Alors que dans la plupart des industries agroalimentaires la détection des pathogènes requiert la culture des bactéries sur des boîtes de pétri, la start-up DNTech souhaite démocratiser de nouveaux modes de détection, moins polluants et plus efficaces.
Au cours de l’année 2020, au sein de la licence professionnelle Bio-industries et biotechnologie à l’Université Paris-Saclay, Amandine Lancelot et son collaborateur, qui désire rester dans anonymat, développent un projet baptisé BacterioDec. Leur objectif ? Concevoir un kit de détection rapide, sensible et économique pour le contrôle qualité de l’industrie agroalimentaire. « Nous n’avons pas cherché à créer notre société en fin de licence puisque nous avons poursuivi nos études. Nous voulions aussi ne pas nous précipiter et valider plusieurs points : avoir des preuves de désirabilité, de faisabilité de notre concept et une certaine légitimité. Nous souhaitions également vérifier que tout était atteignable en l’espace de trois à quatre ans post-création », explique Amandine Lancelot. Pendant deux ans, les partenaires affinent la vision de leur concept, tout en se faisant petit à petit connaître. Amandine Lancelot se concentre sur la partie scientifique, avec le développement de leur technologie, tandis que son collaborateur travaille sur l’aspect business : prospection de potentiels clients, étude de marché, etc.
Dès le début de leur histoire, ils sont intégrés au Shaker, un programme d’innovation biotech au sein du Genopole, à Évry-Courcouronnes, dans un espace dédié aux projets de start-up. Ils y bénéficient de bureaux, de laboratoires ainsi que de formations à la création d’entreprise. Dès 2021, le duo participe à des salons et à des concours pour financer ses travaux. En novembre 2022, à la suite d’un accompagnement par le programme Pépite de Sorbonne Université, la start-up DNTech voit le jour. L’année suivante, la jeune entreprise est lauréate du programme Women Entrepreneurs Boston de Paris-Saclay, qui promeut la féminisation des métiers de la Tech. En 2023, DNTech est lauréate du forum Labo, un salon consacré à l’innovation en laboratoire. Enfin, en 2024, elle est finaliste à Spring 50, lors du salon Spring Paris-Saclay. Elle est aussi finaliste nationale du concours Tech for Future.
À l’heure actuelle, la société a reçu des financements non dilutifs et est labellisée Deeptech. « Nous avons obtenu des premiers résultats en laboratoire sur différentes matrices alimentaires et segmenté notre marché cible. Pour cela, nous avons fait appel à la région Île-de-France pour un prêt d’honneur et à la BPI pour des subventions. Les concours financent également une partie de notre travail », précise Amandine Lancelot. En plus des deux fondateurs, trois employées contribuent au développement de DNTech.
Faciliter les contrôles microbiologiques
La solution proposée par DNTech consiste en une machine de détection portable, de la taille d’un petit micro-ondes, accompagnée de ses réactifs, indispensables à l’identification de bactéries comme E.coli, Salmonella, Listeria, etc. Ces outils sont destinés aux laboratoires de contrôle qualité des usines de production fabriquant des aliments avec une date de péremption courte, où la libération rapide est un enjeu important. « Avec une dizaine de produits qui sortent contaminés chaque jour des usines, notre objectif est vraiment de détecter des pathogènes en quelques heures au lieu de trois jours minimum », explique la CEO.
Aujourd’hui, les industries agroalimentaires investissent plusieurs centaines de milliers d’euros dans la réalisation des analyses microbiologiques. Celles-ci viennent répondre aux exigences européennes et aux méthodes de références décrites sous forme de normes ISO. Or les analyses de sécurité alimentaire sont basées sur la culture bactérienne : les techniciens prélèvent 25 g de chaque lot et les mettent en culture pendant 18 heures. Durant ce laps de temps, les bactéries prolifèrent. C’est l’étape de pré-enrichissement. L’échantillon pré-enrichi est ensuite déposé et incubé sur une boîte de pétri. Au bout de trois jours, l’industriel est capable de déterminer si ses lots contiennent ou non des pathogènes.
« Ces tests libératoires sont très longs et manquent parfois de fiabilité. Tant que le laboratoire ne donne pas de résultats, le lot doit être stocké. Le rapport d’analyse est donc une forme de passeport pour la libération des produits sur le marché. Mais de plus en plus de laboratoires ont du mal à suivre la cadence des tests, du fait de l’augmentation du nombre de contrôles imposés par la réglementation. Par conséquent, les méthodes ISO deviennent incompatibles avec le rythme industriel, qui s’accélère. La culture bactérienne génère également beaucoup de déchets biologiques difficiles à traiter. Notre procédé consiste, à partir de l’étape de pré-enrichissement, à ajouter l’échantillon aux réactifs du kit DNTech. Le résultat sera ensuite analysé par l’automate. Ce résultat étant disponible en moins de deux heures, les industriels peuvent libérer leurs marchandises dans la journée », explique Amandine Lancelot.
L’automate, développé par la start-up, fonctionne sur diverses méthodes de biologie moléculaire, biochimie et chimie pour déterminer si l’échantillon contient, ou non, de l’ADN de pathogènes. « Ce qui nous différencie de nos concurrents, ce sont l’ergonomie et l’interface humain-machine. Les personnes qui utilisent notre technologie n’ont pas besoin de spécialisation en biologie moléculaire. Les nouvelles techniques qui arrivent sur le marché sont basées sur la PCR mais requièrent des connaissances, que ce soit sur la mise en œuvre ou l’interprétation des résultats. De notre côté, nous nous concentrons sur l’expérience utilisateur pour que ce soit le plus simple possible, sans retirer aux techniciennes et aux techniciens leurs savoir-faire et leurs compétences de microbiologistes. Nous voulons aussi améliorer la sécurité des tests. Dans notre solution, l’exposition aux pathogènes est limitée puisque l’automate est hermétique », explique la cofondatrice.
Un produit sur le marché dans deux ans
Pour l’instant, la technologie de DNTech en est au stade de développement. La preuve de concept a été approuvée et l’équipe a déjà réalisé avec succès des analyses sur de la viande de bœuf, de la volaille et des yaourts. « Pour mettre notre produit sur le marché, nous devons effectuer des tests supplémentaires, afin de valider la performance. La reproductibilité des résultats permet de détecter avec précision les pathogènes », ajoute Amandine Lancelot. L’équipe estime que deux années seront encore nécessaires pour que leur solution soit disponible à la vente. DNTech vise en priorité le marché français, avant de s’étendre partout en Europe, où la réglementation et les normes sont identiques. Si pour l’instant l’entreprise se concentre sur les produits à dates courtes, elle compte fournir sa technologie à toutes les industries agroalimentaires : fruits de mer, légumes, boissons, aliments secs…
« Notre vision, c’est de démocratiser les nouvelles technologies de détection des pathogènes appliquées au secteur de l’agroalimentaire. Les laboratoires de microbiologie sont contraints de contrôler davantage, plus vite et sans aucune méthode correspondant à cette dynamique. Nous voulons mettre en lumière ce secteur, qui aujourd’hui se heurte à la dureté de la réglementation et à l’incitation à produire plus, tout en polluant moins. Nous ne pouvons pas réduire le risque de contamination à zéro, mais pouvons le diminuer drastiquement, sans changer la routine de l’industriel et tout en améliorant l’approche utilisateur. Notre R&D est centrée sur l’usager. Comme nous étions auparavant techniciens, nous connaissons très bien les soucis liés à la paillasse. Notre technologie est donc créée par des opérationnels, pour des opérationnels », conclut Amandine Lancelot