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Onima upcycle la levure de bière dans nos assiettes grâce à un procédé de désamérisation

Dans le cadre de la Journée internationale de sensibilisation aux pertes et gaspillage de nourriture, le 29 septembre, instaurée en 2020 par l’Organisation des Nations unies (ONU), Juan Londono, directeur des opérations chez Onima, présente sa start-up : Onima propose un mode de production plus résilient en transformant les déchets de levure de bière en nouveaux aliments, valorisant ainsi ces produits résiduels.

Les trois cofondateurs de la start-up Onima. ® Onima

Cofondée en 2021 par deux alumni d’AgroParisTech, Nikola Stevanovic et Mathieu Durand, et un alumnus de CentraleSupélec, Juan Londono, aujourd’hui respectivement directeur général (CEO), directeur technique (CTO) et directeur des opérations (COO) de la start-up, Onima est issue du laboratoire Paris-Saclay Food and Bioproduct Engineering (Say Food – Univ. Paris-Saclay / INRAE / AgroParisTech) et de l’unité de recherche et de développement Agro-biotechnologies industrielles (URD ABI – AgroParisTech). Onima met au point un bioprocédé unique qui s’attaque au principal défi de la valorisation des levures dans la chaîne alimentaire humaine : son amertume. Elle libère le potentiel des produits revalorisés et utilise les déchets de levure pour créer d’autres aliments à partir de levure de bière upcyclée.

Redonner vie à des matières premières trop souvent exclues des systèmes alimentaires

C’est là que se situe la motivation des trois cofondateurs lorsqu’ils se lancent dans l’aventure d’Onima : recycler et valoriser les produits agroalimentaires résiduels en les réinjectant dans la chaîne alimentaire humaine. « Ces matières premières étaient considérées comme obsolètes, voire très souvent comme des déchets. On souhaitait les remettre au cœur de nos systèmes alimentaires », explique Juan Londono.

Après une lecture approfondie de multiples dossiers et rapports, leur cible leur apparaît : la levure de bière, un ensemble de petits champignons unicellulaires (Saccharomyces cerevisiae) obtenu lors de la fermentation de la bière grâce au brassage du malt. Cette matière première « vivante », très riche en nutriments notamment en protéines (près de 40 %), fibres, vitamines et minéraux, semble être la candidate idéale pour une valorisation réussie.

Mais un obstacle de taille se dresse bientôt sur leur route : l’amertume du composé, qui explique l’absence de cette matière première, telle quelle, dans nos assiettes, bien qu’il soit toutefois parfois possible de la retrouver sous forme d’extraits ou de concentrés. « Ça permet de contourner le problème de l’amertume, en allant chercher des propriétés à l’intérieur de la levure, mais c’est beaucoup plus énergivore. L’impact environnemental et les coûts sont aussi plus importants. Chez Onima, nous gardons finalement la levure avec toutes ses propriétés », explique Juan Londono.

Saccharomyces cerevisiae aussi connue comme la levure de bière ou de boulanger

La désamérisation, clé de voûte de la valorisation de la levure de bière

Ce tour de force repose sur le processus de désamérisation, un procédé biotechnologique clé qui consiste à retirer les molécules responsables de l’amertume à l’issue du brassage. Il cible les humulones, provenant du houblon et qui font le goût si caractéristique de la bière, mais qui en s’adsorbant sur la paroi des levures les rendent désagréables à la consommation.

Grâce à ce processus, Onima est aujourd’hui la première entreprise capable de retirer l’amertume de la levure de bière sans la dénaturer et sans utiliser de produits chimiques potentiellement problématiques pour l’environnement et la santé. « Aujourd’hui, notre levure est 100 % recyclée et provient de brasseries où elle a servi à brasser de la bière. »

Une start-up ancrée sur le territoire

L’histoire d’Onima est fortement empreinte de l’écosystème de Paris-Saclay. « Tous les trois, on est liés d’une manière ou d’une autre à l’Université Paris-Saclay », confirme le COO d’Onima. En effet, la start-up voit le jour en 2021 dans l’enceinte de l’Université et évolue ensuite petit à petit grâce à elle, ses membres et ses partenaires. Le projet intègre l’incubateur Food’In Lab d’AgroParisTech, « vraiment essentiel au début, pour trouver nos marques dans le monde de la foodtech et de la formulation. On a eu accès aux locaux et à un certain nombre d’expertises, avec un très bon suivi ».

