À l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH), du 18 au 22 novembre 2024, découvrez le parcours d’un diplômé en situation de handicap : Thomas Fauvel, diplômé de la Faculté des sciences, non-voyant, ingénieur chez Orange et président de l’association 100% Handinamique.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours de formation ?
Après mon baccalauréat S (scientifique) et une Classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) mathématiques – physique, j’ai rejoint la Faculté des sciences de l’Université Paris-Saclay où j’ai obtenu une licence de physique parcours IST- EAA (Information système et technologie) option (Électronique, électrotechnique et automatique). J’ai ensuite poursuivi avec un Master E3A (Électronique, électrotechnique et automatique) spécialité Réseaux & Télécoms ; une des premières promotions des Master Paris-Saclay que j’ai effectué en alternance chez Orange. J’ai par ailleurs en 2022 suivi les enseignements à distance d’une licence de droit de l’Université Paris-Saclay.
Pourquoi avez-vous choisi l’Université Paris-Saclay ?
En classe préparatoire, un de mes professeurs, qui enseignait aussi à l’Université Paris-Saclay, répétait souvent que cette université était un établissement de référence en matière de physique avec d’excellents enseignements. J’ai alors décidé d’y poursuivre mes études.
Vous êtes engagé depuis plusieurs années pour l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, pouvez-vous revenir sur cet engagement ?
Je suis en effet en situation de handicap visuel puisque je suis atteint depuis ma naissance d’une maladie dégénérative qui n’a cessé de dégrader ma vue. Aujourd’hui, à 33 ans, je suis non-voyant et me déplace avec un chien-guide !
J’ai toujours souhaité encourager les jeunes en situation de handicap à poursuivre, si telle est leur envie, des études supérieures car beaucoup d’entre eux et d’entre elles s’auto-censurent avec l’idée que rien n’est adapté et qu’ils ne parviendront pas à suivre les cours.
J’ai témoigné plusieurs fois de mon parcours post-bac auprès de collégiennes, collégiens, lycéennes et lycéens, avec l’association S3AIS, pour démystifier l’accès aux études supérieures des étudiant·es handicapé·es en donnant quelques clés, outils et méthodes pour gagner en autonomie et réussir. À Paris-Saclay, j’ai participé aux tables rondes « Starting Bloc » pour encourager l’inclusion des personnes, étudiant·es ou membres du personnel, en situation de handicap dans l’enseignement supérieur.
Pourquoi certain·es élèves en situation de handicap s’auto-censurent pour leurs études supérieures ?
Les questions que se posent aux élèves sont multiples, elles concernent l’accessibilité des cours, aussi bien au campus qu’à la salle, mais aussi la manière dont les professeur·es dispensent le cours.
Chaque handicap et chaque cursus présentent par ailleurs des difficultés spécifiques. Pour les mal-voyant·es, les filières scientifiques demandent davantage d’accompagnement que les filières littéraires ou sociales où l’on écoute le cours avec une prise de note à la volée possible sur ordinateur. Quand un·e professeur·e écrit une équation au tableau, le cours devient beaucoup plus difficile à suivre !
Pour une personne avec un handicap visuel, quel serait l’enseignement idéal pour bien suivre un cours ?
Pour faire simple et dans le contexte actuel, je répondrais : des cours sur un support numérique partagé aux étudiantes et étudiants dans un format LaTeX, langage de programmation permettant de créer des documents avec un code source accessible à la synthèse vocale.
L’enjeu demeure la formation au LaTeX qui se fait souvent par les pairs. Pour ma part, j’ai été formé par l’association apiDV (Accompagner, promouvoir, intégrer les déficients visuels), grâce à Pierre Lorenzon, enseignant-chercheur à l’Université Paris-Saclay.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel ?
J’ai démarré mon parcours professionnel par une alternance chez Orange en tant qu’expert transverse réseaux mobiles afin d’améliorer la qualité de service puis en tant qu’architecte réseaux expert. Durant mon alternance en master 1 & 2, j’ai été ambassadeur étudiant pour Orange et nous avons organisé 8 conférences en 2 ans, à destination d’étudiant·es et de doctorant·es, sur le numérique ou la cybersécurité en faisant venir sur le campus des experts Orange.
Aujourd’hui, je travaille toujours chez Orange pour des grands comptes clients en tant qu’architecte solutions client IoT (Internet des objets) et convergence.
Comment avez-vous géré le sujet du handicap lors de votre insertion professionnelle ?
Le sujet du handicap est complexe en matière d’embauche. Personnellement, j’ai fait le choix de le mentionner sur mon CV afin d’éviter de perdre mon temps dans des entretiens où les portes se ferment à la découverte de mon handicap. Je trouvais fatiguant de me déplacer et de rencontrer un recruteur fermé sur le sujet du handicap : même si je suis « blindé », ce n’est pas agréable pour l’ego et la confiance en soi, sans parler de la perte de temps.
Vous êtes président de l’association 100% Handinamique, pouvez-vous nous présenter cette association ?
100% Handinamique est le mouvement des jeunes en situation de handicap. Nous agissons en faveur d’une société inclusive, en facilitant notamment les conditions de vie, d’études, d’intégration sociale et d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap. Je travaille plus spécifiquement sur l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap qui commence aussi avec l’accès aux études d’enseignement supérieur.
Le handicap est la première discrimination en France. Je suis un habitué des phrases maladroites et je ne suis donc plus affecté, mon rôle est désormais de défendre. Un jour un recruteur en entretien m’a demandé si je savais lire et écrire. Encore dernièrement une personne, à qui je disais que je travaille chez Orange, m’a demandé « mais tu travailles vraiment ? ».
Quels sont les grands chantiers de 100% Handinamique concernant les universités ?
En ce qui concerne l’intégration des étudiantes et étudiants en situation de handicap, la priorité est de former le corps enseignant à la prise en charge des étudiant·es en situation de handicap en proposant une pédagogie inclusive. Aujourd’hui quelques trop rares formations existent mais elles sont parfois très courtes (45 minutes à peine !) et pas assez qualitatives. J’en profite pour saluer l’Université Paris-Saclay, vraiment investie sur le sujet !
La seconde priorité est d’intégrer dans les formations proposées aux étudiant·es, des enseignements consacrés à la prise en charge du handicap. Par exemple, l’accessibilité numérique dans les formations en ingénierie ou l’accessibilité du bâti dans les formations d’urbanistes.
Quels sont vos conseils pour une entreprise qui hésiterait à embaucher une personne en situation de handicap ?
Tout est possible, c’est une question de volonté et c’est l’humain qui fait la différence. L’embauche d’une personne en situation de handicap n’est pas si compliquée !
Avec mon embauche, Orange en a profité pour se mettre aux normes notamment au niveau des ascenseurs. Concernant mon poste, je n’ai pas eu besoin de grand-chose, seulement d’un logiciel de lecture pour écran, qui est gratuit, et d’une licence OCR (Optical Character Recognition), un logiciel de reconnaissance de caractère, payant au moment de l’acquisition. Les entreprises peuvent bénéficier de financements via l’AGEFIP.