énormes problèmes. Malgré des campagnes de régulation, son apparence charismatique complique ces opérations.

Il arrive même que le grand public s’oppose aux actions visant à limiter certaines populations d’espèces invasives, comme les perruches moines aux États-Unis, appréciées pour leurs couleurs chatoyantes, ou les écureuils gris d’Amérique en Italie, qui pourtant déciment les écureuils roux d’Europe. Et certaines espèces envahissantes ont un tel charisme qu’elles finissent parfois, au fil des années, par être acceptées et intégrées à la culture locale et deviennent alors intouchables. Parmi elles, le figuier de barbarie, espèce invasive classée nuisible en Europe, mais qui fait maintenant partie du paysage du bassin méditerranéen.

Fort heureusement, la plupart des espèces introduites par l’Homme dans de nouveaux milieux ne sont pas invasives. Seules certaines le deviennent, causant des dégâts écologiques, sanitaires ou économiques, et leur contrôle devient alors plus compliqué lorsque nous sommes sous leur charme.

Référence :

JARIĆ, Ivan, COURCHAMP, Franck, CORREIA, Ricardo A., et al. The role of species charisma in biological invasions. Frontiers in Ecology and the Environment.