Hugo Duminil-Copin, diplômé de l’Université Paris-Saclay et lauréat de la médaille Fields en mathématiques

Pourquoi avoir choisi l’Université Paris-Saclay ?

Je suis originaire de la Vallée des Chevreuse, j’ai toujours entendu parler de l’Université Paris-Saclay. Je suis parti sur Paris pour faire deux années de classes préparatoires « Maths Sup Maths Spé » au lycée Louis-le-Grand. J’ai obtenu le concours de l’Ecole Normale Supérieure et j’ai intégré la rue d’Ulm. J’ai poursuivi à l’ENS avec un Master 1 en mathématiques mais j’ai souhaité rejoindre la Faculté des sciences de l’Université Paris-Saclay pour mon Master 2 en probabilité et statistiques.

L'Université Paris-Saclay est une université de rang mondial, qui propose des enseignements d’excellence grâce à des professeurs reconnus internationalement, passionnés et donc passionnants. Je pense par exemple à Wendelin Werner.

Pour la petite histoire, j’ai toujours habité à côté du campus d’Orsay de l’Université Paris-Saclay, mais lorsque je me suis inscrit pour mon Master 2, j’avais déménagé entre temps à Paris, je me suis donc retrouvé à faire les trajets en sens inverse mais je voulais spécifiquement faire ce master.
J’ai quitté l’Université Paris-Saclay pour mon doctorat, c’est un choix de personne et non d’université. Je souhaitais travailler avec certains chercheurs en particuliers qui me permettaient de me spécialiser encore davantage sur certains points. J’ai donc rejoint la Faculté des sciences de l’Université de Genève.

Vous êtes revenu auprès de l’Université Paris-Saclay pour enseigner. Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

J’ai toujours aimé enseigner, ma première vocation était de devenir professeur. Avant de démarrer mon master, j’ai passé l’agrégation de mathématiques que j’ai eu du premier coup et avec de très bonnes notes. Cela m’a donné davantage confiance en moi, j’ai pris conscience de mon talent en mathématiques, je me suis fait la réflexion que mes qualités de mathématicien pouvaient être davantage développées. C’est ce qui explique la poursuite de mon master par un doctorat.

Aujourd’hui je suis professeur permanent au sein de l’Université Paris-Saclay puisque j’enseigne à l’Institut des Hautes Études Scientifiques (IHES). Je suis aussi professeur ordinaire à la Section de mathématiques de la Faculté des sciences de l’Université de Genève. J’ai gardé un fort attrait pour la recherche qui est source de créativité. J’y consacre toute une partie de ma vie professionnelle, ce qui explique que je ne sois pas professeur à plein temps. J’aime beaucoup avoir plusieurs casquettes.

Dans votre passion pour les mathématiques, quelle est la part de talent et de travail ?

Il y a un peu un fantasme autour du mathématicien au talent inné mais même les plus grands génies de mathématiques doivent s’exercer au quotidien. Pour ma part, j’ai longtemps était premier de la classe en mathématiques, mais en arrivant au lycée à Louis-Le-Grand, je me suis retrouvé dans les derniers, cela a été un électrochoc. Je me suis relevé, j’ai travaillé davantage en comprenant que l'inné ne suffisait pas et j’ai retrouvé le haut du classement !

Quel est l’objet de vos recherches actuelles ? Comment l’expliqueriez-vous au grand public ?

Mon travail de recherche porte sur l’étude mathématique de la transition de phase. Concrètement, je travaille sur les changements bruts de la matière et plus précisément sur le passage de l’eau à la vapeur dès les 100 degrés de température. Mon objectif est de comprendre et modéliser mathématiquement cette transition. Je cherche à retranscrire en mathématique le travail de physiciens.

Il y a trois grandes échelles en physique que les mathématiques cherchent à modéliser : la relativité générale c’est-à-dire l’infiniment grand, par exemple l’étude de l’espace ; la physique quantique c’est-à-dire l’infiniment petit, par exemple l’étude des molécules ; et enfin la physique statistique c’est-à-dire l’échelle humaine, par exemple l’étude de la transition de l’eau à la vapeur. Je m’intéresse à ce dernier type de physique. Ce que j’aime dans mes recherches est cette connexion au réel, j’y trouve à la fois de la beauté et de l’amusement.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez appris que vous aviez reçu la Médaille Fields ?

Pour la petite anecdote, le mail de l'annonce de la Médaille Fields était tombé dans mes spams. Je l'ai vu une semaine plus tard. J’ai dû garder le secret de longs mois, prévenu en janvier, je n'ai eu le droit de le dire qu'à ma femme…

J’ai ressenti de la satisfaction mais surtout de la responsabilité, je ne serais pas là sans ma famille, mes amis avec qui j’adore faire des maths, mes professeurs, mes collègues avec qui j’ai eu le plaisir et l’honneur de travailler, ainsi qu’avec tous les membres de mon équipe. En tant que professeur permanent à l’IHES, je bénéficie d’une grande liberté et indépendance dans mes travaux de recherche, tout en interagissant avec les scientifiques les plus remarquables de leur domaine, en mathématique comme en physique. Au-delà de la récompense qui salue mes travaux scientifiques, la Médaille Fields est la récompense de tout un parcours.