Après le Food’In Lab, c’est au tour du Genopole d’accompagner Onima, via le programme Shaker. « La partie purement recherche en biotechnologies s’y est faite. Sans cela, on n’aurait pas eu accès à des équipements de pointe pour tester notre procédé. » Ensuite, lorsque vient le temps de s’attaquer à la partie marché et développement de la technologie, 21st by CentraleSupélec fait son entrée, en 2022, et accompagne le trio pendant un an. “21st était pour nous assez intéressant en termes d’écosystème. Il possède un très beau réseau d’entreprises », explique l’alumnus de CentraleSupélec.

Des marchés à conquérir et des défis à relever

Désormais, Onima voit grand et a l’ambition d’intégrer plusieurs marchés, comme le segment traiteur végétal, simili viande, galettes végétales. Et d’autres plus novateurs, comme le marché des pâtes et du pain protéinés. « Aujourd’hui, avec la levure de bière, on peut réaliser un plat uniquement avec des pâtes et une dose de légumes mais qui représente l’équivalent, en termes de quantité et d’apports nutritionnels, d’un plat comprenant féculent, légumes et poulet », affirme Juan Londono.

« On a l’ambition de démocratiser un aliment et de l’introduire dans ce que l’on consomme régulièrement », continue le COO d’Onima. Cela vaut également pour nos petits animaux de compagnie : « il se trouve que la levure de bière est très appréciée par les chats et les chiens », s’amuse le startupeur.

Cependant, accéder à ces marchés n’est pas une mince affaire. « Aujourd’hui, les enjeux sont très clairs par rapport à une montée à l’échelle industrielle de notre produit. C’est un défi, car monter une usine ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut être accompagné, obtenir des financements, etc. Il nous faut avoir dès le départ des machines et des moyens qui coûtent extrêmement cher », confie le COO.

Un autre défi majeur est de trouver son marché car, « dans le cas d’une deeptech, on ne part pas du besoin du consommateur pour créer la techno. On fait l’inverse : on part d’une matière première, d’une techno, sans savoir ce que ça va donner, et on essaie ensuite de lui trouver sa place ».

Accepter ces produits alimentaires de demain

Ces nouvelles matières premières et les nouveaux produits alimentaires qui en découlent, souvent des alternatives à la viande, sont en effet sujets à des questionnements de la part des industriels mais également des consommateurs et consommatrices. Selon Juan Londono, « changer de vision représente un gros défi. Il faut rester ouvert sur le potentiel de ces ingrédients et se donner le temps d’essayer et d’innover avec eux ».

Du côté des consommateurs et consommatrices, il ne s’agit pas forcément de remplacer totalement la viande mais de parvenir à équilibrer davantage ses plats en s’orientant vers des produits nouveaux. « C’est un travail qu’ils et elles ne peuvent pas faire seules. On en est conscient. Il faut que nous, industriels et marques, les y accompagnions », explique le jeune homme.

Si tout se passe bien, Onima sera très bientôt une actrice de ce changement. Actuellement en phase de passage à l’échelle industrielle, la start-up annoncera en fin d’année le lancement de sa gamme d’ingrédients et l’équipe commencera la recherche de financements. Cette équipe réunit aujourd’hui dix-sept personnes aux compétences variées, allant de la biotechnologie au développement commercial en passant par la food science. « L’équipe est très talentueuse et ses compétences se retrouvent de manière élargie dans l’écosystème de l’Université Paris-Saclay et de ses composantes. On souhaite d’ailleurs continuer à tisser des liens avec cet écosystème pour recruter les talents qui nous accompagneront demain », conclut l’entrepreneur. Un souhait partagé !

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